Les Black Blocks menacent de « détruire » La Nouvelle Librairie : info ou intox ?
Une librairie droitarde menacée d'être brûlée en plein Paris. Serait-ce donc le retour du temps des autodafés ? Ou ne serait-ce pas seulement le temps de la recherche du buzz à tout prix ? Un journaliste du Monde conteste en effet la réalité de cette menace et accuse les principaux intéressés, qui sont aussi ses ennemis politiques, de monter l'affaire en épingle. Alors, simple coup de pub ou menace bien réelle ?
"La schtroumpfisation du fascisme"
« On ne va pas se cacher derrière notre petit doigt, nous venons pour la plupart de la droite, mais une droite dépoussiérée, désembourgeoisée, défillonisée. Une droite qui n’est pas frappée d’hémiplégie partisane et ne se prive pas de nouer des dialogues avec tous les acteurs du renouveau intellectuel, de quelque bord qu’ils soient. Nous sommes pour les frontières territoriales, pas intellectuelles. La circulation des idées, voilà l’enjeu pour nous. »
Voilà ce que déclarait François Bousquet, gérant de La Nouvelle Librairie, le 14 septembre dernier, dans un entretien avec Daoud Boughezala pour le magazine Causeur.
Cette invitation au débat n'a pas fait que des heureux. En effet, pour certains, La Nouvelle Librairie est fasciste et n'a pas droit de cité dans le Quartier Latin à Paris. C'est à la fois l'avis du sociologue Geoffroy de Lagasnerie et celui de l'influent "Quotidien" de Yann Barthès. François Bousquet a beau se défendre, il ne convainc pas ses ennemis :
"Le « fascisme » n’est plus qu’un film d’horreur à grand spectacle que les « antifas » aiment à se repasser pour se faire peur à bon compte, entre le vampire et le loup-garou. La marque de la Bête. Un tortionnaire fasciste est fasciste. Un tortionnaire indéterminé est fasciste. Un tortionnaire communiste est fasciste. En somme, tout est fasciste, même les Schtroumpfs. C’est la schtroumpfisation du fascisme."
« Au feu les fachos ! »
Mardi 9 octobre, aux alentours de 22h, La Nouvelle Librairie a publié ce communiqué :
[COMMUNIQUÉ DE PRESSE]
À 19h ce soir, la librairie a été menacée par le cortège sauvage de la manifestation des Black Blocs. Des Black Blocs nous ont menacés devant plusieurs témoins : « On arrive ! On est 200 pour vous détruire ! On espère que vous avez une bonne assurance ! Au feu les fachos » Ils ont été filmés par nos caméras de surveillance. Quelques secondes plus tard, une équipe mobile de CRS s’est spontanément mise en place et a verrouillé les accès de la librairie.
Dispersés place de la Contre-Escarpe, les militants d’ultra-gauche se sont donc rués sur la Nouvelle Librairie vers 19h15.
Un important dispositif policier a été déployé pour protéger la rue de Médicis. Les CRS ont formé un cordon de protection devant la librairie. En pleine conférence de rédaction, des journalistes d’Eléments et plusieurs clients se sont donc retrouvés enfermés dans la librairie. Sous les injures des manifestants que les CRS contenaient.
La rédaction d’Eléments et la clientèle de la librairie ont été exfiltrés à 20h30.
La vitrine a été dégradée, et les Black Blocs ont laissé leur signature, promettant de revenir.
Jusqu’où iront-ils ? Vos livres, vos revues vos références, votre culture, sont en danger.
Merci à tous pour votre soutien, et pour le formidable succès de cette librairie.
Longue vie à elle et à la liberté !
Elle a aussi mis en ligne, sur Facebook et Twitter, quelques photos :
Demain, "Fahrenheit 451" ?
Rares sont les personnalités qui ont réagi pour dénoncer cette situation.
- Zohra Bitan, membre de "Grandes Gueules" de RMC :
- André Bercoff, animateur à Sud Radio :
- Karim Ouchikh, président du SIEL (Souveraineté, Identités Et Libertés) :
- L'intellectuel David L'Épée, qui compare la situation au Quartier Latin à celle dépeinte par Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 :
Ce roman de science-fiction raconte l’histoire d’un pompier qui a pour mission de brûler les livres, dans une société où ils sont interdits. La brigade des pompiers a pour seule mission, non d'éteindre les incendies, mais de traquer les gens qui possèdent des livres et de réduire ces objets en cendres.
Fausse menace pour un buzz ?
La version des événements donnée sur Twitter par la revue Éléments, liée à La Nouvelle Librairie (même direction), a été contestée par le journaliste (et militant communiste) Abel Mestre, qui, au Monde, a été chargé de suivre l'extrême droite entre 2008 et 2015.
Ayant couvert la manifestation qui était en cours dans ce quartier de Paris, il nie la présence de Black Blocks devant la librairie, ou même ailleurs.
Rappelons qu'environ 200 personnes s'étaient rassemblées mardi soir place de la Contrescarpe, pour un "Benallapéro", en référence à la présence le 1er mai d'Alexandre Benalla, après la journée de manifestation contre la politique sociale du gouvernement. Ce rassemblement avait été lancé par des collectifs "anticapitalistes".
Peu après 19h, les participants se sont dispersés en manifestation sauvage à travers le Quartier latin, aux cris de "Paris, Paris, soulève-toi !" ou "Anti, anti, anticapitaliste", renversant des poubelles ou empoignant des morceaux d’échafaudage qu'ils ont déplacés pour barrer la route.
La Nouvelle Librairie chercherait-elle seulement à créer du buzz, comme le soutient le journaliste du Monde, en inventant une menace imaginaire ?
Des Black Blocks vraiment absents ?
Pascal Eysseric, directeur de la rédaction de la revue Éléments, qui était coincé dans la librairie, a, à son tour, contesté la version d'Abel Mestre :
Un autre journaliste présent sur place permet d'avoir encore un autre point de vue ; il s'agit de Marc Eynaud, qui travaille pour Boulevard Voltaire et L'Incorrect ; selon lui, des "antifas" étaient aux alentours de la librairie, mais ont été devancés de peu par les gendarmes.
Si Abel Mestre nie formellement la présence de Black Blocks durant les manifestations d'hier, France Soir décrit une situation moins évidente :
"En tête de cortège, des manifestants gantés et cagoulés se sont rassemblés, laissant planer le spectre des "black blocks", ces groupes violents qui ont sévi lors des manifestations du 1er mai dernier."
Et là, ses copains ! #Antifa #BlackBloc
La sauvagerie des gauchistes..#manif9octobre pic.twitter.com/C3n4wKPVM2— ❌david (@pic0l) 9 octobre 2018
"Selon des journalistes présents sur place, plusieurs rixes brèves ont été constatées le long du cortège, boulevard Denfert notamment.
Différentes vidéos prouvent des interventions des CRS et l'utilisation de gaz lacrymogènes contre des manifestants cagoulés n'hésitant pas à jeter des projectiles dans leur direction.
Un jeune homme a par ailleurs été blessé, comme le montre une image prise par un journaliste indépendant Cyril Zannettacci. Le visage en sang, il aurait été frappé à coups de matraque par les forces de l'ordre."
"Deux stickers et un tag..."
Ce qui paraît avéré, c'est que des manifestants violents étaient hier à l'œuvre dans la capitale et que, sur leur trajet, se trouvait La Nouvelle Librairie. Était-elle pour autant une cible spécifique ? Si l'on en croit le communiqué qu'elle a posté sur Facebook, cela ne fait aucun doute : « On arrive ! On est 200 pour vous détruire ! On espère que vous avez une bonne assurance ! Au feu les fachos », y lit-on. Mais que vaut cette citation rapportée face à l'autorité d'un journaliste du Monde, qui nous assure que ce communiqué participe d'une mise en scène destinée à créer le buzz ? A chacun d'en juger.
On pourra simplement rappeler que La Nouvelle Librairie avait été menacée il y a peu par l’autoproclamé Comité d’Action Autonome de la Sorbonne, qui avait appelé à perturber la séance de dédicaces que devait y donner Éric Zemmour le 26 septembre.
Dernier son de cloche ; il émane de l'association Égalité & Réconciliation, farouchement hostile à La Nouvelle Librairie (qualifiée de "nationale-sioniste"), dont un membre s'est rendu sur place après les événements de la soirée :
« La vitrine a été dégradée, et les Black Blocs ont laissé leur signature, promettant de revenir »... Ce que nous avons constaté sur place en guise de dégradation : deux stickers et un tag...
Comme on le voit, l'information produite par un ennemi politique n'est jamais très objective. Tant que l'ennemi ne se sera pas fait éventrer et pendre à un lampadaire, E&R et Abel Mestre, sur ce coup raccords, ne trouveront rien à redire. Un ennemi ne souffre jamais assez ; on ne pourrit jamais assez sa vie...
Quand la presse désigne les futures cibles des "antifas"...
Il y a un mois, le 10 septembre, un article de L'Express désignait déjà La Nouvelle Librairie comme une cible à l’attention des milices « antifas » :
"En choisissant de s'afficher publiquement au cœur du Quartier latin, François Bousquet et ses quatre associés sont bien conscients qu'ils offrent une cible de choix aux "antifas" de toutes obédiences. Une nuit de décembre 2013, la librairie Facta, située rue de Clichy, avait subi une attaque d'un genre particulier : des individus avaient brisé la vitre et aspergé de peinture rouge des centaines de livres avec un pistolet compresseur. La proximité immédiate du Sénat, avec ses policiers et ses caméras, dissuadera-t-elle des activistes de vandaliser la librairie de la rue de Médicis ? Le Quartier latin en a vu d'autres."
La nuit même où le papier est sorti, "la façade de la librairie a été dégradée", et le lendemain, "une bande se réclamant de la mouvance des « antifas » est venue nous menacer physiquement dans la librairie", explique François Bousquet, le gérant. Et de poursuivre :
"Cela nous a conduit à déposer plainte auprès de la police. Et notre avocat, Me Frédéric Pichon, a mis en demeure L’Express de supprimer le passage litigieux, où, selon nous, le journaliste transforme la librairie en cible potentielle. Étrange coïncidence ou simple alignement des planètes entre le journaliste et l’antifa ? Alors que le premier dénoncerait, le second menacerait ? À voir."
Un mois plus tard, L'Express n'a rien changé à son papier.
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