Les blogs ne sont pas vos amis
Pas tous... Après Microsoft et Google, le Web social...

Les théories post-cyber New Age de l’hyperclasse [1] tendent naturellement à définir la technoscience, bonne pour eux, comme bonne pour tous. Ainsi va la conception de la blogosphère et du Web dit 2.0.
Ce matin sur InternetActu Jean-Marc Manach reprend un article de Sophie Pene, vice-présidente chargée des TICE à l’Université René Descartes, Paris 5, Bloguer la politique.
Extraits :
La république des blogs manifeste la gravité des difficultés qui affectent l’idée de démocratie : la représentation rénovée que les blogs proposent est beaucoup plus imprégnée par le modèle de la consommation que par celui du débat. L’électeur ne veut plus être dupé. Il veut que ses droits soient respectés.
[Les blogueurs] font du blog un ressort de la lutte contre les faux semblants, les mensonges et les ruses, contrôleur du politique, contact frais avec les électeurs.
[Les blogs sont-ils] le symptôme d’une nouvelle mystification démagogique ou d’un nouveau contrat politique (des) sondages au long cours (...) une arène politique mettant sur le même pied le représentant et le représenté (permettant) un contrôle populaire tout le long de son exercice (...) un ordre politique en consanguinité avec l’ordre de la communication (...) une politique fondée sur la coopération continue ?”
La confrontation entre blogs et politiques, qui semble si naturelle, vue comme un dialogue, met à vif l’incompatibilité entre participation et représentation. Les blogs, chargés de réveiller la réflexion politique, n’en accusent-ils pas la fragilité ?
Le café du commerce 2.0
Démocratisation
de l’accès à Internet. Le problème de l’analyse critique de ce que vous
captez reste entier, là où hier vous aviez un document, un tract, une
affiche, vous êtes aujourd’hui jusqu’au cou dans le liquide amniotique
d’opinion, d’influence, de publicité, de politique, d’idéologie.
Le mirage va bien au-delà du sujet particulier de la politique (”participative”, 2.0... ). Dans un pays comme la France, Internet étant en voie d’aboutir à sa distribution massive - mass media -, c’est plus le brouhaha de la foule qu’on entend déjà. Tous les points de vue aptes à ouvrir un blog sont réunis dans la zone cafés et restaurants du vaste e-centre commercial, en langue française, sur des centaines de niveaux...
Dans ce formidable bruissement, il y a une formidable quantité de choses intéressantes ou divertissantes à écouter. Cependant la grande dilution de l’information et les limites de nos capacités cognitives sont les variables de l’équation. Et même si l’on y dessine de nouveaux horizons et qu’on en tire de beaux poissons, vous ne pourrez pourtant pas boire tout l’océan.
Top-down et bottom-up ?
Une note de Meriem Sidhoum Delahaye titrant “Information : la tribu des Bottomupa aura-t-elle raison des Topdowna ?” sur le blog de l’Intelligence économique des Echos évoque ce qui, à mon sens, constitue le comble absurde de l’opinion publique en création sous nos yeux : se hurler à elle-même ce qu’elle veut s’entendre dire.
La
presse écrite a mis près de cent ans pour s’imposer comme un média de
masse. La télévision a mis cinquante ans. En dix ans seulement,
l’Internet a eu des effets profonds sur notre façon de communiquer,
donc de penser et d’agir. Mais si les deux premiers médias sont
caractérisés par un système “top-down” - l’information est vérifiée,
validée par des journalistes et transmise aux lecteurs -, l’Internet
marque un changement de paradigme, en faveur du bottom-up. Il apparaît
comme la nouvelle scène de l’opinion publique : chacun peut s’y
exprimer quel que soit l’intérêt de ses idées, la véracité de ses
propos, leur pertinence... La transmission aisée et rapide des nouvelles,
leur stockage quasi infini, la somme colossale d’informations
disponibles instantanément et sans filtre, et surtout l’hyperlien en
font un outil redoutable.”
En allant sur Internet, la politique devient plus encore un produit, que la TV vendait jusqu’alors du haut vers le bas. Produit parmi les produits, s’agissant d’opinion, de croyances et d’idées, on peut largement le rapprocher des techniques de buzz et de marketing Web qui empruntent déjà à l’art de la guerre pour parvenir à leur fin : gagner des clients, vendre et tuer les concurrents.
Je vais faire un pronostic vraiment très osé. Honnêtement, je crois plus à l’industrialisation de l’Internet symbolisé alors par son passage à l’âge adulte, qu’à la vision étonnamment naïve et pourtant récurrente d’une quelconque prise du pouvoir par le peuple dans un Internet poussant à un tel paroxysme le concept de liberté qu’il en transcenderait l’homme. Désolé.
Google n’est pas ton ami
“Google is not your friend, and neither are they that suggest it is.“.
“Google n’est pas ton ami, et ceux qui veulent te le faire croire non
plus.” C’est ce qu’on commence à lire depuis qu’on associe peu à peu le
gentil grand frère Google à l’Oncle Microsoft. Globalement c’est
l’arrivée en 2004 de la messagerie Gmail, qui derrière la gratuité de
l’excellente application masque un processus moins généreux de lecture
et d’archivage de tous vos e-mails. L’autre aspect étant la domination
du secteur de la recherche, avec 50% aux Etats-Unis et, paradoxe de
notre anti-américanisme latent, près de 90% des recherches en France !
Les blogs non plus
Personnellement je n’ai rien contre ces deux sociétés, si je fais
cet aparté c’est simplement parce que les blogs, non plus, ne sont pas
vos amis. La blogosphère et le Web 2.0 social participatif sont
aujourd’hui déjà vendus en package par les agences de communication à
leurs clients soucieux d’adresser des cibles via le Web. Aujourd’hui
avec le Web, et demain encore plus avec l’explosion de la mobilité,
vous êtes tracé en permanence et rentrez dans des panels de
consommateurs. Désormais vous vous exprimez, vous interagissez : tout
le monde sait que vous n’êtes pas un chien *
Notes
(1) hyperclasse ou nouvelle classe : nouvelle
élite, composée non de détenteurs du capital ou du pouvoir politique,
mais des catégories contrôlant les moyens de communication et les flux
d’attention, habiles à manier signes, images et nouvelles technologies,
ayant la capacité de mobiliser capital et compétences pour des projets
éphémères.
Un glossaire de la stratégie de l’information
Ressources :
- Blog et politique : un marché de dupes ? (En attendant le papier électronique j’ai imprimé le PDF de 14 pages à télécharger.)
- Information : la tribu des Bottomupa aura-t-elle raison des Topdowna ?
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON