Les Français seraient-ils enfin face à leur réalité ?
La voiture symbole de réussite sociale est-elle, comme le laissait entendre un sociologue sur France 2, le principal objet de la violence urbaine qui sévit actuellement dans nos banlieues ? Certainement pas...
Un sociologue distingué nous a expliqué hier sur France 2 pourquoi les violences urbaines prenaient principalement pour cibles les voitures. Objet de réussite sociale, donc d’insertion réussie, la voiture resterait pour ce spécialiste non seulement l’objet de toutes les convoitises, mais aussi la preuve pour celui qui la possède d’un certain aboutissement, comme un message au monde extérieur, attestant de sa réussite sociale. Voilà pourquoi des voitures brûlent dans nos banlieues, faisant de cet objet la perspective de vie des jeunes qui s’y attaquent. L’analyse, qui contient sans doute une part de vrai, est néanmoins courte, et penser que le seul but dans la vie pour des jeunes, voire des très jeunes, reste l’acquisition d’une voiture est à la limite insultant pour ceux-ci. Chacun comprend bien que le problème est ailleurs, et que peut-être enfin les Français sont face à une réalité qu’ils ont longtemps voulu ignorer.
Sans vouloir jouer les spécialistes délivrant la vérité révélée, deux problèmes fondamentaux non traités et non assumés par les Français me semblent ressurgir clairement. Ces deux problèmes ne sont pas d’ordre économique, certains voulant nous faire croire que le chômage et les conditions de vie dans les banlieues seraient l’unique question. Hélas, le problème est sûrement plus grave, et touche au culturel et au psychologique.
Les Français n’ont pas réglé leur question coloniale. Même si notre pays n’est plus depuis longtemps un empire, les têtes françaises ont gardé de manière plus ou moins consciente un comportement colonial, fait au pire d’un complexe de supériorité, au mieux d’une empathie teintée de condescendance. Dans nos relations extérieures, la grandeur de la France n’est elle pas encore jugée à l’aune de sa capacité d’intervention hors de ses frontières ? N’est-elle pas jugée par sa capacité à tenir tête, avec le succès que l’on voit aujourd’hui, à plus puissant qu’elle ? Disons que ces choses-là sont marginales.
Le plus préoccupant est à l’intérieur. La « fracture coloniale », pour imiter une expression galvaudée, est à l’intérieur du pays. Qui ne voit que les populations du Maghreb et d’Afrique Noire qui sont venues dans la seconde partie du 20e siècle, à notre instigation, qui ont si puissamment contribué à la richesse de notre pays par leur travail, qui se sont installées en France, qui y ont fait des enfants bien français, qui ne voit qu’au fond les Français les ont rejetées, imbus de leurs traditions, de leur culture ? L’obsession n’a-t-elle pas été de chercher à cacher le problème le plus longtemps possible, en créant des ghettos dans les villes, comme on met son mouchoir dans sa poche pour étouffer un problème ? Disons-le tout net, les échecs successifs des politiques dites d’insertion ne sont probablement pas dus, comme on le dit trop vite, à la mauvaise qualité des programmes lancés, ils sont dus au refus des Français de voir s’intégrer une population jugée trop différente. Il est clair que cela ne peut pas continuer.
La France est un pays à la population vieillissante. Le dire n’est pas insultant, c’est là aussi regarder la réalité en face avec ses conséquences. Attachés à leur culture, à leurs manières de vivre, à tout ce qui est « bien de chez nous », beaucoup de Français vivent dans la nostalgie, font l’autruche devant les problèmes. Idéalisant un passé qui n’a pas à l’être, renfermés sur eux-mêmes, leurs certitudes et leur petit confort liés aux acquis sociaux, ils ont oublié de voir ce qui se passait non seulement dans le monde, mais surtout chez eux, juste à côté.
Dire tout cela n’est pas facile. Mais si on veut enfin redonner une perspective à ce pays, à la hauteur de ce qu’il mérite, alors ne nous voilons pas la face. C’est d’ouverture, de générosité, d’efforts, et surtout de respect, dont nous avons besoin.
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