Les jeunes diplômés chinois et français : Même combat ?
Tout jeune diplômé chinois de Shanghai, de Pékin ou d'ailleurs en Chine aura beaucoup de ressemblance avec son homologue jeune diplômé français. Les deux cherchent à quitter le cocon familial. Or la Chine connait une telle spéculation immobilière que toute la société chinoise en est bouleversée. Le pays a beau avoir une économie en plein développement avec un taux de croissance proche de 10%, les jeunes diplômés ne trouvent plus d'emploi. La hausse des prix à la consommation est endiguée par le gouvernement central, mais les prix des loyers continuent leur tendance à la hausse au point que les jeunes de Shanghai ou de Pékin restent chez leurs parents jusqu'au mariage.
La crise financière mondiale de septembre 2008 aura eu pour conséquence de renforcer les traditions confucéennes dans la société chinoise. La vie des jeunes diplômés subit les conséquences de cette inflexion.
Dans une société qui garantit encore le travail à vie dans une entreprise, le premier emploi détermine l'avenir professionnel du diplômé. Le choix de carrière est devenu un casse tête. Le pays est victime de son succès économique et de l'élévation du niveau de vie. L'éducation de masse produit chaque année trop de diplômés pour un marché du travail tourné vers la production ou les services. L'inadéquation entre les diplômes délivrés par les universités, le marché du travail et les attentes des nouveaux diplômés met en péril l'emploi de ces jeunes. Les chiffres officiels du chômage des jeunes diplômés entrant sur le marché du travail sont sous-estimés. Les calculs ne prennent en compte que la population urbaine du pays.
Dans ce contexte, les jeunes diplômés adaptent leur stratégie de recherches du premier emploi. Ils mettent plus longtemps à trouver ce travail rêvé. Leurs souhaits doivent répondre aux critères de la société chinoise : une vie tracée. Après les études, le premier travail, l'achat d'un logement, le mariage, un enfant. Ce trajet de vie témoigne de la valeur de l'homme et lui confère le respect de ces pairs. Seulement tout se complique dans ce nouvel environnement économique. La jeune génération porte le poids des traditions dans un milieu familial qui a évolué. Les parents se sont sacrifiés pour payer les études supérieures de leur enfant unique. Dans un pays où la couverture sociale n'existe pas, le jeune doit se préoccuper de ses parents tout en pensant à son avenir.
Beaucoup restent au chômage pendant trop longtemps et certains perdent espoir. Les journaux chinois rapportent de plus en plus de cas de suicides chez les jeunes chômeurs incapables de faire face à la pression sociale. Les jeunes diplômés vont aussi bouder le secteur privé pour choisir des entreprises d'état. Ils choisissent des conditions de travail plus stables, moins concurrentielles. Cependant pour la moitié d'entre eux, ils gardent en vue de gagner de l'expérience professionnelle avant de se lancer dans une création d'entreprise.
Le salaire d'un jeune diplômé ne garantit plus une vie confortable partout en Chine. A lui seul, le loyer d'un appartement pour célibataire à Pékin ou à Shanghai excède le salaire mensuel. L'écart de salaire entre un travailleur migrant (1500 Yuan = 150 Euro) et celui d'un diplômé (2000 Yuan) se réduit.
À tous ces aspects, s'ajoute la spéculation immobilière, flagrante à Shanghai comme à Pékin, tout aussi notable dans les provinces à l'intérieur du pays. Si la génération d'avant, sans être diplômée de l'université, pouvait acquérir un logement au bout de quelques années d'économies, de nos jours, ce calcul est impensable. Le prix du mètre carré en plein centre de Shanghai ou de Pékin peut atteindre 4000 Euro et avoisine les 2000 Euro dans les zones périphériques. La tendance est similaire à l'intérieur du pays.
La société chinoise reste la même. Les jeunes doivent être mariés et devenir propriétaire avant 30 ans au risque de passer pour des ratés. Or la génération actuelle des jeunes de Shanghai et de Pékin continue d'habiter chez ses parents tout en travaillant. Leur salaire dans bien des cas n'est plus suffisant même pour se nourrir et s'habiller. A la moitié du mois, ils ont déjà tout dépensé et demandent à la famille de leur donner de l'argent.
L'impact se fait sentir doublement sur les jeunes hommes. La société chinoise veut que la famille du marié offre l'appartement à la mariée. Il est maintenant admis en milieu urbain que le couple puisse consentir conjointement à un prêt immobilier. Cependant, l'acompte pour l'achat d'un appartement dépasse de loin les capacités financières des jeunes mariés. Il leur faudrait plusieurs vies de labeur pour payer leur crédit immobilier. Les parents doivent intervenir. L' handicap d'avoir une fille comme enfant unique tombe en milieu urbain. Au contraire, les parents sont soulagés. Maintenant les jeunes filles connaissent de la part de leurs parents un nouvelle pression : l'injonction de choisir un mari dans une famille assez riche pour payer le prêt immobilier. Aucun jeune n'oserait se rebeller contre la tradition ou ne prendrait le risque de désobéir à ses parents. Les jeunes sont ainsi devenus des « esclaves du logement » s'ils veulent s'installer dans la vie et fonder une famille.
Acheter une maison en Floride à Miami Beach reviendrait moins cher à la jeune génération, ce qui est aussi vrai pour les Français privilégiés. De plus en plus de régions de France sont devenues inabordables pour un foyer ordinaire. Maintenant, c'est la réalité en Chine comme en France, où il faudrait plusieurs vies de salariés pour devenir propriétaire.
Dans la plupart des pays développés, l'âge du premier accès à la propriété recule d'année en année au-delà des trente ans. Les ruptures de carrière durcissent les conditions d'acquisition. Le lien entre diplôme de l'enseignement supérieur et emploi rémunérateur ne se vérifie plus. La seule consolation serait qu'il est admis d'être locataire toute sa vie. En France, cependant la mixité sociale est compromise. La déflation des salaires, la précarité de l'emploi, la cherté des loyers et les dépôts de garantie empêchent l'accès à un logement salubre, décent, au loyer raisonnable, dans un quartier agréable, à une large proportion de salariés français smicards dont les jeunes font partie diplômés ou pas. Les salaires toujours à la baisse pour la majorité des entrants dans la vie professionnelle, ou ceux qui ne cessent de se battre pour la reprendre, la rareté de l'emploi stable ou rémunérateur, concernent maintenant plus de 40% des Français. Entretenir une maison, assurer les besoins de la famille, devient un rêve vite inatteignable.
Que ce soit la république populaire de Chine, pays gouverné par un partie communiste totalitaire, ou que ce soit la république française, démocratie représentative libérale, peu importe, la mondialisation crée les mêmes problèmes bien réels de spéculation immobilière, de chômage, d'accès au logement, de salaires ne garantissant plus un niveau de vie suffisant pour subvenir à ses besoins. La solidarité intergénérationnelle en Chine est une tradition. Elle devient problématique pour les classes aisées urbaines. En France, elle a atteint ses limites dans les classes moyennes inférieures. Elle englobe maintenant non seulement les jeunes et les parents mais les grand-parents vis-à-vis des parents en difficulté de reprise d'emploi. Étranglés par les charges et déclassés par leurs revenus médiocres, sans espoir d'améliorations immédiates, beaucoup de Français moyens ordinaires ne peuvent déjà plus assurer la transmission de leur patrimoine immobilier. Leurs enfants ne pourront plus bénéficier du bouclier social de leurs parents. Leurs biens immobiliers passent aux mains de spéculateurs des classes nanties nationales et internationales.
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