Les difficultés d'accès au logement évoquées dans un précédent billet doivent être aussi liées aux fractures entre les territoires : la France urbaine, péri-urbaine et rurale. Ces espaces vivent de grandes transformations sur le plan migratoire et génèrent de fortes inégalités en termes d'accès à l'emploi ou au logement. Les politiques publiques successives ont à tort sous estimé les dérives d'un marché foncier taillé sur mesure pour les classes possédantes et ont permis un exode urbain des ménages les plus modestes.
La puissance de la ville
La population urbaine en France a progressé de 26% en 50 ans(1) ce qui représente en 2010, 78% de la population totale. Les villes exercent une influence économique, culturelle et migratoire. Économique car c'est là que se concentrent les capitaux et la main d'œuvre qualifiée(2) à fort taux de rentabilité. Culturelle car c'est là que les services régaliens (musées, théâtre, loisirs...) s'agglomèrent. Migratoire car, mis à part Paris, l'effectif de population des grandes villes progresse(3). Ce phénomène urbain d'embourgeoisement ,que l'on appelle pompeusement « gentrification(4) ( gentry ou petite noblesse en anglais) augmente le rapport de forces « ville-campagne » .
On pourrait croire à juste titre, que les campagnes subissent de plein fouet les ravages de l'exode rural. Ce n'est pas le cas. Autrefois, l'exode rural vidait les campagnes de leurs habitants et avait donné naissance pendant la révolution industrielle au mouvement ouvrier urbain. Désormais, ce sont les catégories modestes qui se trouvent reléguées à l'extérieur des métropoles. Elles le sont en raison de l'augmentation de 107% en 10 ans des prix du foncier et d'une fiscalité immobilière décourageante. La ville qui attirait autrefois les catégories populaires n'a plus besoin de ces dernières pour créer ses richesses(5).
Une économie libérale laisse le marché gérer la loi de l'offre et de la demande : mathématiquement, le logement est en général attribué au plus offrant, les personnes riches peuvent donc se localiser plus facilement près de leurs emplois, poussant inexorablement les plus modestes à distance(6).
Exode urbain, exil rural
L'exode urbain existe tout comme l'exil rural. Mais elle attire surtout une main d'œuvre hautement qualifiée dont les revenus conséquents permettent de s'y loger. Les campagnes, elles, sont composées de 60% d'ouvriers et d'employés(7) dont les choix de vie à la campagne s'expliquaient aisément : mode de vie plus authentique et pression fiscale moins importante. La fermeture programmée des services publics inscrite dans la RGPP (révision générale des politiques publiques lancée en 2008(8)) a cependant asséché les bassins d'emploi dans les zones rurales et a accentué les inégalités géographiques.
Les inégalités géographiques des zones périurbaines et rurales s'accentuent elles aussi en termes de distance : les distances entre le domicile et le lieu de travail ont augmenté en moyenne pour cette population. Là où tout service est disponible dans un réseau urbain dense et où les déplacements sont facilités par un réseau de transport en commun, les zones rurales, elles, demeurent dépendantes d'un moyen de transport personnel.
La situation de la ville française apparaît donc comme le cas symptomatique d'une ségrégation par le capital, le « laisser-faire » foncier l'aggrave .
ZUS ! À vos souhaits !
Ce nouveau mot « nov-langue » de Zone Urbaine Sensible s'est substitué au terme de banlieue mais les fractures persistent.
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Les premiers clichés de la planète Mars réalisés par le gouvernement français. |
Même si l'influence des grandes villes a tendance à améliorer la qualité de vie de ces zones urbaines longtemps enclavées (créations de communautés de communes, tissu associatif dynamique, projets de rénovation et de construction des logements) la situation des lieux comme la cité du Chêne pointu à Clichy sous bois ou l'Empalot à Toulouse reste préoccupante : l'échec scolaire , le taux de chômage restent supérieurs aux moyennes nationales « au total, 1 jeune sur 4 des quartiers sensibles est au chômage ou en inactivité, contre 1 sur 8 dans les autres quartiers des mêmes agglomérations » et la concentration de la pauvreté n'a jamais été aussi grande : la moitié des ménages est pas imposable en raison de la généralisation des contrats temps partiels » 33% des habitants des ZUS vivent sous le seuil de pauvreté (- de 908 euros par mois).
Le rapport conclut en rappelant que si « cette proportion [de personnes vivant sous le niveau de pauvreté] est restée stable entre 2006 et 2007 hors ZUS, elle a augmenté de 2,6 points en ZUS ».(9)
(5) Atlas des fractures sociales,Christophe Guilly, Flammarion, 2006
(6)selod.unsae.net.
(9) Rapport 2009( ONZUS)