Les passeurs du savoir
L'enseignement dans les campagnes n'était pas une sinécure. Il fallait que l'instituteur sorti de l'Ecole normale fasse des preuves et souvent s'impose face aux hobereaux qui, tout puissants voulaient avoir l'instit sous leur coupe.
En ce temps là l'environnement politique leur était souvent hostile, mais unis dans le cadre d'un seul syndicat, le SNI, ils résistaient, affirmaient leur indépendance et défendaient l'école laïque et le droit pour tous à une instruction.
Ils ont fait beaucoup pour faire reculer l'ignorance et beaucoup ont su prouver aux parents d'élèves l'importance de leur mission ….
Des livres apportent des témoignages saisissants sur le combat pédagogique et social de ces hussards noirs de la République, ceux qui enseignaient il y a un siècle ou il y a quelques dizaines d'années....
Même, aujourd'hui, des jeunes retraités se rappellent avec émotion leur arrivée dans la commune, leur installation, les difficultés rencontrées et aussi les résultats obtenus et parfois même des rencontres étonnantes.
Personnellement je me rappellerai toujours de ce maire du nord Mayenne, d'un bord politique totalement opposé à celui du nouvel instituteur, qui faisait tout pour garder son école publique menacée par la désertification rurale....Ils ont œuvré ensemble

« Les encriers de porcelaine »
roman de Jean-Paul Malaval
ré-édition
Terres de France-Presses de la Cité
286 pages
août 2011
18,50 €
Une hussarde noire de la République
Quand Augusta Maupin arrive dans ce petit village de Corrèze, tous les habitants l'ont observée avec intérêt et curiosité. Comment cette belle jeune fille va t-elle pouvoir s'en tirer ?
La commune de Chèvreroche possède une école publique composée de deux classes, l'une tenue par un vieil instituteur et l'autre , vacante, son titulaire ayant été « remercié » par l'inspecteur à la suite d'une plainte déposée par le Maire, un croix de feu notoire et militant.
A la veille de l'entrée scolaire 1935-1936, tout le pays est en effervescence : la gauche qui multiplie les initiatives sur Brive et de l'autre les réactionnaires comme le premier magistrat de la Commune qui tiennent de nombreux leviers.
Ce dernier considère que l'instruction gâte l'âme et que l'agriculture a besoin de bras- très obéissants par ailleurs- et peu de cervelles, il le dit à la jeune enseignante à qui il commence d'annoncer la couleur ; c'est lui le maître !
Lectrice de l’École Émancipée, adepte des méthodes modernes, Augusta est bien décidée de mener à bien sa mission éducative et à résister à toutes les pressions.
Le Maire met les points sur les i sans ménagement : « Freinez vos ardeurs ou je me verrai contraint d'écrire à mon ami Malecroix, votre inspecteur d'académie. Et ce cher homme vous relèvera dans l'heure ! »
La messe est dite et en parlant de messe, le curé du village est là aussi pour veiller au grain et récupérer quelques âmes pour qu'elles rejoignent l'école privée de la ville.
C'est le pot de terre contre le pot de fer...
Augusta possède de l'énergie à en revendre et demande qu'on la juge sur pièce, en fonction du travail effectué auprès de ces fils de paysans qui ont droit à la culture et à l'instruction, quant à ses idées politiques, ce sont les siennes et elle est libre d'en avoir et de les exprimer en dehors de sa classe.
Ce combat mené par cette « hussarde noire de la République » est difficile dans ces campagnes de France où beaucoup de potentats locaux veillent au grain et ne souhaitent pas du tout que les enfants deviennent de vrais citoyens qui puissent décider demain de leur destin et de celui de leur cité.
L'histoire est passionnante et pour agrémenter le tout, l'auteur se livre à une petite étude sociologique utile qui sort le lecteur des « images d'Epinal »....
Tous les instituteurs ne sont pas vaillants, certains sont comme ce vieil instit, couard et courtisant devant et ronchon et revendicatif par derrière....quant aux paysans, l'obscurantisme de beaucoup peut s'avérer n'être qu'un vernis un peu épais .
Ce livre rappelle à tous les enseignants de ce pays que si aujourd'hui, l'indépendance pédagogique existe- dans le respect du programme national des programmes- elle a été conquises par tous ces hussards de la connaissance qui ont su braver et combattre la réaction pour apporter l'instruction et l'éducation dans les villages les plus reculés de notre pays.
Jean-François Chalot
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