Les prolétaires du secondaire…
En direct de ma Segpa

La variable d'ajustement n'en peut plus.
Chaque institution ou corps social aime à disposer de sous-fifres, de serviteurs zélés, taillables et corvéables à merci. Notre belle Éducation Nationale ne déroge nullement à la règle et aime même à abuser de la chose. Elle a dans ses tiroirs plus d'un statut bâtard qui lui permet d'imposer à certains des conditions proprement inacceptables en regard des avantages scandaleux qu'elle consent aux mieux lotis.
C'est ainsi et les groupes minoritaires de n'espérer aucune compassion de la masse des privilégiés qui n'ont nulle envie de compatir au sort des moins bien traités, des modestes soldats de l'enseignement. Ainsi, on peut compter dans le nombre des laissés pour compte les vacataires, les assistants de vie scolaire, les assistants d'éducation et les enseignants de Segpa.
Je ne peux soulever ici le problème des statuts précaires qui sont commodes à notre belle et grande maison. Cela relève de la gestion des flux, des promesses électorales ou des mesures démagogiques. Il faut alors créer à la va-vite une fonction qui fera illusion sans qu'il y ait une véritable volonté de pérenniser et de former.
Nos bons syndicats de fermer les yeux puisque ces personnels ne sont pas de leur monde. On a des principes mais seulement dans le cadre étroit de la protection de l'espèce enseignante. Les agents l'ont bien compris, eux qui ont été boutés de la maison pour intégrer les conseils généraux sans le moindre froissement de sourcil de la gent sur-diplômée.
De tout ça, je n'y puis rien de ma si modeste position et suis assez mal placé pour en parler de manière documentée. Je vous laisse deviner pourtant la misère de ces gens qui travaillent beaucoup plus que les professeurs pour toucher beaucoup moins en se demandant vraiment quelle peut être la raison d'un tel écart. Être de gauche, suppose parfois quelques entorses à la solidarité.
Je veux simplement évoquer mon modeste cas. Il est l'illustration parfaite de la gestion aberrante d'une administration sous le joug de syndicats qui ne servent que leurs intérêts sans aucune vision d'ensemble ni aucun souci d'équité. C'est d'ailleurs ce qui fait de l'Éducation Nationale un bastion du corporatisme et du conservatisme.
Les professeurs des écoles qui enseignent en Segpa sont les ornithorynques du collège. Une espèce issue du premier degré qui est astreinte aux obligations de ce corps, quand cela arrange et soumis aux obligations du second degré quand c'est plus rentable. Naturellement, la règle de base est le moins disant financier et le plus astreignant pour les charges de travail.
Être le cul entre de deux chaises, c'est n'être bien assis nulle part et en la circonstance ne jamais trouver quiconque pour défendre les intérêts d'un groupe si restreint qu'il est oublié systématiquement dans les négociations salariales. Il faut s'y faire. Rien, vous n'êtes rien et dans cette maison de gens si distingués, on vous le fait sentir avec un mépris qui ne cesse de me sidérer après plus de trente ans de ce régime inique.
Vous travaillez plus (+ 3 heures) que vos chers collègues, professeurs des collèges, qui ont la possibilité de refuser d'enseigner dans nos classes, preuve s'il en était besoin, de la difficulté d'une tâche non reconnue financièrement. Vous ne bénéficiez pas des indemnités substantielles qui rétribuent le suivi et l'orientation des élèves. Pourtant, curieusement, vous n'arrêtez pas de consacrer des heures à cette mission qui ne vous est pas reconnue …
Pire encore, vous avez une classe complète quand vos collègues, professeurs d'atelier ont des demi-groupes. Eux aussi travaillent moins, gagnent plus, et, je dois à la vérité de l'écrire, sont beaucoup moins sollicités pour remplir les inévitables rapports, bilans, compte-rendus, validations qui ne cessent de vous tomber dessus. Mais vous n'avez rien à dire, vous êtes la variable d'ajustement de cette noble maison.
Vous passez en dernier pour la composition des emplois du temps, vous ne bénéficiez pas des mêmes promotions, des mêmes avantages que les grands professeurs. Vous êtes un pion, un petit instituteur qui a bien de la chance d'être encore accepté dans le secondaire. Comment une administration qui favorise avec une telle morgue une injustice aussi criante peut-elle s'occuper équitablement des élèves ? Cette question n'a eu de cesse de me tourmenter depuis si longtemps !
Quand il faut faire des heures supplémentaires, des réunions à n'en plus finir, vous êtes du premier degré. Vous travaillez pour la gloire. Quand il faut remplacer un collègue absent, qu'importe la matière, vous être toujours du premier degré et vous pouvez au pied levé faire des maths ou bien des arts plastiques sans rien n'avoir à dire. Mais quand il le faut, on vous collera les obligations du second degré tout en gardant celle du premier degré (Cahier de texte électronique et le cahier journal en simultané).
Je ne peux vous importuner plus longtemps avec un problème très spécifique. J'en avais si gros sur le cœur qu'il me fallait vous narrer brièvement cette situation qui n'évoluera jamais. Jamais un ministre ne parle de nous, jamais un syndicat ne se préoccupe de nous, jamais notre sort ne sera mis en pleine lumière. J'ai allumé une petite bougie aujourd'hui. Avant qu'elle ne s'éteigne, elle aura éclairé quelques lanternes avant que nous retombions dans l'oubli.
Raslebolement leur.
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