Lettre à ceux qui s’étaient perdus en chemin
Le harcèlement à l'école ....

Retrouvez un peu d'humanité, je vous prie.
Vous venez de vivre un épisode que vous avez jugé pénible, douloureux et terriblement violent. La police puis la justice vous ont signifié d'une manière éclatante que vos agissements n'étaient pas recevables. Ce que vos professeurs et vos parents ne cessaient de vous dire et qui ne faisait pas écho dans vos consciences, vient de vous être répété de manière plus cinglante, plus spectaculaire puisque vous en aviez réellement besoin.
Non, il n'est pas normal de martyriser un camarade sous l'odieux prétexte que lui, souhaite travailler et vous, non. Non, il n'est pas digne de l'insulter ainsi depuis plus d'une année. Non, il n'est pas tolérable que chaque jour, il ait reçu coups et humiliations pour votre bon plaisir. Non, vous ne pouviez être respectés en agissant de la sorte et vous avez mérité ce qui vient de vous arriver.
Vous avez tous été entendus par la police. Les uns ont naturellement été convoqués comme simple témoin d'un drame pour lequel ils ne pouvaient pas faire grand chose. Les autres ont eu la surprise qu'on vienne les chercher au collège, ils ont découvert la sévérité d'une garde à vue, l'inconfort d'une nuit sur une paillasse en béton, l'angoisse des interrogatoires et des longues attentes.
Puis la justice a frappé, immédiatement, durement car vous aviez atteint l'ignoble, le monstrueux, l'inhumain. Votre pauvre victime ne supportait plus vos tourments, votre acharnement quotidien à la rabaisser, la dénigrer, la détruire ! Vous avez eu la chance que votre souffre-douleur n'aille pas plus loin dans son désespoir, que la diabolique machine que vous aviez lancée se soit arrêtée assez tôt. Sinon, toute votre vie, vous auriez porté le poids d'un crime dont vous vous êtes faits les acteurs inconscients.
Vous revenez avec encore dans la tête, la conviction de n'être que des victimes. Vous pensez ne pas mériter ce qui vient de vous arriver, les peines infligées par le juge, la honte imposée à vos parents, la fatigue et les désagréments de ces longues heures sans votre confort habituel. Comment pouvez-vous encore vous plaindre ou fanfaronner alors que vous aviez touché le fond de la barbarie quotidienne ?
Faut-il encore vous dire que depuis quatre mois que je vous côtoie, j'avais dans le fond du cœur un sentiment terrible, une pensée affreuse que je dois vous avouer ici. C'est la première fois que je retrouvais une classe, toute une classe, en pensant au plus secret de mon âme, que j'avais en face de moi des monstres. Oui, c'est ainsi que je vous percevais et, puisqu'il faut parfois user de termes plus explicites, même si je ne devrais pas vous le dire : « des infâmes salauds ! »
Et puisque maintenant la plaie purulente est percée, j'espère que nous allons faire un petit bout de chemin vers plus de dignité, plus d'humanité. Je ne vous demande pas d'aimer l'école, je crois que c'est trop tard, que vous vous êtes construits dans le rejet de cette institution. Je vous demande simplement de vous préparer enfin à votre métier de futurs adultes, de futurs parents.
Ouvrez votre esprit, soyez curieux du savoir et gourmands de la réflexion. Soyez attentifs à ce qui vous entoure, comprenez un peu mieux le monde et les gens. Jamais vous ne saurez tout et nul ici ne peut prétendre cela mais soyez plus tard capables de répondre à votre enfant quand il vous demandera « Pourquoi ... ? » ou bien encore « Explique- moi ». Bien sûr, parfois vous ne saurez pas lui répondre et alors vous prendrez la peine de lui dire : « Je ne sais pas, nous allons chercher ensemble ! ».
Que pensera-t-il de vous si à chaque question, il se voit rejeté, ignoré, repoussé parce que vous n'avez rien retenu de vos années d'école et que vous vous êtes enfermés dans votre inculture et votre refus de savoir ? Profitez encore de ces 18 mois de collège qui vous restent pour vous ouvrir un peu, grandir et devenir un adulte respectable.
Vous savez désormais que deux de vos camarades ne sont pas revenus. Ils ont dépassé la mesure ; ils ont mis en échec toutes les possibilités de réparation, de conciliation. Ils ont refusé les mains tendues, ignoré les sanctions, balayé les remontrances des professeurs, des policiers, du juge. Pour eux, la limite est dépassée, il leur faut une rupture avec leur environnement, incapable désormais de les replacer dans les conditions normales de la vie sociale. Pour eux, le travail sera plus douloureux, plus risqué. Il devra se faire loin de l'établissement parce que nous ne sommes pas en mesure de les aider contre leur volonté.
Si vous êtes ici, c'est que nous pensons que maintenant que vous avez payé, vous allez pouvoir repartir d'un nouveau pied, retrouver ce métier d'élève qui vous fuit depuis si longtemps. Aujourd'hui est un nouveau départ, c'est une nouvelle chance et j'ai bien peur que ce ne soit la dernière, de grandir dans le respect de vous -même. Votre malheureux souffre-douleur se reconstruit loin de vous, j'espère que vous éprouvez enfin pour lui de la compassion et des remords !
Sermonnement vôtre
Cette lettre leur a été lue. Je souhaite désormais qu'ils comprennent !
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