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Lettre ouverte aux marques pharmaceutiques et cosmétiques

Par cette lettre ouverte, l'ONG Shark Citizen s’adresse aux entreprises des industries cosmétique, pharmaceutique et nutraceutique (compléments alimentaires) qui utilisent dans la composition de certains de leurs produits des composés issus de requins, incluant, entre autre, des requins extrêmement menacés.

Par exemple, la marque OMOJO se fournit auprès d’une société qui elle-même s'approvisionne en squalène auprès d’une usine asiatique qui exploite 600 requins-baleines par an, selon l’ONG WildLifeRisk.

(Lire notre publication L’huile de foie de requin baleine, allez-vous avaler ça ?)

En 2013, Shark Citizen a mené une enquête de plusieurs mois sur les marques utilisant des produits à base de requin ; nous n’avons pas été agréablement surpris…

 

On trouve du requin (cartilage ou huile de foie le plus souvent) dans de nombreux produits disponibles sur le marché européen (français notamment) sans toutefois que le mot « requin » ne soit mentionné sur l’emballage ou la notice correspondants. Qu’il s’agisse d’alkylglycérol, de glucosamine, de chondroïtine, de squalène ou d’autres substances encore, la plupart du temps aucune information n’est fournie sur la nature ou l’origine des produits utilisés.

Notre enquête a révélé un réseau d’approvisionnement international complexe et mouvant constitué d’un nombre important d’intermédiaires, une quantité insoupçonnée de produits et une loi du silence généralisée qui n’encourage guère à la confiance : la quasi totalité des marques refusent de communiquer sur la provenance des matières premières et les méthodes utilisées, sur les fournisseurs et les laboratoires. Un consommateur appelant les services clients desdites marques pour obtenir des renseignements n’obtiendra au bout du fil que des refus plus ou moins directs et plus ou moins courtois, sous couvert de « secret » : très peu d’informations relatives aux espèces concernées ou à leur provenance seront « divulguées ». Le consommateur soucieux de sa santé et de celle de son environnement sera aussi confronté à des techniques de vente tout simplement honteuses, faisant appel à des formulations vides de sens et à des arguments de mauvaise foi conçus pour embobiner et tranquilliser le client néophyte. Il faut dire que même si la consommation de compléments alimentaires est en légère baisse en France, elle représente tout de même un marché d’un milliard d’euros !

Nous avons répertorié sur le marché français en 2013 plus de 200 marques utilisant ouvertement des produits à base de requin (cartilage de requin, huile de foie de requin et huile de foie de chimère, chondroïtine extraite de cartilage de requin). Bien sûr on retrouve tout en vente sur Internet, y compris des marques étrangères. Les manipulations du client sont quasi systématiques : on vante les bienfaits soi-disant « constatés » voire « démontrés » des produits sur les problèmes articulaires, on mentionne « de nombreuses études », on manie le mythe du requin miraculeux contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer, on prétend l’amélioration des performances sexuelles, on cite même quelquefois des docteurs réputés. Il s’agit de jouer avec les peurs, faiblesses et croyances du client en brandissant des arguments « santé » ou « nature ».

Au final, tandis que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) indique que 25% des espèces de requins, raies et chimères sont menacées dans le monde, les produits à base de requin comptent parmi les best-sellers des marques, on en trouve jusque dans la nutrition sportive et dans la filière vétérinaire (arthrose des animaux).

Lire notre publication Menaces sur les chondrichthyens en France.

 

Nous avons contacté l’intégralité des marques (lorsqu’elles étaient joignables). Les réponses que nous avons obtenues ont toutes été plus aberrantes les unes que les autres : les effets des produits proposés sont présentés comme « démontrés », notamment leur caractère anticancéreux ; de nombreuses marques prétendent respecter l’écosystème marin en utilisant des « requins d’élevage », et presque toutes dégainent l’argument du « respect de la nature » : les requins concernés seraient des sous-produits d’animaux pêchés et vendus pour leur viande, ou bien des prises accessoires. Donc, pour reprendre leurs mots, « il n'y a pas de gaspillage ». Serait-ce là un aveu timide de la quantité ahurissante desdites prises accessoires ?

 

Il se trouve que des études ont démontré l'absence de fondements scientifiques à ces assertions. Les « tests » mis en avant par l’industrie sont criblés de lacunes : protocoles inadaptés, nulle amélioration significative de la qualité de vie lorsque les essais sont correctement conçus, pas de connaissances précises sur le support de l’activité biologique des substances testées… Une protéine contenue dans le cartilage a des propriétés antiangiogéniques, c’est-à-dire qu’elle inhibe la fabrication de vaisseaux sanguins destinés à irriguer les tumeurs, ce qui est censé entraîner la décroissance, voire la mort de ces tumeurs. Cela a été mis en évidence en phase II d’essais cliniques. Mais en phase III, les tests ont échoué : nulle différence statistiquement significative n’a pu être observée entre un groupe traité avec la molécule et un autre traité avec un placebo.

Tout d’abord, la molécule qui a les propriétés antiangiogéniques décrites ci-dessus est présente dans d’autres types de cartilage (bovin notamment). Recourir spécifiquement au cartilage de requin est donc un mysticisme savamment entretenu par des responsables marketing. En outre, une des raisons de l’échec avéré des produits vendus, c’est que le cartilage de requin est séché puis réduit en poudre, or lorsqu’un extrait protéique subit d’importantes transformations chimiques et physiques (température, humidité, oxydation à l’air libre), les protéines sont dégradées jusqu’à perdre leurs propriétés biochimiques.

Lire notre publication Cartilage et propriétés anti-cancer : vraiment ?

 

Quant à l’utilisation du terme « requins d’élevage » dans des discours bien rodés, elle constitue une tromperie flagrante puisque les élevages de requins n’existent pas.

 

Combien de requins sont-ils ainsi sacrifiés ? Il est impossible de quantifier précisément : les laboratoires et fournisseurs de matières premières refusent de communiquer leurs chiffres de vente et les statistiques douanières ne sont pas assez détaillées (ex. : « huile de poisson »). Les estimations avoisinent les 6 millions de requins par an.

Un tel massacre pour des produits sans effets sur la santé des consommateurs ? Non, bien pire que ça : pour des produits qui représentent un risque sanitaire !

En effet, les prédateurs océaniques que sont les requins accumulent en grandes quantités dans leur organisme des hydrocarbures, pesticides, métaux lourds et autres polluants que nous déversons dans la nature. C’est ainsi que les taux de méthylmercure – le plus dangereux des dérivés du mercure, qui s’attaque au système nerveux et aux reins – contenus dans les tissus des requins peuvent être très élevés, ainsi que les concentrations de neurotoxines augmentant significativement les risques de développement de cancers et de maladies neurodégénératives telles la maladie d’Alzheimer et la maladie de Charcot.

C’est-à-dire qu’en raison de la toxicité avérée des produits à base de requin (les métaux lourds, eux, restant hautement nocifs au delà des transformations subies par les produits), on aboutit à vendre des substances aux effets carrément inverses aux arguments de vente. Quand on sait qu’il existe des alternatives efficaces et non nocives (produits à base de plantes pour l’arthrose, squalène d’olive ou de canne à sucre), c’est une véritable honte.

 

Outre le problème de santé publique que cela constitue, l’impact environnemental est massif. Selon une étude effectuée en 2012 par ETC Group, la demande annuelle de squalène oscille entre 1000 et 2000 tonnes, or il faut les foies d’environ 3000 requins pour en produire une seule tonne. Les requins, essentiels à l’équilibre de la chaîne alimentaire sous-marine, sont mis à rude épreuve par l’entreprise de pillage généralisé qui vide de vie nos océans, à laquelle participent les industries dont il est question ici.

En moins de vingt ans, plus d’un tiers des requins de haute mer ont été propulsés sur la liste des espèces menacées d’extinction de l’UICN. La bonne santé et la pérennité de l’écosystème océanique mondial – donc de toute la biosphère, humanité incluse – dépendent de la préservation, dès aujourd’hui, de ces animaux en situation critique. C’est pourquoi il est désormais irresponsable d’encourager à la consommation de produits à base de requin.

 

En bref  : l’opacité rigoureusement cultivée par les marques concernées est un problème moral de respect basique du consommateur : maintenu dans le flou, celui-ci ignore ce qu’il avale ou badigeonne sur sa peau, et quand il cherche à en savoir plus, ses interlocuteurs se réfugient derrière l’argument roi : nulle loi ne les oblige à spécifier les ingrédients (les espèces, l'origine animale ou végétale des ingrédients, etc.) ou leur provenance.

 

EN RAISON DE TOUS CES ÉLÉMENTS, SHARK CITIZEN LANCE SA LETTRE OUVERTE SOUS FORME DE PÉTITION À SIGNER PAR TOUS.

Cette pétition demande à OMOJO et aux autres marques utilisant du squalène ou du cartilage de requin de recourir dès que possible aux substituts végétaux à l'inocuité démontrée, et de développer une politique de transparence.

Nul doute que les marques qui prouveront qu’elles auront su modifier leurs pratiques pour un meilleur respect de leurs clients et de l’environnement pourront utiliser ce volontarisme responsable comme argument de vente et ainsi influer positivement sur les démarches de leurs concurrents.

Merci à tous de contribuer en signant et en faisant circuler ce texte dans votre entourage.

SIGNEZ LA PÉTITION : cliquez ici

 

(Vous pouvez retrouver l'intégralité de ce texte et plus d'informations sur notre site : www.sharkcitizen.fr)


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1 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 6 février 2014 09:42

    Les laboratoires pharmaceutique remplissent aussi facilement les cimetières que les maladies qu’ils sont censés combattre....

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Auteur de l'article

Arthur Keller


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