Licencierons-nous le libéralisme ?
Nous pouvons tenir les discours que nous voulons, ou s’amuser comme je le fais parfois avec l’individualisme, cela ne fera pas disparaître la communauté d’existence qui est la nôtre, quelles que soient les règles inégalitaires que nous instaurerons, fut-ce en se regardant le nombril comme nous le faisons.
Lorsque l’on a compris que l’on tend toujours vers le désordre structurel, nous ne devons pas être surpris que tous les ordres que nous élaborerons, que ce soit au nom du libéralisme ou autre, soient condamnés à se transformer.
Pour deux raisons, l’une, parce que vivre dans l’ordre que nous avons établi le modifie de fait (c’est pour cela qu’une ménagère est toujours en train de ranger chez elle), ou par le renouvellement des générations dans lesquelles, évidemment, l’ancienne ne peut répercuter en totalité son « ordre culturel » sur la nouvelle.
L’autre, parce que notre « ordre culturel » fait partie de l’ordre universel, et que cet ordre universel tend toujours vers un désordre stable et ordonné qui n’est pas à notre porté, car il nécessite de maîtriser toutes les données ce qui n’est heureusement pas à notre porté.
Ainsi, il devrait nous apparaître clairement que lorsque des hommes réclament au nom du libéralisme leur ordre, ou d’autres un ordre pour leurs semblables, et que ceux-ci doivent légiférer sans cesse pour maintenir lesdits ordres, cela signifie au minimum que notre « ordre culturel » repose sur des normes ou des références en désuétudes. Toutefois, si nous ne pouvons pas débrouiller le « désordre » universel, nous pouvons néanmoins comprendre que nos organisations communautaires, que nous voulons ordonner, tendront au désordre pour se réorganiser, et ceci rend éphémères toutes nos constructions closes, qui plus est, rend compréhensible la nécessité permanente de se réformer, y compris réformer nos idéaux, et élargir son horizon intellectuel.
Ceci est un exercice périlleux qui exige d’apprendre et toujours apprendre, d’apprendre et désapprendre.
De ce fait, il faudra nous séparer de la notion de « liberté absolue » comme nous nous sommes séparés du temps absolu, dans un monde où nous pouvons tout emprisonner même la pensée, et regarder notre monde comme il est, sous condition, sous référence de notre réflexion incertaine.
Si le libéralisme a eu le privilège de sortir les hommes du statut de « sujet de sa Majesté » et d’avoir de multiples facettes, il s’identifie de plus en plus à un excès de l’individualisme égoïste. Égoïsme des hommes attirés par la douce musique d’un libéralisme salvateur, et qui ouvre la porte au totalitarisme économique (la loi du marché financier), comme son antonyme le collectivisme soviétique a ouvert celle du despotisme d’État, par la pensée unique.
Et ni l’un ni l’autre ne sont venus à bout de l’exclusion, parce que ce sont des systèmes exclusifs et qu’ils préconisent la rareté. L’un la rareté économique, l’autre celle de la pensée, sauf que le pseudo néolibéralisme d’aujourd’hui s’est dotée des deux.
Au-delà, le libéralisme se veut le juge du monde au nom de l’humanité, la sienne, celle du droit qu’il s’est défini, qui trouve ses limites dans la puissance des États qu’il juge ou dans ses propres paradoxes, tel celui d’avoir défini le crime de guerre, comme si la guerre en elle-même n’était pas un crime ; ce qui conduit à l’indécence d’estimer que l’on peut tuer, pourvu que ce soit proprement, suivant les règles définies par les puissants.
C’est ainsi qu’ayant défini un tribunal international pour crime contre l’humanité, il s’y verra un jour assigné lui-même, pour pollution, non-assistance à peuple en danger, assassinat économique, bref, de quoi changer le nom de
Ensuite ne pas oser dire que l’est tout autant la production de toutes les armes qui ne visent qu’à la suppression de son semblable, et en répression se livrer aux mêmes comportements de manière plus douce pour qu’ils puissent être qualifiés d’humain.
Nous savons que l’idée de la mort est moins effrayante que la durée de la souffrance ou des humiliations qui y mènent, et notre émotion nous fera plus regarder comme insupportables les conditions qui y conduisent, car un Être torturé crie, alors que sous une bombe il est anonyme, ce qui nous pousse à condamner les moyens plutôt que les schémas culturels qui y prédisposent.
Et dans le cadre de l’hominisation, devrions-nous alors dire que la production d’armes capables d’exterminations est une étape vers cette hominisation ? Ou bien ne pas y renoncer parce que nous ne pouvons pas nous passer des profits que leurs productions génèrent et ne pas trouver d’emplois à ceux qui y contribuent.
Surtout ne pensez pas que c’est pour nous protéger d’éventuels agresseurs, car ceux que nous identifions comme tels aujourd’hui, c’est l’Occident qui leur a fourni ces armes ou donné les moyens techniques, pour se protéger eux aussi contre d’éventuels agresseurs qui n’étaient autres que nous-mêmes par pays interposé. C’est un pas que nous ne franchirons pas car nos relations économiques imposent de préserver sa richesse, ses intérêts égoïstes de la convoitise des autres, tout en se donnant les moyens d’une puissance militaire supérieure à celle que nous vendons pour s’autoriser d’aller la (richesse) chercher chez les autres.
Ainsi nous sommes en permanence dans une dichotomie du raisonnement qui nous a conduits à organiser, par des accords, l’art de s’entretuer, pour réglementer un événement sociétal que nous jugeons irréversible, qui nous entraîne jusqu’à estimer que ceux, qui ne disposent pas des moyens de faire la guerre comme les puissants l’ont défini, deviennent des criminels, parce que les puissants savent qu’en organisant la confrontation sur leur définition de la guerre, leur puissance ne peut être vaincue.
De cette manière un ordre qui se voulait régulateur a fini par régénérer la guerre totale qui touche les civils et que nous appelons terrorisme, qui se qualifie aussi « d’armes des pauvres ». Il s’agit moins, par une émotion compréhensible de la qualification des conséquences de justifier de l’horreur des actes qui n’ont rien à envier à ceux de la guerre, que de maintenir cette définition dans l’illégalité de son recours, car notre histoire regorge de terrorisme qui est devenu révolution avant de finir en armée régulière.
Le respect de la vie, comme pas vers l’hominisation, ne souffre pas de partage, même si des atrocités nous émeuvent au point de désirer la mort pour ceux qui les commettent, car impulsivement nous sommes aptes à la donner à tous les instants pour des raisons les plus insignifiantes qui ne sont révélatrices que d’une inadéquation ou d’une névrose plus profonde.
Oser faire ce pas vers l’hominisation en déclarant la guerre comme crime contre l’humanité est aujourd’hui impensable tant les intérêts politiques, idéologiques, religieux, économiques y sont étroitement liés. Pour que cette voie se jalonne, il sera nécessaire de l’ancrer dans le conscient profond de chaque être qui naît, et pour cela il n’y a que l’éducation. Nous ne pouvons plus conserver ce vestige archaïque de l’ignorance culturelle, s’entretuer, et se dire humain ; le plus difficile est de convaincre les hommes que cette aptitude n’est pas une « normalité », même si elle est le produit d’une réaction émotionnelle violente pour supprimer ce qui est perçu comme l’obstacle source de sa souffrance, d’autant plus que ceux-mêmes à qui vous expliqueriez ce point de vue seront prêts à vous tuer comme obstacle hérétique à leur pensée.
A moins qu’un État relève ce défie historique de l’hominisé contre l’homo sapiens culturalisé, car il faudra bien un jour qu’il y en ait un qui le fasse.
Or, comme nos organisations économiques reposent sur les conditions d’utilisation de la force de travail de tout un chacun, si elles développent de la souffrance « économique », celle-ci en retour se répercutera sur ceux qui se sont installés dans leur bonheur. Ce bonheur qui repose sur un « instant arrêté », de telle manière que nous ne pouvons pas faire l’économie d’un regard sur l’existence des autres, des étrangers, des inconnus, bref de l’espèce humaine, pour examiner l’incidence des structures que nous mettons en place dans la recherche de notre intérêt personnel.
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