Limitation à 80km/h : pourquoi la France doute
C’est désormais confirmé : la nouvelle limitation à 80 km/h sur les routes secondaires de France entrera en vigueur le 1er juillet 2018. Cette mesure a été décidée par le Gouvernement dans un but louable : réduire le nombre d’accidents notamment sur les départementales. Pourtant, de nombreuses contestations de la part des conducteurs et des élus viennent assombrir le tableau : pétitions, lettres ouvertes, manifestations… Pourquoi une telle opposition ? Ne serait-il pas judicieux de la prendre en considération, et de répondre aux interrogations que de nombreux Français se posent ?
Limitation à 80km/h : pourquoi la France doute
C’est désormais confirmé : la nouvelle limitation à 80 km/h sur les routes secondaires de France entrera en vigueur le 1er juillet 2018. Cette mesure a été décidée par le Gouvernement dans un but louable : réduire le nombre d’accidents notamment sur les départementales. Pourtant, de nombreuses contestations de la part des conducteurs et des élus viennent assombrir le tableau : pétitions, lettres ouvertes, manifestations… Pourquoi une telle opposition ? Ne serait-il pas judicieux de la prendre en considération, et de répondre aux interrogations que de nombreux Français se posent ?
1ère interrogation : quels impacts ?
Abaisser la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires devrait avoir des impacts positifs en matière de sécurité : cela pourrait réduire les risques d’accidents (entre autres grâce à la distance de freinage réduite), et également diminuer leur gravité.
Cependant, cela devrait également impacter de façon moins plaisante la vie quotidienne des habitants des zones rurales. En zone rurale, la grande majorité des déplacements se font en effet en voiture : se rendre au travail, en revenir, faire les courses, pratiquer une activité sportive ou de loisirs, se rendre chez le médecin… Le temps passé en voiture par jour est considérable (bien au-delà des 31 minutes prises en exemple dans la « campagne pédagogique » de la Sécurité Routière lancée pour la réforme des 80 km/h), sans parler du temps par semaine ou par mois, et la nouvelle limitation va donc contribuer à l’augmenter de façon conséquente.
Une autre question qui se pose est celle de la circulation des poids lourds sur le réseau secondaire. La réglementation leur impose déjà, actuellement, de ne pas dépasser la vitesse de 80 km/h. Jusqu’à présent, cela signifiait que leur vitesse maximale autorisée était fixée à 10 km/h en dessous de celle des voitures. Mais que va-t-il se passer à partir du 1er juillet ? Des transporteurs, rencontrés par le biais du site Europe Camions, se sont montrés inquiets face à cette mesure.
2ème interrogation : combien cela va-t-il coûter ?
Si en théorie, la réforme des 80 km/h devrait permettre à l’État de diminuer un certain nombre de dépenses liées aux accidents de la route, lorsque les économistes prennent également en compte le temps « perdu » sur les routes dans leurs calculs les résultats ne sont pas encourageants. Ainsi, une étude de Rémy Prud’homme, professeur émérite d’économie à Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, estime que la réforme devrait permettre 190 millions d’euros d’économies (moins d’accidents, d’hospitalisations etc.)... et entrainer 3,7 milliards d’euros de dépenses (en raison du temps perdu). S’il ne s’agit ici que d’une hypothèse, et que les chiffres réels peuvent se révéler différents en fonction de multiples facteurs, il serait intéressant (et rassurant) de savoir que le Gouvernement a étudié cet aspect des choses, et surtout de connaitre ses conclusions avec des chiffres à l’appui.
Le lancement de la mesure va quant à lui être coûteux avec certitude. Selon la Ministre des Transports Elisabeth Borne, le remplacement des panneaux de signalisation va coûter à lui seul entre 2 et 3 millions d’euros. Un autre type de dépenses a déjà commencé : celui des campagnes publicitaires à vocation pédagogique. Ainsi, la Sécurité Routière a initié une campagne en faveur de la limitation à 80 km/h : presse quotidienne ou hebdomadaire, nationale, régionale, presse féminine ou encore télévision… une telle présence dans les médias n’est évidemment pas sans coût.
3ème interrogation : pourquoi y a-t-il si peu de dialogue et de données fiables ?
Il suffit d’effectuer une rapide recherche sur Google pour s’en rendre compte : tous les chiffres communiqués en rapport avec la réforme peuvent être contestés avec des arguments non dénués de sens, que ce soient ceux de la Sécurité Routière ou ceux de ses détracteurs. Comment savoir, alors, à quelles affirmations se fier ?
Des expériences ont été menées en France sur 4 axes afin d’évaluer l’impact réel de la limitation à 80 km/h. Les résultats de ces expériences pourraient apporter de véritables réponses, pourtant aucun bilan n’a jusqu’à présent été rendu public.
À noter également qu’un groupe de travail du Sénat a été chargé de peser le pour et le contre de cette mesure. Pourtant, la campagne de la Sécurité Routière et les choix du Gouvernement ont été effectués avant que les conclusions de ce travail ne soient rendues, c’est-à-dire selon toute probabilité sans l’avis du Parlement.
Enfin, les initiatives se multiplient dans un but de protestation :
-
La FFMC (Fédération Française des Motards en Colère), la Ligue de Défense des Conducteurs, puis l’association 40 Millions d’Automobilistes ont lancé des pétitions il y a déjà plusieurs mois.
-
Des manifestations d’automobilistes et de motards ont lieu depuis février.
-
Les présidents de 28 départements ont écrit une lettre ouverte au Gouvernement, pour demander à ce que la limitation se fasse au cas par cas au lieu d’être appliquée systématiquement à toutes les routes.
-
Plus modestement, d’autres types d’initiatives voient le jour. Par exemple, le site nonaux80.com propose des vignettes autocollantes pour les conducteurs désireux de faire connaitre leur mécontentement.
Dès le départ, il était certain que la mesure des 80 km/h allait se révéler impopulaire. Edouard Philippe avait d’ailleurs affirmé qu’il était prêt à en assumer les conséquences pour le bien de tous. Cependant, il semble que cette impopularité soit en partie due au manque d’informations, de données sûres et de dialogue autour de cette réforme.
Jusqu’au 30 mars, il est toutefois possible à chacun de donner son avis sur le site du Sénat. Une initiative qui devrait permettre de mieux prendre en compte l’opinion des Français sur le sujet ?
72 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON