Logement locatif : faut-il rendre justice soi-même ?
On ne compte plus les histoires parfois hallucinantes de locataires bons payeurs concernant les relations avec le gestionnaire ou le propriétaire de leur appartement. Entre les hausses systématiques des loyers, les clauses abusives des baux et la mesquinerie des gestionnaires, le locataire n’en est pas au bout de ses peines. Alors, faut-il rendre justice soi-même ?
IRL
Une voyelle et deux consonnes pour beaucoup de monde insignifiantes, et qui pourtant peuvent coûter cher au locataire et rapporter gros au propriétaire. IRL signifie Indice de Référence des Loyers. Il s’agit d’une spécificité française : chaque année, le montant du loyer peut être révisé à la hausse. L’IRL fixe la hausse maximum légale, calculé par l’INSEE.
Si cet indice est intéressant pour les propriétaires venant d’investir, notamment dans le neuf, assurant ainsi une hausse des revenus locatifs, pour la majorité de propriétaires et gestionnaires de biens établis, ce n’est rien d’autre qu’une rente supplémentaire, obtenue légalement sans aucune contrepartie.
La hausse autorisée est en pour cent : plus le loyer est cher, plus la hausse autorisée est importante en valeur absolue. Vient alors le cas parisien. Traitons-le avec un exemple : un appartement de 50m2 à Paris mis en location en 2010 à 1350€ par mois sans les charges, est réestimé d’environ 25€ en 2011, soit 1375€ sur les 12 mois suivant la hausse (rente supplémentaire de 300€ sur un appartement).
En 2012, la hausse est d’environ 30€, soit 1405€ sur les 12 mois suivants (rente supplémentaire de 360€ vs. 2011, 660€ vs. 2010). Sur deux ans, le loyer a subi une inflation de 4%. Remarquons que cette inflation est engendrée artificiellement par l’IRL.
Dans les régions françaises, un appartement de 50m2 peut revenir à environ 600€ par mois en location. Pour une même superficie qu’à Paris, la hausse sera donc moins forte en valeur absolue.
Considérons un gestionnaire de biens propriétaire de 30 appartements à Paris, similaires à l’appartement décrit plus haut. La rente supplémentaire générée en deux ans est de : 30 x 300€ + 30 x 660€ = 28800€, soit près de 30000€ supplémentaires sans bouger le petit doigt. La croissance de la rente est en escalier (non linéaire). Ainsi, en 2013, la hausse sera d’environ 32€, soit 384€ supplémentaires. (1044€ supplémentaires vs. 2010)
Sur 3 ans, la rente est donc de : 30 x 300€ + 30 x 660€ + 30 x 1044€ = 60120€.
Peut-on parler de justice sociale au regard de cette situation ?
J’ai contacté à ce sujet le ministère du logement courant 2012. Courrier resté sans réponse. J’ai par la suite contacté le bureau de deux députés par courrier : la remplaçante de Cécile Duflot dans la circonscription du 11e-12e arrondissement de Paris, Danièle Hoffman-Rispal. Courrier resté sans réponse. Le même courrier a ensuite été envoyé au cabinet de Patrick Bloche, député-maire du 11e arrondissement de Paris. Pas de réponse.
J’ai donc envoyé un courrier au plus haut placé, c’est-à-dire au Président de la République. A ce jour, je n’ai reçu aucune réponse.
Pourquoi le silence sur l’IRL ? Pourquoi parle-t-on d’encadrer les loyers et omet-on de reconsidérer l’IRL ? Y a-t-il conflit d’intérêt ? Nos députés sont-ils aussi propriétaires ?
Plus d’infos sur l’IRL ici : http://www.insee.fr/fr/themes/conjoncture/indice_loyer.asp
Clauses abusives
Un bail est un contrat. Dans tout contrat, les deux partis s’engagent. Les baux contenant des clauses abusives, voire illégales foisonnent. Libération a publié il y a deux ans un hit-parade des clauses abusives : http://www.liberation.fr/vous/0101641198-le-hit-parade-des-clauses-abusives.
Dans la propriété du 11e arrondissement de Paris où j’habite, l’eau a été coupée à plusieurs reprises tout le week-end. Voici l’extrait de ma lettre pour le gestionnaire, à la suite d’un premier échange :
Par le courrier du 19 septembre 2012, Monsieur N. répond défavorablement à notre demande de dédommagement suite à la deuxième coupure d’eau cette année. Il motive le refus en s’appuyant sur la clause de notre bail précisant que « le locataire renonce à tout recours contre le bailleur en cas d’interruption, à l’initiative du bailleur, dans le service de l’eau ».
D’après l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, paragraphe m, « est réputée non écrite toute clause qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité ».
Cette clause abusive est numéro 5 au hit-parade de Libération.
Que faire face aux margoulins qui « gèrent » les propriétés de nos villes ?
Les recours sont inutiles : les sommes engagées sont souvent inférieures à 100€ par logement. On vit le temps d’un week-end en système D. Le préjudice n’est pas reconnu par le gestionnaire et le locataire jamais dédommagé.
Mesquinerie des gestionnaires
Si les loyers sont chers, les zones communes des propriétés sont bien souvent délabrées. C’est malheureux : l’entretien de l’immeuble, de la cour, de l’ascenseur, etc. est le cadet des soucis des gestionnaires. La rentabilité avant tout.
Un interrupteur reste plus d’un an sans être remplacé. Le système électrique est défectueux. Le pavé de la cour est défoncé. Aucune installation n’est prévue pour les poubelles, dont l’accès devient périlleux par temps de pluie et la nuit. Quel locataire ne vit pas l’une de ces situations ?
Tant que le chèque du loyer arrive entre le 5 et le 10 du mois, tant qu’il y aura preneur pour un loyer exorbitant et des prestations lamentables… à quoi bon chercher à faire mieux ? A quoi bon mettre de la passion dans son métier ?
Tout locataire ayant rendu visite à son gestionnaire aura sans doute constaté la même chose : l’ambiance dans les locaux est souvent triste et morne. Il transparaît un mépris indéniable du gestionnaire envers les locataires. Quoi que le locataire demande, le gestionnaire sait qu’il peut ne pas répondre. Le locataire partira de toute façon un jour, et il y aura un nouvelle vache à lait pour le remplacer.
Que faire contre le mépris que subissent les locataires ?
Injustice sociale, gestion de margoulins, mépris et délabrement, ce sont les termes appropriés pour définir ce que supportent aujourd’hui bon nombre de locataires bons payeurs. Il semble qu’il n’existe ni volonté politique ni recours légal efficace pour améliorer la situation. Le bon payeur devrait-il devenir mauvais payeur ? Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, les gestionnaires et les propriétaires, vous voilà prévenus.
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