Lutte contre la clandestinité, principe et aspect quantitatif
« Les conduites à risques, les réactions suicidaires se multiplient chez les sans-papiers, [...] explique Marie-Thérèse, une militante [de RESF] grenobloise. Mokhtari, un jeune Algérien, est en rééducation au Plateau des petites roches. Il a tenté de s’enfuir par la fenêtre, lui aussi, à l’arrivée de la police chez lui, dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble. C’était au petit matin. Il a été grièvement blessé. Mokhtari est aussi un demandeur d’asile débouté. Il travaillait au noir chez un commerçant », apprenons-nous sur le blog de Karl Laske, journaliste à Libération.
Je ne m’éterniserais pas sur la notion de responsabilité de ceux qui mettent leur vie en péril pour échapper à l’action de la force publique, je n’ai pas d’élément nouveau depuis l’article intitulé Vers l’omni-responsabilité de l’Etat.
Je ne vois rien dans le principe des reconduites à la frontière qui permette la mise en cause des acteurs de ces reconduites. La politique de quotas choisie par Brice Hortefeux n’y change rien. La volonté politique quantitative n’a pas d’effet sur le principe, principe qui n’a pas été contesté par la gauche lorsqu’elle était aux commandes (lien). Lorsque vendredi, aux alentours de midi, sur France Info, un journaliste demandait à un responsable de RESF (Réseau éducation sans frontière) s’il s’attaque au mode d’action de la police dans la gestion des reconduites ou à la loi que la police met en oeuvre, ce responsable n’a pas hésité, honnête, à reconnaître que c’était évidemment la loi qu’il contestait dans son fondement (chacun appréciera ce que cela signifie, en démocratie), donc les conditions de l’accès au territoire national.
La polémique perpétuelle qu’anime RESF est donc avant tout une bataille sur la loi, la police n’y est prise à partie qu’en tant qu’incarnation de « la violence d’État » dixit ledit responsable de RESF. Cette polémique est d’ailleurs symptomatique du rapport des Français avec leur démocratie : il semblerait que la loi décidée par le Parlement n’a vocation à leurs yeux à ne s’appliquer qu’avec leur assentiment personnel, individuel. Ainsi, lorsque la hiérarchie d’une grande administration, l’Education nationale, demande à son personnel de lui signaler les individus en situation administrative illégale, les boucliers se lèvent, l’administration « parle d’erreur » et le ministre de tutelle, Xavier Darcos, dit regretter la « maladresse », assurant qu’il n’y avait « évidemment pas de volonté d’identifier » les clandestins (lien). En France, on peut avoir un Parlement qui nie à des individus le droit se trouver en France, nulle formation politique modérée ne le conteste, mais il est scandaleux de se confronter à ce choix, de l’aveu même de la majorité parlementaire. Paradoxe consternant, des fonctionnaires se choquent d’avoir à rendre compte de situations d’illégalité auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leurs fonctions, comme s’il leur appartenait de décider des lois et règlements à appliquer.
Les quotas ne sont donc qu’une question secondaire dans la polémique perpétuelle qu’anime RESF. C’est néanmoins une question digne d’intérêt, qui ne devrait pas être abordée en tant que prétexte pour une remise en cause du principe. On peut se demander ce que signifie pour un ministre d’exiger d’un préfet un nombre de reconduites. En toute logique, chaque cas doit être pris en compte au regard de la loi : ce sont les cas qui doivent déterminer le nombre de reconduites. Pour les infractions routières, on peut partir du principe qu’il s’en produit tant non réprimées que l’on peut imposer un quota raisonnable aux policiers, quota qui sera rempli sans difficulté par ceux qui font leur travail avec diligence. Mais peut-on comparer le trivial constat d’une infraction au Code de la route avec l’étude d’une demande de séjour sur le territoire de la République ? Pire, le problème social est-il si majeur qu’il mérite que l’on focalise la police avec tant d’entrain ? Secret de polichinelle, on demande en effet au personnel de la sécurité publique de traiter de plus en plus régulièrement des infractions à la législation sur les étrangers (« ILE » en jargon), de soulager la police aux frontières de ses procédures, alors que pourtant les problèmes relevant de la sécurité publique sont loin d’être résorbés. S’il nul policier n’a motif à contester la légitimité de ces procédures, s’il va de soi qu’un policier quel que soit son domaine habituel d’attribution n’a pas à considérer que seules les infractions qui en relèvent le concernent, cela peut en laisser songeur de constater qu’un simple problème de situation administrative apparaisse comme sujet essentiel au point de délaisser, en termes de moyens humains et matériels, par exemple, la lutte contre les stupéfiants ou encore les violences urbaines.
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