« Ma maman me ment », conséquences de mensonges sur les enfants, par Sylvia Galipeau
« Les parents inventent toutes sortes d’histoires. Et ils croient que ça se justifie, comme c’est à des fins éducatives, déplore-t-il. Or, un mensonge, même à un enfant en bas âge, cela peut avoir des conséquences à très long terme. »
NDLR de LPLM : Mentir sciemment à son enfant (par stratégie, et non par protection ou justification éducative), c’est trahir la confiance des enfants en l’infaillibilité des parents et à leur exemplarité, en prenant le risque qu’un jour les enfants remettent en question l’éducation qu’ils ont reçue de leurs parents, voire remettent en question leur relation avec le parent qui leur a gravement menti. Un autre risque est celui de formater l’enfant à se comporter lui-même en tant que menteur, puisque c’est le mode de fonctionnement qui lui aura été montré et donc inculqué. Loin de la petite souris ou du père Noël qui n’existent pas et qui sont « acceptables », d’autres mensonges non sans conséquences psychologiques graves peuvent provoquer l’effondrement d’un enfant voire sa destructuration psychique lorsque celui-ci constatera « plus tard » que, ce que « certaines personnes lui ont mis dans la tête », sur telle ou telle autre personne (comme son autre parent par exemple) était complètement faux, revenant à sciemment instrumentaliser l’enfant.
Prenez le match de lundi dernier. Combien de parents ont annoncé tout sourire la victoire à leurs enfants, en « omettant » soigneusement de mentionner les voitures incendiées, les boutiques pillées. Bref, toute la casse qui a suivi ? Go Habs Go ? Allez, avouez.
Il faut dire que les petites omissions et les autres mensonges du genre font partie du quotidien de bien des parents. Oh le beau dessin, si tu ne brosses pas tes dents, elles vont tomber, les brocolis font grandir, grand-papa est parti faire un long, long voyage...
« Tous les parents mentent de temps à autre à leurs enfants. On parle ici de mensonges à des fins éducatives », avance Kang Lee, directeur de l’Institute of Child Study à l’université de Toronto. Le chercheur planche ces jours-ci sur la question des mensonges parentaux dans le cadre d’une vaste enquête réalisée en collaboration avec l’université de Californie, à San Diego.
L’an dernier, il a interrogé une centaine de parents d’enfants de tous âges par l’internet, en plus de sonder plusieurs étudiants de l’université, pour comprendre comment ceux-ci avaient vécu les mensonges petits.
« Les parents inventent toutes sortes d’histoires. Et ils croient que ça se justifie, comme c’est à des fins éducatives, déplore-t-il. Or un mensonge, même à un enfant en bas âge, cela peut avoir des conséquences à très long terme. »
Prenez ce jeune homme de 25 ans. Petit, ses parents lui ont toujours dit de fermer la porte du frigo. Sinon ? Il exploserait. Certes, la menace a porté ses fruits. Résultat, à ce jour, il se sert toujours dans son frigo avec le même empressement. Le même sentiment d’urgence.
« Bien sûr, dans notre vie d’adulte, parfois, nous n’avons pas le choix de mentir, concède le chercheur. Mais, comme parent, il vaut mieux toujours dire la vérité. »
Même son de cloche de la part de tous les experts interrogés. « L’idée, c’est qu’on doit la vérité à nos enfants. C’est un dû. Il faut que le parent soit une référence fiable », renchérit le psychologue et psychothérapeute Marc Pistorio, qui vient de publier un livre sur la question (Vérité ou conséquences, oser l’authenticité envers soi, en couple et en famille, aux Éditions de l’Homme).
« Si l’enfant pose une question, il doit nous faire confiance. Parfois on va dire quelque chose d’agréable, parfois on va dire quelque chose de désagréable. La vie, c’est comme ça. »
La vérité si je mens !
Là est donc la nuance : il faut que l’enfant pose une question. Une petite « omission » n’est pas vraiment considérée comme un mensonge, accorde Victoria Talwar, psychologue du développement à l’université McGill, spécialisée dans l’enfance et le mensonge. Ouf ! Mais attention, si votre enfant vous interroge, vous lui devez la vérité.
« Pourquoi ces voitures en feu dans le journal ? » Il faut lui donner la vraie réponse, dans un langage qui convient à son âge, en évitant l’alarmisme, et toujours en demeurant calme et objectif. Du moins dans la limite de vos moyens.
« Malheureusement, le match a mal viré, propose Marc Pistorio. C’est ça, la vérité. Cela vient ternir la joie qu’on avait. C’est ça, la vraie vie. Heureusement, il y a beaucoup de personnes qui sont très heureuses comme nous, et encore plus de personnes qui ne sont pas d’accord avec ces gestes, parce que c’est inacceptable. »
Pour le psychologue, « la réalité n’est pas horrible, c’est ce qu’on en fait qui compte. C’est l’enseignement que l’on retire des situations qui est important ». Et si l’enfant n’a rien vu, rien entendu, et qu’il nage encore en plein bonheur dans sa fièvre des séries ? Bonne nouvelle, vous avez le droit de le laisser dans sa bulle. Du moins pour l’instant. « Une bulle protectrice, jusqu’à ce que l’enfant soit prêt pour une vision plus large de la vie », résume Don MacMannis, codirecteur du Family Therapy Institute de Santa Barbara, en Californie, également producteur de chansons rock pour enfants (Bye-Bye Bully, Cleanup Time, etc.) dont une sur le mensonge en préparation.
Pour le reste, les experts s’entendent : la vérité doit toujours primer.
Une exception : la fée des dents, le lapin de Pâques et, bien sûr, le père Noël, tellement ancrés dans la culture qu’ils ne comptent même plus comme des mensonges. « C’est une tradition, je n’ai aucun problème avec ça, dit Marc Pistorio. Mais ça ne va plus quand l’enfant demande une vérité qu’on lui cache. »
Bref, s’il vous interroge sur le comment du pourquoi le père Noël se pointe dans toutes les maisons de la planète la même nuit, peut-être est-il temps de lui dévoiler la vraie histoire. « C’est une sorte de rite de passage. Parce qu’il faut quitter l’enfance à un moment donné. Oui, il y aura un deuil, mais ce sera pour passer à autre chose. Pour grandir. »
Quant aux légères modifications de la vérité (que les Anglais ont baptisées "white lies"), visant à ne pas blesser, du genre « dit merci à grand-maman pour le magnifique foulard qu’elle t’a tricoté », ou encore « il a un look très intéressant, ton nouvel amoureux », s’ils demeurent des mensonges (le foulard est atroce, l’amoureux pouilleux), ils sont généralement moins mal vus qu’une honnêteté parfois brutale. En un mot, oui à la vérité, mais de grâce, avec un minimum de tact.
Silvia Galipeau
La Presse
Source Ciberpresse.ca
Autre article d’intérêt : 25 avril 2008 - Journée internationale contre l’aliénation parentale cliquer ici
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