L’homosexualité est une réalité qui existe depuis des lustres. Est-ce une invention de la folie des Occidentaux ? Non. Où est-elle née ? On l’ignorera toujours, mais les traces les plus lointaines de rapports sexuels et/ou amoureux entre gens du même sexe remontent loin, en Égypte et même au Japon. En effet, les pharaons possédaient des harems dans lesquels se trouvaient également des hommes, et les légendaires samouraïs se livraient également à ce genre de relations homosexuelles. Or, la société ancienne qui nous en apprit le plus sur l’homosexualité de l’époque fut celle de la Grèce antique.
Certaines rumeurs circulent, de nos jours. En effet, j’ai moi-même entendu à plusieurs reprises différentes allégations sur le fait que les anciens Grecs étaient tous une bande d’homosexuels qui passaient leur temps dans des orgies masculines. Or, d’autres disent également qu’au contraire, les hommes se mariaient tous à une femme et avaient des enfants, ce qui prouvait bien leur hétérosexualité. De toute évidence, ces deux propos ne sont pas vrais. Ils portent tous les deux un soupçon de vérité. Il serait faux de dire que l’homosexualité était acceptée par tout le monde : la situation n’est pas si simple que cela. Les Grecs n’encourageaient pas des amours entre deux hommes : en fait, ils méprisaient cela. Ce qu’ils vantaient, c’était les relations entre les hommes (ou « erastes ») et les jeunes garçons (ou « éromènes »), toujours dans une relation où le premier était dominant et le dernier étant dominé. En observant cela de nos yeux contemporains, il est possible que cela paraisse comme une véritable abomination, mais à l’époque, il s’agissait de quelque chose de très valable et valorisant. En effet, en Grève antique, le culte du corps était incroyablement omniprésent. Ainsi, posséder un « jeune garçon » qui répondait à tout ce qui définissait la beauté était un véritable honneur dont on devait se vanter. De nos jours, nous pourrions comparer cela à une voiture décapotable qu’on utilise à toutes les occasions pour montrer que la personne qui la possède est bien nantie.
Or, en fait, si ces relations étaient acceptées, c’est en partie parce que la société grecque antique était un tantinet misogyne, c’est-à-dire que les membres de la gent féminine étaient considérés comme inférieures. Ainsi, tous les hommes se mariaient (car le célibat était extrêmement mal vu, également : à Sparte, il était même puni par la loi), mais ce n’était que pour des raisons politiques, sociales ou religieuses. Les femmes servaient à faire des enfants. Les hommes n’avaient des relations hétérosexuelles que pour procréer. Hormis cela, la recherche de plaisir se faisait presque exclusivement entre hommes. Quant au lesbianisme, il était extrêmement mal vu, car c’était considéré comme une « insulte à la toute puissance masculine ». Or, peu à peu, des voix s’élevèrent contre l’homosexualité en général et cela cause, en 226, la création de la « Lex scatina » romaine, qui punissait les relations amoureuses entre hommes. (Il faut préciser qu’à Rome, la situation des homosexuels était, avant cette première mesure, tout à fait semblable à celle de la Grèce antique.)
Cette relative ouverture d’esprit fut totalement ébranlée par l’arrivée du christianisme. Il serait cependant erroné de considérer que l’Église est responsable de tous les comportements homophobes : après tout, il y avait déjà une bonne méfiance et une certaine désapprobation par rapport à l’homosexualité. Disons simplement qu’elle a lancé de l’huile dans les braises. Cela ne prit que quelques années après que l’Empire romain eut adopté le christianisme comme religion officielle pour que l’homosexualité soit réprimée par une véritable loi. S’ensuivit une escalade de procédures législatives qui finirent par aboutir à la peine capitale pour tous les homosexuels. L’Église servit réellement de catalyseur et augmentait sans cesse la haine des gays en disant que Dieu causait des tremblements de terre et déclenchait des épidémies par leur faute, pour les punir, ce qui les plaçait en position « d’ennemis de l’Homme ».
Durant le Moyen Âge, cette haine se résorba quelque peu, mais fut de nouveau ravivée pendant le XIIIe siècle, avant d’être adoucie de nouveau pendant le Renaissance… L’histoire de l’homosexualité est très révélatrice : elle se dessine comme un grand zigzag, remplie de hauts et de bas. Ne trouvez-vous pas cela étrange ? Pendant près de deux mille ans, on n’a cessé de revoir la relation qu’entretiennent les gouvernements avec l’homosexualité. S’agit-il d’un crime ou pas ? Devrait-on leur permettre de se marier ou pas ? Devrait-on leur permettre d’adopter des enfants ou pas ? Des débats qui animent la société d’aujourd’hui depuis des années et qui ne semble jamais être résolu.
Premièrement, pouvons-nous dire que l’homosexualité est un crime ? Dépendamment du pays dans lequel vous vous trouvez, c’est possible. Dans 70 pays de notre monde, c’en est un, et il est passible de la peine capitale dans une dizaine d’entre eux. Pourquoi est-ce considéré ainsi ? Pour plusieurs raisons que je pus rassembler sur l’Internet, dont celles-ci :
- Il s’agit d’un comportement contre nature.
- Ce n’est pas normal.
- Ça me dégoûte
- Ça empêcherait la procréation.
- Dieu a dit que c’était mal.
Raisonner ainsi est-il une marque d’homophobie ? Vous savez, ce terme cause souvent bien des remous et est utilisé à tort et à travers. On ne peut parler d’homophobie que quand il y a hostilité (explicite ou implicite), ce qui révèle de la peur, de la haine ou de l’aversion envers l’homosexualité. Ce terme désigne donc l’ensemble des préjugés et toute la discrimination envers les gens qui ont des préférences amoureuses et/ou sexuelles envers les gens de même sexe : « De même que la xénophobie, le racisme ou l’antisémitisme, l’homophobie est une manifestation arbitraire qui consiste à désigner l’autre comme contraire, inférieur ou anormal. »
[1]
Ainsi, en suivant cette logique, nous pourrions dire que les trois premiers arguments sont des commentaires homophobes qui bafouent les droits humains les plus fondamentaux. Peut-on, en toute conscience, considérer ces arguments comme valables ? (Il est à noter que les deux premiers arguments, semblables bien que différents, étaient et sont toujours employés par les autorités religieuses chrétiennes, musulmanes et juives ; le Dalaï Lama a même répété à plusieurs reprises que le bouddhisme ne pouvait tolérer cela.
[2]) Le dernier argument, quant à lui, est un jugement basé sur une croyance religieuse, et donc, difficilement réfutable, malgré le fait que toutes les religions disent qu’il faut respecter son prochain et l’aimer. Légèrement paradoxal. Le quatrième est plutôt une question d’exagération : ce n’est pas comme si tout le monde risquait de se transformer en homosexuel. Justement, voilà une bonne question : est-ce qu’on peut DEVENIR homosexuel ? Est-ce un choix ? Est-ce inné ? Est-ce acquis ? Voilà une question extrêmement importante et embêtante, car chaque réponse possible apporte son lot d’inconvénients.
Est-ce qu’être homosexuel, c’est inné ? La question a été posée par un très grand nombre de chercheurs. Une quasi-majorité des homosexuels diront qu’il s’agit d’un fait, qu’ils sont nés ainsi. Or, le problème avec cette question est qu’il n’y a, pour le moment, aucune différence chimique, génétique ou moléculaire entre les personnes hétérosexuelles et homosexuelles. Ainsi, trois choix s’offrent à nous : soit nos techniques ne sont pas suffisamment avancées, soit l’homosexualité n’est pas innée, soit c’est tout simplement inexplicable puisqu’il s’agit d’un évènement simplement psychologique et spirituel sans aucune influence ou cause physique. Le problème avec la première option n’est pas évident. Il se révèle lorsqu’on se demande quelle sera la réaction de la société si on découvrait que tel gène causait l’homosexualité, ou que c’était simplement un manque de telle hormone durant la grossesse. Cela transformerait l’homosexualité en espèce de malformation que l’on pourrait guérir en retirant le gène « défectueux » ou en injectant artificiellement des hormones aux femmes enceintes pour prévenir tout « problème ». La seconde possibilité n’est guère mieux, car elle implique un choix ou une acquisition, concepts auxquels beaucoup d’homosexuels s’opposent. Quant à la dernière, il s’agit d’un vrai cul-de-sac : comment défendre cet argument ? Il repose sur l’idée que ce n’est pas prouvable : comment prouver ce qui ne l’est pas ?
Si ce n’est pas inné, est-ce acquis ? Selon certains psychiatres, oui, car il existe certaines ressemblances psychologiques et relationnelles chez la majorité des homosexuels. En effet, selon Irving Bieber, un psychanalyste américain désormais décédé, les homosexuels ont toujours un rapport père-fils anormal et insatisfaisant. Bon, le mot « toujours » est à prendre avec un grain de sel : ses études lui ont permis d’en venir à cette conclusion. Elle date de plusieurs années et n’est pas nécessairement très représentative. Bref, cette hypothèse soulève tout de même un grand nombre de protestations de la part des communautés homosexuelles, car elle considère cette préférence sexuelle, de nouveau, comme étant une pathologie curable, alors qu’ils refusent de considérer cela ainsi.
Finalement, si ce n’est ni inné ni acquis, il s’agit d’un choix personnel. Or, si c’en est un, il devrait y avoir des explications logiques et sensées derrière le « choix » de son orientation sexuelle, et chacun devrait dire pourquoi il a choisi d’aller à l’encontre de ce qu’enseignent les vieilles traditions de notre espèce, soit qu’un couple, c’était un homme et une femme, ce qui en contrarie certains. L’idée qui dicte la formation « normale » d’un couple est partagée par tout le monde. Pensez-y un moment : si on vous disait « Un couple marche dans la rue. », verriez-vous automatiquement deux hommes ou deux femmes ? Non. Cette idée partagée par tous est un excellent exemple de la théorie du médecin, psychiatre et psychologue suisse Carl Gustav Jung, à propos de l’inconscient collectif. Qu’est-ce que c’est ? En gros, il dit que tout être humain possède, à travers notre psyché séparée en différentes strates, une partie d’inconscient qui est collectif à tous les individus de l’espèce. Ainsi, certaines idées nous seraient inculquées naturellement. Ces idées se nomment « archétypes ». On pourrait donc dire que l’idée que « couple = homme + femme » en serait un. Cela expliquerait bien pourquoi les gens semblent très souvent gênés ou simplement dérangés par les couples homosexuels. Après tout, cela vient briser une idée commune qui existe depuis des milliers et des milliers d’années. Il est « normal » que certaines difficultés soient rencontrées dans le processus d’acceptation et de reconnaissance des couples homme-homme ou femme-femme, je ne dis pas, mais est-il simplement correct de vouloir leur interdire tout genre d’union respectable uniquement pour préserver une ancienne idéologie ? Après tout, l’évolution et le progrès, c’est ça : modifier notre manière de concevoir l’Univers, changer ce qui est dépassé… En gros, l’évolution, c’est s’adapter mentalement à tout ce qui change autour de nous.
Le « mouvement homosexuel » est devenu assez important, de nos jours. Des organismes prônant la mondialisation des droits des homosexuels et sa dépénalisation ont été créés dans pratiquement tous les pays du monde (sauf quelques exceptions dans des pays où l’homosexualité est un crime condamnable). Tous les combats menés par ces groupes ont grandement fait avancer leur cause, si bien que l’ONU a créé une déclaration de la dépénalisation universelle de l’homosexualité, signée (à ce jour) par 66 pays sur les 192 pays de l’Organisation des Nations Unies. C’est un bon début, même s’il reste beaucoup de travail à faire dans cette question.
Il ne faut cependant pas croire que tout va de mieux en mieux, car de nombreux problèmes très graves persistent. Le sort semble vouloir s’acharner contre les homosexuels. Un exemple : le taux de suicide chez les jeunes homosexuels extrêmement élevé. Pourquoi ? Selon Viktor Frankl, philosophe qui travailla dans les camps de concentration nazis et qui put observer avec attention le comportement humain dans des conditions très difficiles, il faut que notre vie ait un sens pour que nous puissions vivre. En effet, il demanda à certains de ses patients pourquoi ils ne se suicidaient pas tandis que certains autres le faisaient, et leurs réponses lui permirent d’en venir à certaines conclusions : la découverte du sens de la vie peut passer par trois avenues, soit l’accomplissement d’une bonne œuvre/action, la connaissance et l’amour de quelqu’un ou de quelque chose et la capacité à dignement supporter la souffrance. En possédant au moins l’une de ces trois idées, on peut vivre, car elles peuvent offrir une très forte envie de vivre. Celui qui n’a aucun sens à sa vie se condamne donc lui-même à ne plus vivre, d’où l’idée du suicide. Dans le cas des homosexuels, le fait de vivre dans une société qui désapprouve fondamentalement les relations entre gens de même sexe peut grandement abîmer leur quête de sens, puisqu’ils se voient refusés celui qui est d’aimer quelqu’un. Si cela était la seule raison de vivre de tel individu, il voit ainsi son existence perdre tout son intérêt, puis il finira soit par se suicider ou par trouver un autre moyen de vivre, ce qui peut être impossible dans certains cas. S’ils parviennent à la conclusion que la vie est dénuée de but, pourquoi pensez-vous qu’ils voudraient continuer à vivre ?
On porte souvent des jugements envers les homosexuels. On les dénigre, on les juge, on se demande pourquoi diable ils ont choisi cette vie, on leur colle des étiquettes, on les affuble d’une quantité impressionnante de quolibets insultants, etc. Les gens ignorent à quel point être homosexuel peut être un réel fardeau, très lourd à porter pour certains. En conservant une mentalité considérant l’hétérosexualité comme seule sexualité correcte et acceptable, on peut très grandement blesser et rendre la vie de ceux-ci difficile, voire impossible. On leur indique qu’ils sont anormaux et qu’ils sont fous de ne pas aimer l’autre sexe, que ce soit d’une manière polie ou non. Les gens n’ont absolument aucune idée de ce que ça peut faire, être haï par une partie de la population uniquement à cause d’une différence aussi simple. Les gens ne savent pas ce qu’est le « Gay Bashing ». Ils ignorent qu’il s’agit d’attaques physiques et/ou verbales qui ne visent que des gens homosexuels (ou qui sont présumés comme étant homosexuels). Ces gestes sont commis par des gens réellement empoisonnés par une idéologie ultraconservatrice opposée à l’ouverture de l’esprit, qui croient qu’un bon gay est un gay mort, ou au moins dans le coma à l’hôpital. Nous sommes en 2010, les domaines scientifiques et techniques se développent de manière quasi-exponentielle. Nous avons donné le droit de vote aux femmes, nous avons arrêté l’esclavage (bien que certaines compagnies continue d’exploiter des travailleurs sous-payés, ce qui est, à mon avis, comme de l’esclavage), nous avons combattu pour notre liberté à tous. Pourquoi refuser alors de simplement accepter et respecter les homosexuels ? Pourquoi ne pas simplement admettre une autre sexualité que l’hétérosexualité ? Pourquoi refuser fermement (voire violemment) de simplement… Évoluer ?
[1] Daniel Borillo, L’homophobie, PUF, coll. "Que sais-je ?", Paris, 2000, p. 3.