Marseille sous les rafales
Des noms de quartiers chantants (Belle-de-Mai, le Merlan) ; un quotidien magnifié par la série TV Plus belle la vie, une équipe de football reconnue : voilà Marseille côté carte postale. Au quotidien, la cité phocéenne inspire une autre image, faite de magouilles politiques et d’ultra violence.
Sur la dernière décennie, les règlements de comptes y ont fait en moyenne 25 morts par an. Statistiquement, chaque Marseillais a donc une chance toutes les deux semaines de recevoir une balle perdue…
Certains objecteront que le crime organisé a toujours constitué l’une des caractéristiques de la ville. Voire. Car le Milieu du siècle dernier obéissait à des règles : ne tuer qu’en dernière nécessité, « proprement », et uniquement des ennemis irréductibles. En 2012, on défouraille à tout-va, dans la rue, pour des motifs obscurs. Les nouveaux bandits se singularisent par un amateurisme qui les amène, selon leurs propres termes, à « faire du sale ». Et tant pis pour les habitants des quartiers dans lesquels les « tueurs à Kalach’ » décident de frapper…
Le caïd marseillais vit petit, mais voit grand : il se rêve en Scarface, mais se contente de faire régner la terreur dans les halls de sa cité. Même entre collègues de délinquance, la paix reste fragile, donc armée ! Et on discute désormais à l’arme de guerre, grâce aux filières avec les Balkans.
Face à cette violence endémique, les Marseillais ne peuvent pas compter sur les pouvoirs publics : l’impotent Gaudin ne sait que réclamer des subsides supplémentaires à l’Etat, et le futur-ex préfet de police Alain Gardère (1) affirmait encore le 31 août dernier sur RTL que « Marseille est une ville plutôt paisible » !
Le comité interministériel réuni ce 6 septembre sur la question a accouché de propositions alternant le déjà vu et le grotesque : 200 policiers supplémentaires (les mains liées) ; classement en zone de sécurité prioritaire des quartiers nord et sud (ZSP, aussi crédibles que les ZEP ou ZUS) ; scolarisation des enfants dès 2 ans (les grands frères attendront un an de plus pour les éduquer) ; développement prioritaire de l'accueil des étudiants du Maghreb et de l’Afrique (aveu, ils ne viendraient pas que pour étudier). Ainsi que le faisait remarquer dès le 11 septembre l’élu frontiste Stéphane Ravier sur France bleu Provence : « On a oublié le principal : les armes, la drogue et les dealers » !
Paradoxalement, le problème sera peut-être in fine résolu par d’autres caïds, ceux du grand banditisme, hermétiques à l’intégration des membres de gangs de cités. Pour ces derniers, outre des méthodes opposées à celles des « beaux voyous », « le fait d'être d'origine maghrébine est un frein » selon Thierry Colombié (2), spécialiste du sujet. Une façon de reconnaître que la nouvelle délinquance marseillaise est avant tout communautaire, sinon ethnique…
L’auteur de French connection ajoute : « Les ’’barons’’ du grand banditisme (…) sont capables de rétablir l'ordre. (…). Par la violence, en menant leur propre enquête pour retrouver les assassins et les ’’punir ’’ (…). Ils peuvent aussi employer la médiation (…). Ils peuvent enfin agir via le ’’business’’, en cédant un bout de territoire (…) ». En l’absence de volonté politique, telle est la solution qui pourrait un jour se dégager… A moins que les Marseillais n’écoutent l’exhorte de Stéphane Ravier : « Pour nettoyer les cités, il faut d’abord nettoyer les hémicycles ! ».
(1) Récemment démis de ses fonctions, un an à peine après sa nomination.
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