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Mauvaise herbe

Pour certains, la vie s’amorce prématurément et pour d’autres, elle s’éteint prématurément.

Mardi soir dernier, j’étais en colère pour des choses futiles ; une réunion que j’ai trouvée inutile, une attitude d’un automobiliste que j’ai trouvée désagréable, un repas que j’ai trouvé sans saveurs…

Une de mes bonnes amies, qui me connait depuis (presque) le début de la vie m’avait appelée la veille et je devais lui retourner son appel. Et encore, je chialais parce que je ne feelais pas pour parler au téléphone, bon. Mais je l’ai appelé quand même parce que les amitiés sont comme les plantes : il faut les nourrir, les arroser, les entretenir, beau temps, mauvais temps, fatiguée ou pas. (D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il faut se débarrasser des mauvaises herbes. Qui a décidé qu’elles étaient « mauvaises » ? Parce qu’elles arrivent à trouver leur chemin dans des sols arides, entre les plus belles, les plus fortes, les plus solides fleurs ? Pourtant, si elles étaient des êtres humains, elles seraient des perles (ou plutôt, des fleurs) rares. Et si elles étaient des amitiés, elles seraient celles qui durent pour toute la vie, malgré la distance, malgré la colère, malgré les mésententes. Comme l’est l’amie dont je vous parle ; cette amie est une mauvaise herbe. :) )

Et je lui ai parlé des choses qui me faisaient chialer pour rien ; mais des choses qui me font sourire pour rien, aussi (quand même un peu d’équilibre !).

Et après m’avoir patiemment écouté, elle m’a dit qu’elle avait de tristes nouvelles pour moi.

D’abord, cette fille, « tu sais, elle jouait au soccer avec nous, une belle grande mulâtre, cheveux bouclés ? ». Oui. « He bien…elle est décédée il y a quelques temps ». À 24 ans. Et je regardais ses photos sur Facebook, au moment même ou ma mauvaise herbe d’amie m’annonçait la nouvelle. Mais je la voyais, sous mes yeux, souriante, jolie comme tout, étincelante. Des photos de 2009, 2010. Alors qu’elle ne savait peut-être pas encore qu’elle était malade, qu’elle avait le cancer. Et paf ; la vie l’a fauchée. Parce que ce n’est pas la mort, qui nous fauche. La mort nous accueille, une fois que la vie nous a fauchés.

Et puis, ce gars, avec qui j’allais au secondaire. Souriant comme tout, une énergie incroyable, un positivisme comme j’en ai rarement ressenti dans ma vie (parce que le positivisme, on ne le voit pas. On le ressent, c’est tout). Qui est atteint d’un cancer.

Quand on est petit, on croit (et on est convaincu !) que ça n’arrive qu’aux autres ; que tout n’arrive qu’aux autres. Puis, on grandit, on connait plus de monde, on connait de ces « autres ». Et un jour, c’est un de ces « autres » à qui ça arrive, ou à « l’autre » d’un quelqu’un « d’autre ». Et puis ça arrive à nos amis, à notre frère, à notre tante, à notre cousin. À notre mère. À nous. Et on se sent tout petit. Et plus on se sent petit, plus on ressent le besoin d’être fort.

Je ne veux pas vivre comme si c’était le dernier jour ; je veux vivre comme si c’était le premier. Car si c’était le dernier, je le sais, je me connais, je serais nostalgique, j’appréhenderais cet inconnu qui serait devant moi, à me dévisager, en attendant que le dernier instant du dernier jour arrive.

Alors, vivons comme si c’était le premier jour, comme si on n’avait jamais vu une fleur de notre vie, ni un ciel bleu, ni la moindre feuille du moindre arbre. Comme si on n’avait jamais embrassé, jamais touché, jamais senti, jamais goûté.

-Stéphanie Deslauriers


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13 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 4 juillet 2011 11:11

    Bonjour,

    texte émouvant. J’apprécie votre formule : « les amitiés c’est comme les plantes, il faut les arroser, souvent. »

    Mais à l’inverse des plantes, je dirai que c’est peut-être dans le mauvais temps qu’il faut les arroser le plus.

    Bonne journée.


    • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 12:22

      merci pour votre commentaire. Et effectivement, dans les mauvais moments, on doit soigner davantage nos plantes, tout comme nos amitiés. Cependant, nous nous devons de toujours bien les entretenir, même lors des moments agréables, afin de prévenir, peut-être, un moment plus difficile.

      Bonne journée à vous et merci encore pour votre commentaire :)


    • Defrance Defrance 4 juillet 2011 13:33

      Bonjour,

       Et encore, je chialais parce que je ne feelais pas pour parler au téléphone, bon. A part ce mot que je ne comprend pas, votre texte est plein de vérités.
       Et s’est aussi parfois sur la fin du chemin que l’on s’appercoit des oublis ?


      • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 23:43

        ça veut dire que je n’en avais pas envie.

        je suis contente que mon article vous ait rejoint. :)


      • Walid Haïdar 4 juillet 2011 13:50
        Joli contre-point, et comme d’habitude je suppose que la dualité doit être intégrée et assumée, et que l’idéal est donc de vivre comme si c’était à la fois notre premier et notre dernier jour.

        Sur la question « pourquoi les mauvaises herbes » :

        En fait une façon de voir les choses que je trouve élégante, est de considérer le sol comme une structure vivante.

        Cette structure hyper complexe a horreur d’être à nu : elle a besoin des plantes pour maintenir sa bonne santé et sa complexité, son capital organique, chimique et minéral, et demeurer résiliante aux aléas extérieurs (en particulier les pluies torrentielles, mais plus généralement toutes formes d’érosion).

        Le sol, pour être de bonne qualité, doit être recouvert de plantes, d’où l’erreur fondamentale que constituerait le labour, dont la fonction principale est de mettre à nu et de tout défoncer pour neutraliser les mauvaises herbes (mettre à nu et tout défoncer, ça me rappelle une autre forme de domination tiens...).

        Il faudrait passer à une philosophie plus subtile en agriculture, qui consisterait à garder notre sol recouvert de plantes qu’on a soit-même choisi. Pour cela il faut savoir être à l’écoute de son sol, diplomate et aimant, un peu comme il faut l’être avec une femme (ou un homme d’ailleurs), plutôt que de se contenter de la labourer en lui enjoignant de fermer sa gueule.

        Pour plus d’explications. Voir aussi les conférences données en liens externes en bas de page, c’est assez passionnant.

        • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 23:45

          j’aime le parallèle que vous faites avec le sol, la fertilité de la terre, son besoin viscéral d’être recouvert de diverses verdures et plantes. Le sol a autant besoin de cette vie végétale que nous, êtres humains, de relations, d’amour.


        • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 23:44

          j’apprécie votre mot de bienvenue :)


        • avshareli avshareli 4 juillet 2011 19:27

          « Et paf ; la vie l’a fauchée. Parce que ce n’est pas la mort, qui nous fauche. La mort nous accueille, une fois que la vie nous a fauchés. »

          C’est très joliment dit.

          • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 23:46

            et j’accueille avec les bras grands ouverts votre joli commentaire. :)


          • herbe herbe 4 juillet 2011 22:29

            Vous comprendrez aisément que j’ai beaucoup aimé votre article smiley
            Bien cordialement


            • Ensemble Maintenant Ensemble Maintenant 4 juillet 2011 23:47

              hahaha ! merci, jolie herbe :)


            • Perverseau 5 juillet 2011 09:31

              Émouvant et ne soyez pas triste ...

              Chaque être vivant est une concentration d’énergie. Sa mort conduit à la dissolution de cette concentration et à la libération de l’énergie qui retourne à l’espace inerte ou nourrit d’autre vie. La mort de cette personne à certainement trouvé refuge dans la vie un autre être, qui sait, aujourd’hui peut être elle est un papillon ...

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