Miley Cyrus, ou l’Amérique du buzz
Comment faire parler de soi chez l'Oncle Sam et ses sbires en ce début de XXIème siècle ? L'ancienne protégée de la prude maison de production Disney ne fait pas dans la nouveauté.
Vais-je tomber dans la facilité réactionnaire face à la performance quelque peu provocante offerte par l’ex-égérie de Mickey Mouse ? Faire comme les autres, dénoncer une Amérique en apparence hyper-sexualisée via le featuring improbable entre celle qui fut Hannah Montana et le machistador Robin Thicke ? Il faut dire que nos deux trublions offrent du grain à moudre à tous les anti-occident que comporte ce monde, surtout une fois mis en parallèle avec l’actualité internationale en pleine ébullition depuis une semaine.
Miley Cyrus est en passe de devenir une star du prono et de rejoindre les Paris Hilton et autres Kim Kardashian au panthéon de celles qui réussissent en montrant leurs fesses, mais elle est aussi à la différence des deux autres une chanteuse avec un certain talent ainsi qu’une idole des petites têtes blondes à travers l’occident tout entier. Mélangez le tout et vous obtenez le scandale que nous avons aujourd’hui, un buzz monumental qui permet à tout le monde de se pendre pour un parent de la "petite Miley qui se perd". Des arguments divers et variés se retrouvent souvent en surfant un peu, de l’accusation faite envers Disney aux discours dénonçant une Amérique décadente en passant par les rares soutiens de la belle, tenants les plus excessifs de la libération sexuelle.
Evidemment, c’est un schmilblick assez vain que de poster son commentaire paternaliste sur une vidéo youtube de la star, il servira au mieux aux dirigeants marketing du buzz à constater que leur coup est réussi. Arrêtons la naïveté, Hannah Montana n’est pas devenue folle du jour au lendemain, tout est calculé dans cette histoire, jusqu’au nombre de touches-pipi qu’il fallait faire au chanteur de Blurred Lines en trois minutes top chrono devant des millions de télespectateurs. Chercher un public adulte n’est pas une chose aisée lorsque l’on vient du monde des princesses irréprochables de Disney, la tactique à adopter saute aux yeux : choquer l’Amérique -chose très aisée au vu de l’utilisation abusive de l’expression- en se sexualisant comme ça sans prévenir, s’excuser puis ne plus faire parler de soi pendant un an en préparant un album correct plus mature. Souvenez vous du cas Britney Spears.
La folie voyeuriste s’était auparavant déchainée contre d’autres et le cas Miley Cyrus est loin d’être nouveau, les paparazzi lui tournaient déjà autour l’an dernier. Le buzz est simplement parvenu à son paroxysme avec la dernière prestation de la chanteuse.
Nous parlons d’un phénomène connu aux Etats-Unis depuis les années 2000 et qui va en s’amplifiant grâce à l’exportation du procédé à l’Europe. Il y avait déjà Lady Diana qui était un cas particulier de la famille Royale en Angleterre, mais plus récemment en France, Loana a fait les choux gras de la presse poubelle avec ses déboires. Surtout, de nombreux petits ont poussé grâce à la télé-réalité et à la pratique constante du buzz. Mickaël Vendetta, Nabilla, le défunt François-Xavier… Il est un fait, c’est qu’avec l’essor des nouvelles technologies de communications, vous pouvez être le type le plus lambda du monde et devenir momentanément célèbre, voire même une icône à l’instar du chantre de la "bogossitude". Ce type de célébrité limitée dans le temps n’est pas toute nouvelle, mais accéder à la notoriété sans produire quoi que ce soit d’intéressant est un phénomène tout récent. Et il vient des Etats-Unis, Paris Hilton fut un déclencheur de cette vague.
Faire l’actualité en filmant sa relation sexuelle est une chose donnée à n’importe qui. Mais ce qu’il faut ensuite, c’est continuer à intéresser le monde en choquant de façon anodine. Être saoul, conduire trop vite ou faire un footing torse nu en plein Paris est devenu un moyen de vivre pour certains… Cela oblige du même coup les vraies stars, celles qui ont une activité artistique, à partager l’affiche avec ces lamentables inconnus. Mais elles ont aussi perçu la puissance du buzz, Lady Gaga en robe de viande et les déhanchés improbables de Miley Cyrus ne sont que les conséquences directes de la partie de jambes en l’air de l’héritière Hilton.
Pourtant, tout n’a pas toujours été fait de cette façon de l’autre côté de l’Atlantique, intemporellement consumériste. Il y eut l’époque clef allant de 1940 à 2000 et une apogée artistique au moment de l’hyperpuissance des années 90. Il fut un temps où l’objectif de l’occident et des USA était d’être le meilleur dans tout les domaines, de concilier la qualité et la quantité. Souvenez vous des chefs d’oeuvres Hollywoodiens rois des box-office comme "Le Parrain", "Casablanca", "Apocalypse Now" ou encore de l’ensemble de la filmographie de Kubrick ; de la première apogée Disney qui a porté "Dumbo", "Bambi" ou "Cendrillon" sur les écrans. Dans le même temps se produisaient les musicos anglo-saxons, rivalisant d’originalité et de qualité, des Stones à Simon & Garfunkel en passant par Pink Floyd… Le tournant musical se fera dans les années 80 lorsque Madonna, américaine typique, sexualisera le concept et l’ouvrira à la consommation pure. Ce fut aussi l’époque du film anti-communiste brut, Stallone déglinguait les Viets et les Russes à plein-temps et, bien qu’avec du recul il soit logique de trouver ces oeuvres complètement idiotes sur le fond, il y avait quand même un contexte derrière tout ça, quelque chose qui permettait à l’occidental nerveux de s’identifier au film et d’aller à son tour défendre quelque chose auquel il croyait sûrement avec sincerité.
L’URSS s’est disloquée en 1991 et a laissé place à ce qui restera comme une époque phare de l’industrie artistique américaine. Nirvana est le groupe "in" de la période face à l’armée musicale anglaise et les chefs d’oeuvres cinématographiques se multiplient. Hollywood nous envoie Forrest Gump, Oskar Schindler, le soldat Ryan ou encore un vieux Michael Corleone faire une grande rétrospective de l’Amérique en guerre perpétuelle qui a finalement obtenu la victoire face à tous ses opposants… Dans le même temps, Disney éblouit le monde avec son Roi Lion ou sa Pocahontas qui glissent subtilement des références au triomphe de la pensée américaine. Une mégalomanie artistique qui a fait rejoindre les moyens esthétiques et la qualité artistique des oeuvres.
C’est pour cela que la brusque coupure des années 2000, assise sur la technique du buzz médiatique permise par internet, semble choquante pour beaucoup. Les Etats-Unis sont passés brusquement d’un extrême à l’autre lors du 11 septembre. Vous pourrez effectuer la relation entre l’évolution artistique passant de l’intemporalité au consommable et l’évolution de la guerre pour les valeurs libérales qui s’est muée en mini-guerres sporadiques contre le terrorisme pour rappeller à ceux qui l’oublieraient que la Maison Blanche est le gendarme du monde.
Nous ne parlons plus aujourd’hui que de licences dans l’audio-visuel, qui plus est sans transmission de valeurs. Quel est l’objectif de réalisations telles que Fast & Furious, Transformers, Call of Duty, Battlefield ou Saw ? D’artistes continuellement actifs comme Rihanna, Miley Cyrus, Will.I.Am ou Kanye West ? Nous rappeller qu’ils sont là. Il s’agit de faire de la quantité sur des bases scientifiques, des graphiques insipides qui permettent d’élaborer la formule universelle du produit qui plaira quoiqu’il arrive. La moyennisation de la société basée sur un consumérisme rythmé par la publicité qui est en marche depuis la guerre froide atteint un paroxysme avec le lissage complet des productions et la disparition d’une opposition sérieuse à ce système. Que ce soient l’enchainement d’accords classiques sur un instrument ou l’intensité des explosions dans un film, tout est calculé sur la même base marketing. Ce procédé permet tout simplement d’inonder le marché de façon à ce que l’on ne puisse pas oublier que les américains sont là. En y ajoutant les moyens de promotion à disposition, cela permet de faire en sorte que les ouailles aillent toujours voir du côté des mêmes licences et au passage de ramasser beaucoup d’argent.
Il n’y a pas de message dans tout ce charabia fait de grosses voitures ou de bonnets généreux, mais une volonté de donner au grand public ce qu’il a envie de voir. Ce qu’il veut, ce sont des choses qui vont lui permettre de visionner ses pulsions toutes matérielles. Des hommes riches et musclés à qui il aimerait ressembler et des filles jolies et soumises qu’il aimerait avoir à ses côtés. Avec la disparition du conflit intellectuel caractéristique du monde du XXème siècle, le XXIème s’est dirigé vers la course à la possession qui est devenue le seul soucis de nombreux individus. C’est pour cela que le monde unipolaire est dangereux.
Quelle va être désormais l’évolution artistique occidentale ? Bien malin celui qui peut nous le dire. Mais l’affaire Miley Cyrus qui fait parler énormément de monde, moi compris, nous révèle que la stratégie du choc contrôlé appliquée à l’audiovisuel a encore de beaux jours devant elle. S’afficher ponctuellement sur ce qui intéresse le monde, et donc surtout miser sur l’attitude sexuelle, voici le nouveau tenant de la notoriété. Offrir ce que veulent voir les gens, ainsi ont procédé Robin Thicke et son clip non-censuré, Lady Gaga et ses postures suggestives, Snoop Dogg et son harem habituel. Une méthode appliquée si continuellement qu’elle en est devenue banale et gagne régulièrement du terrain sur la scène médiatique face à l'expression intelectuelle. Et ce dans tous les pays, les rappeurs français sont en train de s'enfoncer dans la brèche. Signes d’une poltique absolue de l’offre ou de la demande ? Sûrement des deux vu le succès…
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