Miss France, entre aliénation et diversité
Les concours de beauté féminine sont des séquelles machistes que nos sociétés devraient abandonner. Mais le cas des Miss France a au moins un côté positif.
Aliénation
Les concours de « Miss » sont des concours de beauté qui ont vu le jour un peu partout dans le monde au cours du XXe siècle. Ils peuvent être organisés à l’échelon d’un village comme à l’échelon de la planète. Le concours des Miss France a pour sa part vu le jour en 1920.
Le fait que les concours de « Mister » restent anecdotiques a une signification anthropologique évidente : la femme, en particulier jeune et célibataire, doit être jugée sur sa beauté, l’homme quant à lui étant censé avoir d’autres atouts.
Que l’attrait physique des femmes représente pour les hommes un critère majeur, c’est à l’évidence une donnée biologiquement enracinée (l’inverse est vrai, bien entendu).
Mais ces concours de beauté sont un exemple typique de détournement d’une donnée naturelle vers une forme d’aliénation féminine particulièrement oppressante. Curieusement, on entend assez peu les féministes s’exprimer sur le sujet en France. Peut-être simplement parce qu’il est difficile de s’attaquer à une « coutume » aussi populaire.
Diversité
Ceci dit, s’il reste fondamentalement aliénant, le concours des Miss France a au moins une qualité, c’est qu’il met souvent en avant des femmes des DOM-TOM et des femmes métissées. Il tente ainsi de contribuer à l’acceptation de la « biodiversité » humaine dans notre société française, ce qui malheureusement n’est pas encore un acquis.
Ainsi, pour les 20 dernières années :
1993 : Véronique de la Cruz, guadeloupéenne.
1999 : Mareva Galanter, tahitienne métisse de mère polynésienne.
2000 : Sonia Rolland, métisse de mère rwandaise.
2003 : Corinne Coman, guadeloupéenne.
2005 : Cindy Fabre, métisse de mère guadeloupéenne.
2008 : Valérie Bègue, réunionnaise.
2009 : Chloé Mortaud, métisse de mère afro-américaine.
Et donc 2014 : Flora Coquerel, métisse franco-béninoise.
Sans compter les « dauphines », qui comptent très souvent des jeunes femmes issues des DOM-TOM.
Les modalités d’élection des Miss reflètent-elles vraiment le goût des Français, sont-elles vraiment transparentes ? Je n’en sais rien, et pour tout dire je m’en tamponne royalement le coquillard.
Notons que Geneviève de Fontenay, l’ex grande prêtresse atypique de la Société Miss France (jusqu’à la rupture de 2010), ne faisait pas mystère de son souci de promouvoir la diversité des origines.
L’élection de Flora Coquerel est-elle, comme on peut le lire, une réponse du berger à la bergère, dans le sillage du débarquement d’Alain Delon de son titre de « président d'honneur à vie » du Comité Miss France en octobre dernier, suite à son soutien affiché au Front National ?
En tout cas, ce président d’honneur était bien mal choisi (ou au contraire trop bien choisi), lui qui déclarait en juillet dernier que « de plus en plus de femmes sont devenues des hommes », et martelait « c'est l'armée qui a fait de moi un homme » (ce qui explique bien des choses...)
Les superstars françaises ne vieillissent pas toujours bien. On rappellera les cinq condamnations en onze ans de Brigitte Bardot pour incitation à la haine raciale, et le peu de considération pour les Françaises d’origine antillaise qu’elle étalait dans Un cri dans le silence (2003), ainsi que son opinion générale sur le métissage.
Alain Delon comme Brigitte Bardot affichent par ailleurs des préoccupations pour le sort des animaux, positions en elles-mêmes particulièrement bienvenues, mais on ne peut qu’être consterné par ces discordances qui apportent de l’eau au moulin des contempteurs des animaux.
Des commentaires sur la mélanodermie de Flora Coquerel sont relevés sur Twitter, sur Facebook, ou sur quelques sites de la droite identitaire bas-de-plafond qui ne valent pas la peine d'être cités.
En conclusion, l'élection de Miss France 2014 peut laisser partagé.
Sur le fond, ce type de concours de beauté n'est en réalité qu'un avatar moderne de la domination patriarcale.
De l'autre, il s'efforce en France de contribuer à l'acceptation de la diversité des morphotypes.
Bref, je suis pour l'abolition des concours de « Miss », mais je verrais bien une Marianne à l'effigie de Flora Coquerel !
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