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Moi et Vincent Lambert

Si comme vous je n'ai rien d'un « état pauci-relationnel dégradé » (état végétatif sans espoir d'amélioration), je suis directement concerné par la décision du Conseil d’État. Cette décision, connue mardi 24 juin dernier fait écho aux réponses inadéquates de la justice et aux commentaires ambiguës des leaders d'opinion dans le contexte du procès "Bonnemaison". Si le jury de la Cour d'Assise, tout comme le Conseil d’État ré-affirment la valeur de la parole de l'individu, même à travers un tiers, et acquittent un professionnel qui agit en son « Ame et conscience », il reste néanmoins clair que les lois actuelles devraient être l'objet d'examen nouveaux et adaptés, tant sur leur formulation que leur approche de la fin de vie.

La décision du Président de la République de confier l'évolution des législations sur la "fin de vie" à Jean Léonetti et Alain Claye est soit une poursuite d'une loi perçue par beaucoup comme une "impasse", soit une stratégie politique pour s'appuyer sur l'énoncé d'Alain Claye « Dans la loi Leonetti, il reste beaucoup d’ambiguïté. Lorsque cette loi est appliquée, elle donne des décisions de justice contradictoires… Il ne faut pas déchirer la société sur ce sujet mais il faut l’aborder ensemble. Ce n’est pas une énième loi pour protéger les médecins, c’est sortir parfois de l’ambiguïté et pouvoir répondre à une attente ».

AAVIVRE sa fin de vie se refuse de juger à priori comme l'a fait l'ADMD, mais tout comme Alain Claye nous proposons une réconciliation sociale tout demandant de réfléchir autrement à l'approche d'une législation de fin de vie et en refusant de rester dans les problématiques toujours actuelles.

 

La question rémanente

Le Conseil d’État annule le jugement du 16 janvier 2014 du Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne et ainsi déboute les parents qui l'ont saisi, valide la procédure de fin de vie suivie par le Dr Kariger et s'appuie sur l'interprétation par Jean Léonetti de la loi Léonetti 2005. La décision valide l'argumentation de l'épouse et plus particulièrement de François Lambert son neveu.

 : Vincent Lambert n'aurait pas voulu la poursuite d'une vie qui n'a plus de sens ni d'espoirs pour lui.

La problématique est que, sans définition adaptée et approfondie des droits des usagers du système de santé, du réel rôle du médecin dans la décision qui relève de l'expertise seulement, on ne peut que douter, s'interroger sur « qui décide ? », « quel est le bon protocole médical ? » et donc on pourrait selon ses motivations saisir tout le système judiciaire pour chaque cas.

La fin de vie est toujours unique, il faut éviter qu'elle soit systématiquement un combat judiciaire. Prochaine étape judiciaire l'Europe !

Cette décision du Conseil d’État réitère que c'est la parole de la personne concernée qui prime et que le médecin saisi peut prendre une décision médicale. Décision de fin de vie hypocrite s'il y en a, car arrêter l'alimentation (LAT), décision qui va entrainer la mort, dans ses modalités d'application, ne peut parfois être considérée ni digne pour la personne concernée, ni pour le professionnel de la médecine et les soignants qui l'exécute. Il faut encadrer et protéger le professionnel qui agit avec compassion en administrant une sédation terminale rapide, ce qui a été reproché au Docteur Bonnemaison, relaxé de ce chef, comme les jurés l'ont décidé.

 

Ne pas déchirer la société sur ce sujet

Tant que les principes fondamentaux ne seront pas clairement énoncés, que les diverses lois sur la fin de vie ne seront pas remaniées dans des lois dont on souhaiterait qu'elles soient faciles à comprendre pour tous, donc à mettre en œuvre, chacun avec sa bonne volonté, ses meilleures intentions, vous et moi serons déchirés et en opposition alors que nous tentons de bonne foi de défendre nos proches ou nous même dans des situations souvent problématiques de fin de vie.

Il faut être clair et précis sur le fond : quels sont les droits des usagers du système de santé qui se considèrent en fin de vie ? Quels sont les procédures à suivre pour garantir que la décision médicale concernant un « acte irréversible » de soins est justifiée ?

Pour qu'un acte irréversible soit possible, il faut que la personne concernée en connaisse les risques et les accepte, que la décision soit confirmée par l'avis majoritaire de trois professionnels indépendants, que l'acte soit susceptible d'un contrôle, voir d'une condamnation s'il n'est pas réalisé dans le contexte prescrit, et qu'il protège le professionnel qui le pratique car la médecine n'est pas et ne sera jamais une science sans risques.

Un individu vit en société, il a potentiellement une famille, des proches qui sont directement affectés par la décision de fin de vie. Si l'on se doit au titre de l'Etat se soucier de l'impact d'une décision de fin de vie, doit-on pour autant donner à ces derniers une place effective sur le droit de décision ? Toutes les déclarations, écrits et textes tendent à dire NON car l'autonomie d'un être humain à décider pour lui-même est inscrit dans les « droits de l'homme » et la laïcité.

 

Réconcilier c'est défendre le droit de chacun

Nous devons conjuguer : ma fin de vie m'appartient, ta fin de vie t'appartient, notre fin de vie nous appartient … car chaque individu est unique, chaque confrontation à la fin de vie est unique, chaque assistance à la fin de vie est unique.

Il y a ceux qui souhaitent vivre tant qu'ils sont capables de vivre sur le plan biologique, ils considèrent qu'il n'y a jamais d'acharnement thérapeutique car la vie pour eux prime sur tout. Pourquoi ne pas leur donner ce droit ? Il faut se rendre compte que dans l'état de la science actuelle nous pouvons faire « vivre » et évoluer un individu, quel que soit son état en maintien physique médicalisé à outrance éternellement … alors quelles sont les limites à fixer ? Les priorités sociales et politiques ?

La cryogénie est dans ses prémisses et vu les progrès de la science on peut espérer faire « revivre » des dinosaures à partir de cellules congelées dans les arctiques. Alors pourquoi refuser la cryogénie et sa gestion médicalisée comme moyen de se « maintenir en vie » ?

Il y a ceux qui comme moi, tentent de vivre pleinement chaque jour et acceptent qu'un jour cette vie n'aura plus de sens. Soit du à la vieillesse au-delà d'un certain point, soit du à une maladie, soit du à un accident de la vie … alors je souhaite pouvoir décider du jour du départ. Etre serein que j'aurai de l'aide médicale pour ce faire afin de pouvoir vivre jusqu'au dernier jour possible sans avoir à anticiper ma mort dans la crainte de n'être plus capable d'en finir par moi même si telle est ma décision à ce moment là.

Ces exemples, et il y en a bien plus, montrent qu'il faut à la fois défendre les droits de la personne en contexte médical, mais aussi que la société établisse des limites ou devrais-je dire des priorités.

 

Message pour François Hollande et Manuel Valls

Vous exprimez la volonté de réconcilier la société sur le débat de fin de vie, voter une législation qui permette à chacun de vivre paisiblement cette dernière étape de vie et trouver le juste équilibre entre la protection de la vie et l'acte de sédation terminale demandé ou requis pour les soins de fin de vie.

AAVIVRE … sa fin de vie par ses adhérents vous incitent à faire réfléchir encore vos deux mandataires, Jean Léonetti et Alain Clayes pour qu'ils ne se limitent pas à la précédente loi Léonetti qui par sa construction même est à réexaminer plus avant. Acceptons qu'elle a fait progresser le débat mais prenons du recul car il reste plus à envisager bien qu'il soit grand temps d'agir. Il faut une loi qui n'entre pas dans « l'espace de confiance » entre le soignant et le soigné car chaque cas est UNIQUE. Ce n'est donc pas une loi sur "l'Euthanasie" à réclamer sommairement, mais une loi qui confère des droits à l'usager du système de santé en lui attribuant à lui seul (sa Personne de Confiance ou autre si besoin) le droit de demander et de décider pour sa vie et une loi qui protège le praticien dans le cadre clairement définit d'un acte médical irréversible.

Une personne « en fin de vie » reste une personne à part entière qu'il faut respecter, écouter et accompagner sans préjuger de sa capacité à décider pour elle-même, soit en personne ou via son porte parole désigné, qui doit avoir les mêmes droits et pouvoirs de décision si la personne ne peut pleinement s'exprimer.

Faites que demain, si je deviens un Vincent Lambert je n'ai pas ce "cirque juridique" à subir avec les séquelles financières et morales sur mes proches. J'ai donné la mort, le jour qu'il l'a décidé, à mon père atteint d'un cancer terminal ; je ne souhaite pas que mon fils ou ma fille aient à faire ce geste, dans la clandestinité avec la peur au ventre comme moi, à mon égard.


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4 réactions à cet article    


  • caillou40 caillou40 18 août 2014 11:00

    La question de « SA MORT » ne devrait pas se poser...puis que celle de « SA NAISSANCE » ne se pose pas.. ?
    Mais il y a des politichiens mafieux qui emmerdent l’humanité depuis trop longtemps...Je suis pour les euthanasier rapidement.. !


    • Furax Furax 18 août 2014 11:10


      @auteur

      Quelques éléments de réflexion :

      Les pionniers en ce domaine furent le professeur Schwarzenberg et Pierre Viansson Ponté qui écrivirent ensemble « Changer le mort », ode à l’euthanasie, dans les années 70.
      Viansson Ponté « patron » du « Monde », peu après la sortie du livre, fut atteint d’un cancer. Il courut de guérisseur en marabout jusqu’au bout et ne demanda l’euthanasie en aucun cas. Pas plus que Léon Swarzenberg qui mourut de la même maladie en 2003 en trouvant le réconfort dans le judaïsme de son enfance !

      Le professeur Axel Kahn a été récemment l’invité d’une émission grand public (« la parenthèse inattendue »). Il y racontait sa carrière de médecin, ses débuts comme urgentiste à Paris. Et à quel point il avait été marqué par un patient qu’on lui avait amené dans le coma. Suicide, prise massive de médicaments.
      A un moment, le patient reprend conscience et s’agrippe à lui :
      -Vous êtes médecin, sauvez moi, je ne veux plus mourir !
      Malgré les soins (quatre heures !), il décède.
      Et le docteur Kahn fait part de ses sentiments :
      « A quel moment était-il lucide, un prenant les médicaments ou en appelant au secours ? Ce cas est loin d’être isolé. Et ça me fait voir avec beaucoup de méfiance mes déclarations d’intention des bien-portants »
      La loi Léonetti contient tout ce que l’on peut exiger. Il faut l’appliquer. Les cas qui n’entrent pas dans le contexte de cette loi sont rares , très complexes et ne peuvent en aucun cas être résolus par une loi.

      La situation en Belgique :
      https://www.youtube.com/watch?v=jN3...
      en particulier à 18’35 » sur la difficulté de dénoncer les dérives
      à 20’10« plus d’une personne sur deux est tuée sans avoir donné son consentement
       
      En Hollande :
       »S’exiler pour survivre
      Il existe enfin un dernier point extrêmement inquiétant qui était jusqu’ici parfaitement méconnu. On l’a dit, la loi semble être l’aboutissement d’une réflexion consensuelle de la société hollandaise dans son ensemble. Pourtant, ce consensus paraît s’effriter plus qu’on ne le pense. L’Ordre des médecins allemands fait état de l’installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne, notamment dans le Land frontalier de Rhénanie du Nord-Westphalie. D’après la mission parlementaire française qui rapporte cette information de taille, s’y sont ouverts des établissements pour personnes âgées accueillant des Néerlandais. C’est le cas notamment à Bocholt. Ces personnes craignent en effet que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N’ayant plus totalement confiance dans les praticiens hollandais, soit elles s’adressent à des médecins allemands, soit elles s’installent en Allemagne. De telles réactions dont la presse allemande s’est fait l’écho démontrent que les pratiques médicales hollandaises sont mal vécues par une partie de la population [5] ."
      Dans :
      http://www.libertepolitique.com/Act....
      Et, si ça ne te suffit pas ceci :

      En Belgique, le sujet de l’euthanasie n’en finit décidément pas de faire scandale. Après les remous qui ont concerné la question de l’euthanasie des mineurs, voici maintenant un sujet encore nettement plus chaud et qui concerne rien de moins que « l’euthanasie non demandée ».

      dans :

      http://www.initiativecitoyenne.be/a...

      Sans compter que la Ministre Lituanienne de la santé déchire un coin du voile : autoriser, l’euthanasie pour ceux qui ne peuvent payer les soins palliatifs.

      Vous avez aidé votre père à mourir, vous vous êtes comporté en homme. Cela ne peut être le « travail » d’un autre (voir l’état dépressif des infirmières belges pratiquent l’euthanasie dans la vidéo sur Youtube).

      Avec tout mon respect.


      • foufouille foufouille 18 août 2014 11:28

        « je ne souhaite pas que mon fils ou ma fille aient à faire ce geste, dans la clandestinité avec la peur au ventre comme moi, à mon égard. »

        faut assumé


        • Furax Furax 18 août 2014 14:38

          La loi Léonetti a été votée à l’unanimité( rarissime en France !). Que la pouvoir actuel fasse aussi bien !

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