Morale, sanction céleste, Diderot
Le 29 mars, je publiais ici une réflexion sur la nature de la morale. Voici de quoi la compléter. Merci Diderot.
Me basant sur les écrits de Kant et d’autres, j’insistais sur la nature irréductible des principes de la morale, sur l’autonomie de la réflexion morale. La pensée humaine est capable de découvrir ce qui est bien et ce qui est mal grâce à un usage judicieux de la rationalité ; cela donne : conforme-toi à des maximes morales dont tu peux souhaiter qu’elles servent à toute autre personne, notamment dans son attitude à ton égard. Une autre source de morale que celle-ci (que j’ai appelée la « morale fondamentale »), par exemple la religion, ne peut être pertinente que dans la mesure où elle concorde avec l’impératif catégorique que Kant a mis en lumière.
Plus de deux siècles se sont écoulés depuis Kant, mais un voile d’obscurité recouvre encore la question morale. La morale fondamentale » reste un concept peu compris du grand public, même si la plupart d’entre nous sentent intuitivement que c’est en se comportant ainsi que nous agissons bien. Lorsque nous trébuchons, c’est moins par aveuglement que par la difficulté de se conformer à un principe exigeant. Toutefois l’ignorance de ce principe peut avoir des conséquences néfastes, contraires à la morale. Car sous le prétexte de morale, nous pourrions vouloir imposer des contraintes à nos congénères, qui ne sont pas confortées par le principe kantien. Nous confondrions nos lubies et nos phobies avec la morale. Pour les départager, nous disposons pourtant d’un critère objectif qui nous a été donné par Kant : l’autre doit toujours être traité en sujet, jamais en objet.
« Entretien d’un philosophe avec la maréchale de *** » est un court texte écrit par le philosophe des lumières Denis Diderot, relatant une conversation qu’il eut avec une aristocrate dévote (« la maréchale ») en 1771. Pour éviter le risque d’être torturé et exécuté pour impiété, Diderot publia le dialogue en 1777 dans un recueil posthume de texte de l’auteur italien Crudeli, lui-même exécuté par l’inquisition trente ans auparavant. L’identité de l’auteur véritable, Diderot, ne fut révélée qu’en 1796.
J’insère un lien vers une version en ligne du texte de Diderot. Quelle est la relation avec ma dissertation sur la morale ? Comme le lecteur s’en apercevra, la discussion entre Diderot et la dévote démarre avec l’incompréhension de cette dernière que Diderot, incroyant, puisse être sujet au souci moral. C’est un bel exemple d’ignorance de la nature de la morale ; à ce titre, il illustre bien mon article.
Extraits pour illustrer :
LA MARÉCHALE. - C'est qu'il me semble que si je n'avais rien à espérer ni à craindre quand je n'y serais plus, il y a bien des petites douceurs dont je ne me priverais pas, à présent que j'y suis. J'avoue que je prête à Dieu à la petite semaine.
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LA MARÉCHALE. - Quel motif peut avoir un incrédule d'être bon, s'il n'est pas fou ? Je voudrais bien le savoir.
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