Ne dites pas dénatalité !
Vendredi 25 novembre, en zappant de France 5 à France 3, il était intéressant d’apprécier le potentiel de désinformation ou d’omerta. Un « C dans l’air » intitulé « huit milliards dans vingt ans » réunissait les sempiternels experts thuriféraires et suppôts du système qui possèdent l’art et la manière d’alerter suffisamment pour susciter l’audit tout en rassurant dans l’irrationnel pour permettre aux annonceurs d’adhérer et aux spectateurs de ne pas se flinguer. Les exégètes de services, tous superbement bien placés dans de respectables institutions, et donc reconnaissants, traitaient comme à l’accoutumée d’une démographie strictement socio-économique, quasiment hors-sol comme les pétro-tomates des hypermarchés, population mutante sans grand lien avec le Vivant puisque la planète est mourante. Une planète qui n’appartient qu’à un humain nombril du monde, une planète monospécifique, habitée en exclusivité par Homo sapiens demens. La notion de finitude d’un monde pourtant « fabriqué » une fois pour toutes et on ne sait pour quelle charge humaine (l’homme était initialement une espèce rare…) volait du même coup en éclats et les ressources étaient soudainement et systématiquement proclamées renouvelables, ou remplaçables. Peu après et sur France 3, on nous proposait une heure d’aventures néocoloniales malgaches dans « Faut pas rêver » et alors, pas de chance, on nous disait que Madagascar était déboisé à 95 %, que l’île était trop exploitée et trop peuplée. Au diable les lémuriens estimeront les démographes mystificateurs, et remplaçons la perte des terres fertiles, désormais victimes d’érosion, par une ressource renouvelable et plus minière encore, et qui pourrait être le diamant ou autres pierres précieuses. Précieuses pour qui ? Pour ceux d’une autre civilisation, occidentale et excellemment alphabétisée, où la maman est plus obèse que sa mère mais encore moins que son enfant, une civilisation dont « la seule et nouvelle ressource » est la consommation, peuple dernier dont les chômeurs engendrent leurs ultimes progénitures parce qu’ils craignent que survivre sera demain un luxe. Pour eux aussi, mais pour d’autres raisons.
Point commun de ces deux émissions : le mot « dénatalité » ne devait pas être prononcé. Surtout pas ! Promis, juré, craché !
« Essayez de persuader les gens de s’abstenir de procréer au nom de la moralité – grands dieux ! Quel tollé ! » Léon Tolstoï

Dans la déclaration des Droits de l’Homme, il n’y a rien sur l'homme quantitatif
Il n’y a qu’une raison légitime de ne pas avoir d’enfant, c’est de ne pas surpeupler davantage la seule planète dont nous disposions. Si on aime les enfants, il ne faut pas en faire.
On parle beaucoup d’une inéluctable faillite de l’humanité par l’effondrement des écosystèmes bien avant la fin de ce millénaire, et des pires difficultés planétaires par un déclin des ressources naturelles avant la fin de ce siècle. L’espèce humaine va devoir affronter d’insurmontables obstacles résultant de l’évidente inéquation entre la surpopulation et l’environnement. Même si le taux mondial de fécondité tendait à se stabiliser, notre conduite constante et irrépressible du gâchis et de l’appropriation forcenée, véritable addiction à la mauvaise gouvernance écologique, a déjà induit une dégradation précipitée du capital vital. C’est ainsi que notre futur se voit irrémédiablement hypothéqué à court terme, les ressources seront insuffisantes d’ici quelques décennies. La multitude de réfugiés de l’environnement qui frappent déjà à la porte des nations privilégiées est significative des milliards d’affamés et d’assoiffés de demain. Nous n’avons donc qu’un ennemi : notre prolificité. Doublé d’une tare : une redoutable iniquité au nom d’un irrespect psychanalytique et congénital.
De l’atome au génie génétique, voici plus d’un siècle qu’une partie de l’humanité joue à la roulette russe en usant aveuglement d’un progrès très contestable. Mais pour l’instant, si l’on veut bien être impartial dans le tri des horreurs héritées de nos audaces, nos principaux problèmes ne sont finalement ni les affres d’Hiroshima, de Tchernobyl ou de Fukushima, ni les résidus chimiques et médicamenteux présents dans nos aliments, mais bel et bien les excès de la surpopulation. Même pour les plus altruistes d’entre-nous, aptes à aimer le genre humain autant qu’ils s’aiment eux-mêmes, il est grand temps de quitter nos œillères anthropocentristes.
Qui vivra ne verra pas, parce que nos vies sont – bien heureusement – trop courtes. D’où notre repli sur l’après-moi-le-déluge. Mais qui se reproduira verra. Tel l’insecte à métamorphose qui finalement ne meurt jamais, tel le papillon qui se pérennise dans son cycle d’œuf en larve, de chenille en nymphe, puis en nouvel imago, en nouveau papillon, l’âme de nos descendants pourrait être la même que celle de leurs aïeux. Ainsi, ce serait nous dans un ou deux siècles, nous qui ririons bien en riant les derniers… ! Ah, cette fois ça nous fait peur, ça nous fait réfléchir, et sauve qui peut la Terre si c’est nous qui risquons de connaître les affres de la vie invivable que nous concoctons pour demain ! Les lâches que nous sommes ! Nous brûlons tout parce nous ne nous sentons pas concernés et avons la stupidité de croire que le seul legs dû à nos enfant est le magot de pognon, joint à une très discutable éducation.
L’autre jour, dans un supermarché, un vieil homme bougon invectivait une jeune femme effrayée par ses propos : « Vous n’avez pas honte, Madame ? Avec des gens comme vous, nous serions déjà 25 milliards sur cette pauvre Terre ! ». Elle poussait un cadi chargé de victuailles, elle tirait un landau dans lequel braillaient des jumeaux, un garçonnet de 3 ou 4 ans s’accrochait à ses jupes et… elle était enceinte. Pendant ce temps, le géniteur devait être occupé à charmer une collègue de travail, prochaine victime de sa testostérone.
Les partants pour la procréation ne pensent que rarement au-delà de l’enfant auquel ils vont donner le jour. Le stade de l’enfance, au charmant balbutiement pour les uns et insupportables criaillements pour les autres, bloque toute la psychologie parentale. En se perpétuant, maman et papa ne vont pas ensemencer qu’un enfant, ils vont surtout créer un nouvel Être humain. Pire que l'impact des couches-culottes sur l'environnement sera celui d’une vie dédiée à la consommation. Le problème n'est donc pas tant d'avoir des enfants que d'avoir subséquemment des adultes !
Certaines vérités ne dérangent plus parce qu’avec le temps elles sont devenues des tabous de Polichinelle. Parmi celles qui dérangent encore et vraiment, qui mettent mal à l’aise et gênent aux entournures, figure l’ineffable choix antinataliste. Contrairement à toute logique, la décroissance démographique reste un problème épineux, un énorme tabou qui n’ose pas dire son nom, un scandale qui provoque tous les courroux ! C’est déjà à peine si on peut l’ouvrir à propos de la décroissance économique ! Suggérer de modérer la démographie d’un monde depuis longtemps déjà en proie à la surpopulation semble relever de l’outrage, de l’infamie, tant le thème appartient à la langue de bois. C’est du domaine de l’indicible, personne ne veut entendre que nous ne devons plus faire autant de petits. On nous donne la preuve par neuf que la planète ne pourra pas nourrir 9 ou 10 milliards de Terriens en 2050 ou 17 milliards en 2100, mais en cyniques populationnistes nous voulons continuer à nous multiplier pour atteindre ces 10 ou 17 milliards de Terriens en 2050 et en 2100 ! Et l’on s’inquiète même des nations qui, en Europe, ne montrent plus la même ardeur à procréer des enfants dix à vingt fois plus pollueurs que ceux des pays du Sud !
Toute vérité n’est pas bonne à dire. Celle qui dérange en ne parlant que d’un réchauffement global qu’on pourrait, qu’il faudrait éviter, est désormais bonne à énoncer, nobélisable, nobélisée. Le changement climatique et plus généralement l’écologisme (nommé écologie par analphabétisme ambiant) ont été dérobés et sont entrés dans le business, dans le show-business. Leur écologie est un label de plus de la propagande et du commerce ordinaire. Détroussés mais flattés, les écologistes n’en sont pas revenus, et le système s’est dégotté une porte de secours inespérée. Avec la dénatalité comme hochet, c’est tout autre. Les gens biens (parce que de bien) ne m’inviteront pas pour crédibiliser un Grenelle de quoi que ce soit, on ne me recevra même pas à l’éco-table du Fouquet’s pour déguster à la louche le caviar de l’esturgeon en voie d’extinction. C’en est fini avant d’en avoir commencé de mon aura. Ces lignes, loin d’être assassines puisqu’elles se veulent salvatrices, seront pourtant jugées contraires aux bonnes mœurs par bien des lecteurs, gardiens d’une culture qui relève sans nul doute de l’inconscient collectif. Ce n’est pas pour autant que j’irai rejoindre le club des malthusiens purs et durs, encore moins celui d’un supposé complot de dépopulation rentable orchestré par le groupe Bilderberg, ou par des Illuminati contemporains, réels, fictifs ou d'existence controversée, ou encore par un grotesque Bohemian Club néoconservateur de l’élite la plus influente, les ultra riches s’apercevant que leur diabolique machine à fabriquer des démunis s’est emballée. Les théorisations franchement malthusiennes de réduction de la population n’étaient pas animées d’un esprit fraternel de respect et de partage, mais l’objectif était de lutter contre la prolifération humaine pour que tout au contraire des privilégiés puissent conserver suffisamment de confort. L’objection de croissance démographique tout comme économique n’est pas égoïste, c’est un vœu principiel, légitime et écologique.
Si malthusien je dois être, écomalthusien je suis. Apprécier la nuance n’est peut-être pas à la portée de tous, il faut penser. Il est à espérer que certains sauront ne pas me diaboliser sans réfléchir.
Il y a dénatalité lorsque le taux des naissances est suffisamment modeste pour faire en sorte que la population vieillisse et ne se renouvelle pas. Fait historique, c’est pour la première fois dans la seconde moitié du XIXe siècle que les couples français et européens entendent restreindre leur descendance. Compte tenu de notre incapacité à une justice planétaire, à une plus juste répartition des ressources et des richesses, recourir à une double décroissance, tant de la natalité que de l’économie, serait l’unique voie que la raison commande.
Qu’il s’agisse de la pouponnière ou du tiroir-caisse, le vocable décroissance qu’on veut y associer n’est qu’un mot-obus (dixit Paul Aries) pour venir à bout d’une idéologie de la croissance pour la croissance, une formule infrarouge pour tenter de faire du sujet-citoyen allongé, somnolent sous les effets soporifiques de la dangereuse bien-pensance, un écocitoyen debout, en éveil et qui voit plus loin que le bout du nez de sa seule génération. La performance de la lucidité est évidemment irréalisable pour le personnel politique plébiscité que sont nos gouvernants, l’électoralisme les contraignant ipso facto au charlatanisme. La décroissance n’est ni la récession, ni une retraite aux flambeaux. Un mouvement objectivement décroissant vise à alléger notre empreinte écologique et notre bilan carbone en sortant de la prolifération nataliste et de la quête à la performance, pour retrouver les traces d’un chemin qui ne mette plus en péril la biosphère, qui ne rompe pas les équilibres salutaires. Mettre un terme au fléau démographique humain pour alléger la pression anthropique qui s’exerce sans commune mesure sur les ressources et redonner leur place aux autres espèces est une solution à adopter dans la plus grande urgence. Elle doit être doublée d’une décroissance économique sélective : identifier et favoriser les activités utiles, à faible pression environnementale et organiser simultanément un recul inconditionnel de celles qui conduisent à des désastres écologiques et humains. Il nous faut quitter nos grosses chaussures calamiteuses et adopter une conduite terrienne consistant davantage à marcher sur des œufs. Vivre et non détruire. Liberté, égalité, biodiversité. Et que vienne alors l’âge d’or de l’a-croissance, sensu stricto !
Le bricolage du développement durable, sublime oxymore, tout comme la dernière malignité dénommée économie verte, ou positive, cherchent à faire accroire à l’impossible accord entre croissance économique et souci écologique. Il ne s’agit que d’OPA manifestes sur la cause écologique, une surenchère de duplicité pour cautionner la poursuite du pillage de l’impérialisme en place. Tout au contraire, un postulat dissident de la décroissance globale considère et proclame que la démographie et la croissance économique sont les facteurs majeurs d’un développement coupable et de la destruction environnementale. Tout pacte écologique dot sous-tendre l’idée d’un pacte antinataliste.
Mais pourquoi les Verts restent-ils cois ?
Si nos écologistes politiques ne s’y réfèrent pas ou seulement entre les lignes et de la part de quelques membres aux limites de la dissidence, c’est parce qu’ils sont condamnés à l’incontournable devoir de plaire. Si la décroissance économique, pourtant indissociable de tout projet écologiquement viable, n’a déjà pas sa place dans un discours électoraliste qui brigue le scrutin des gens qui n’ont d’autre souci que le pouvoir d’achat, que dire alors du risque encouru à aborder un thème aussi impopulaire que celui d’un « hiver démographique » ! Peu après la parution de la première édition de mon livre (Faire des enfants tue), le courageux Yves Cochet se lança dans une croisade antinataliste, abordant les sujets de l’enfant occidental carboné et de la grève du troisième ventre, directive dissuasive qui inverserait l’échelle des prestations familiales pour un enfant dont le coût écologique est comparable à 620 trajets Paris-New York. Une telle franchise avouée lui valu un véritable vide autour de lui à l’Assemblée et des relations que l’on imagine conflictuels avec un mouvement écologique dominant et dont la secrétaire générale, maman Cécile Duflot, est une redoutable multipare. À savoir qu’elle a probablement confiance en l’avenir, comme toute personne conservatrice ! Dire aux gens qu’ils peuvent contribuer à sauver la planète par le tri de leurs ordures est une idée sympathique. Les inciter à renoncer à mettre au monde l’enfant qui leur ressemble ne l’est pas. Écologiquement, la surpopulation est une menace bien pire que le nucléaire. Seul l’écologiste radical qui ne brigue pas l’urne peut parler vrai et se permettre le grand luxe de déplaire. Mais sachez-le bien, ce qui semble radical aujourd’hui revêtira demain toute normalité. Les négationnistes climatiques, natalistes et de tout poil sont toujours là pour hypothéquer toute avancée en son temps. Nous payons chaque jour les pots cassés de notre manque de courage intellectuel.
Le monstre capable d’envisager un seul instant que la dénatalité représente une alternative lucide à la sauvegarde et au devenir d’une planète accueillante, ne peut que détester les enfants, les sales gosses des autres s’entend ! Tartuffes, nous sommes davantage enclins à prêcher pour la fin des disparités, pour une plus équitable répartition des richesses. Vœu pieu qui ne mange pas de pain et n’empêche personne de partir en week-end et en vacances. Ceux qui prônent la paix n’ont-ils pas toujours les assiettes pleines ? Le seul vrai terrorisme est celui alimentaire, mis en place par le système capitaliste et ses complices des multinationales maîtres du monde. Laisser les populations les plus défavorisées se reproduire sur une grande échelle, pour ensuite les blâmer, les affamer, voire les supprimer, semble correspondre à un simple jeu de société.
L’idée de faire moins d’enfants, ou de ne pas en faire, ne date pourtant pas de la dernière pluie, et encore moins de la propagande du chaos climatique auquel la surcharge planétaire n’est pas étrangère. Aux racines françaises du militantisme antinataliste, on trouve comme par hasard des pionnières de l’écoféminisme avant la lettre. L’écologie n’étant pas science connue, l’écologisme qui en résulte ne pouvait être pressenti. Le refus d’enfanter ne s’inspirait alors que d’un souhait de liberté et d’émancipation féminine.
Nelly Roussel (1878-1922) fut l’une des toutes premières Européennes à revendiquer le droit des femmes à disposer de leur corps et à prôner le contrôle des naissances par les moyens de l’époque. Libre penseuse féministe, anarchiste de tous les combats, elle était du mouvement néomalthusianiste mettant en rapport l'augmentation trop rapide de la population mondiale avec l'accroissement insuffisant des ressources, et soutenant la prudence parentale comme mode d’émancipation des classes sociales les plus défavorisées. Elle est l’auteure de L’Éternelle sacrifiée.
Madeleine Pelletier (1874-1939) était une autre militante féministe. Initialement anthropologue, elle fut la première femme diplômée en médecine psychiatrique. Écrivaine prolixe, on lui doit, entre autres : La femme en lutte pour ses droits ; Idéologie d'hier : Dieu, la morale, la patrie ; L'émancipation sexuelle de la femme ; Le Droit à l'avortement ; et L'éducation féministe des filles. Cheveux courts, elle s'habillait comme un homme et se refusait à tous rapports sexuels, ce qui réduisait évidemment tout risque de « tomber enceinte » ! Admirer au passage dans cette expression populaire le recours au verbe « tomber », reconnaissance tacite du drame, comme « tomber malade » ! À propos de son mode vestimentaire, elle argumentait : « Je montrerai mes seins dès que les hommes commenceront à s'habiller avec une sorte de pantalon montrant leurs couilles … ».
Paul Robin (1837-1912), connu pour son œuvre dans le cadre de l’orphelinat de Cempuis, en Picardie, était un pédagogue libertaire qui fit scandale par ses idées très en avance sur son temps. « La science officielle de l'éducation ne trouve rien de mieux à faire des jeunes adolescents que de les enfermer : les privilégiés au collège, les vulgaires à l'atelier, les parias en prison », déclarait-il. Anti-autoritariste et internationaliste, il fondait sa croyance sur une fraternité entre tous les peuples. Il rencontra Marx et était l’ami de Bakounine. Engagé dans l’action féministe et le néomalthusianisme, il souhaitait que l’on reconnaisse à la femme tant le statut de chef de famille que la liberté d’être mère ou non. Il diffusa des tracts sur les moyens de contraception, créa une ligue anti-esclavagiste pour l’affranchissement des filles, fonda un syndicat de prostituées et ouvrit une des premières agences pour l’union libre.
Le temps est passé, certains libertaires anticonformistes furent, comme souvent, des visionnaires. Aujourd’hui, après tant et tant d’abus technocratiques, qu’ils soient de droite comme de gauche (cette seconde n’étant plus qu’une dépendance de la première), une démographie exponentielle impose le paradoxe fatal d’un développement économique infini dans un monde fini, aux ressources non-renouvelables pour l’essentiel, en tout cas ne se régénérant pas au rythme de notre folle croissance. L’invention assez nunuche de la notion illusoire d’un développement durable, pure exercice de communication d’une économie finissante qui se repeint de vert glauque, ne parvient pas à masquer l’effarante formule à laquelle nous sommes ancrés. Nous feignons d’ignorer la finitude d’un monde dans laquelle notre multitude puise allègrement et sans relâche. Nous n’avons nul besoin d’une descendance qui ne recevra en héritage que des lambeaux et des restes. Il y aura toujours suffisamment de candidats pour perpétrer un minimum d’humanité. Nous lançons un appel au bon sens, au nom des goujats que nous sommes et qui avons tout zigouillé.
Ce troisième millénaire n’aura peut-être qu’un siècle, ce que nous vivons annonce déjà un bien mauvais karma pour les décades à venir. Elles ne seront ni glorieuses, ni prodigieuses, probablement terribles. Quelqu’un a dit que prétendre mettre en route un embryon humain dans ce monde, c’est comme vendre des couchettes dans un bateau qui coule. Faire des enfants en connaissance du sinistre enjeu planétaire, c’est refuser de porter assistance à une humanité en danger parce que déjà surnuméraire. Tant que la flore et la faune poursuivront leur rythme effréné d’extinction conférée, toute création supplémentaire d'un d'entre nous reste injustifiable. La femelle Homo sapiens ressentirait-elle encore le désir basique, l’instinct biologique de faire un nid, de mettre bas, de pondre son œuf ? Le mâle celui de promouvoir une descendance à sa noble vie ? Le couple de mettre au monde un otage dont l’existence déjà pourrie aujourd’hui aura toutes les malchances d’être un parcours du combattant, sur une Terre encombrée, en proie à des guerres d’appropriations pour des ressources taries ? Confier son petit à un monde très probablement hostile : quelle magnifique preuve de générosité, quel gage de parentalité ! Pour n’importe quelle démarche, n’importe quel projet futile, l’Être humain cherche et exige des garanties sérieuses, et lit le contrat jusqu’entre les lignes. S’il y a embûche ou risque trop prononcé, le conseil est la sécurité par l’abstention. « Non, désolé, je ne signe pas ! ». Le risque encouru n’est alors que financier et le jeu celui du quitte ou double. Mais avant de donner la vie à un bout-de-chou, on ne pèse pas le pour et le contre, on ne mesure pas l’enjeu, on s’en lave les mains. Ressembler à sa mère ou à son père n’est pas une assurance-vie. Il faut quelque chose de plus qu’un couple pour faire un enfant, il faut au moins une planète viable. La sexualité humaine est trop souvent contreproductive d’amour. Au nom du principe de précaution dont on nous rebat les oreilles, s’abstenir semblerait pour le moins raisonnable. Mais qu’il y a-t-il de raisonnable dans notre conduite ?
Et je doute aussi que cet instinct procréatif soit encore de mise pour une espèce tant dénaturée que la nôtre et qui « accoucha » il y a déjà belle lurette du contrôle de ses naissances. Reste à rendre accessible ces moyens de contraception dans tous les pays sous-développés et émergents, ce qui est loin d’être le cas, tout au contraire. Jouir sans entraves et sans reproduire, n’est-ce pas le vœu orgasmique et cardinal d’une société devenue existentielle et accomplie ? Mais quand nous constatons que les couples homosexuels rêvent aussi d’un embryon (et pendant qu’on y est de convoler à la sainte église qui les bannit !), les bras nous en tombent. Un enfant peut-il naître de l’union de deux femmes ou de deux hommes : non, mais les expériences se poursuivent ! Pourtant, l’adoption existe. Mais elle ne comble pas l’égo.
Seront-elles donc un jour bonnes à proclamer ces quatre vérités sur le lapinisme humain ? Pourra-t-on un jour jeter l’enfant avec l’eau du bain ? Probablement, mais trop tard. Pour l’immédiat, nous en sommes au secourisme et voir mourir l’humain est insupportable, inhumain. C’est peut-être pourquoi il faudrait dissuader l’humain de trop faire d’autres humains en arrimant au plus vite et prioritairement le besoin dénataliste à l’écologie principielle. Cette nouvelle mentalité est imposée par l’état des lieux. Car demain, il y aura peu à choisir et beaucoup à souffrir.
Ce qui ne nous est nullement insupportable, par contre, c’est voir souffrir et mourir les autres espèces, et notamment nos « mammifrères », sacrifiés pour servir et nourrir la cause humaine. Il n’y a pour ainsi dire pas de fraternité interspécifique positive (commensalisme, mutualisme, symbiose…), mais strictement négatives (prédation, parasitisme, pathogénie, antibiose…). C’est aussi dans cet égoïsme écologique, dans cette couverture outrancièrement tirée à nous, que réside l’une des raisons majeures du grand déclin annoncé. Malheur à ceux qui ne savent pas partager ! Parce qu’on le sait maintenant, il sera inutile de patienter 4 milliards d’années pour que le soleil dysfonctionne. D'ici là, l'homme n’aura pas été remplacé par un surhomme mais par une mouche. Ou bien la vie en tant que telle aura fatalement disparu du fait de nos géniales erreurs.
Pas de panique, on percute ! Rendez-vous dans un siècle ?
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