Nos trains sur la voie du côté obscur
De nombreux travaux sont mis en oeuvre et sur le point d’aboutir, sur les réseaux de nos transports en commun. On parle de modernité de tous les côtés. Mais la modernité peut passer par plusieurs voies.
Samedi dernier, la Régie autonome des transports parisiens a inauguré la nouvelle ligne de tramway T3 (Porte d’Ivry - Pont du Garigliano). Cette inauguration fait suite à celle d’une autre ligne (T4 : Aulnay-sous-Bois/Bondy les 18 et 19 novembre), et précède le prolongement de la fameuse ligne 14, Météor (la station Olympiades sera mise en service en mars prochain). La SNCF n’est pas en reste, puisqu’on y prépare l’ouverture du TGV-Est le 10 juin 2007. De même, partout dans Paris, des stations sont en chantier de rénovation pour qu’y soient changés l’éclairage ou le matériel. La modernité est là, partout, autour de nos trains.
"Attentifs, ensemble !" : lorsque j’entends ces messages, je ne peux m’empêcher de penser à ces films de science-fiction où des voix mielleuses font les annonces du pire des régimes. Elle n’est pas magnifique, cette voix de la RATP, qui vous annonce que n’importe quand, vous pouvez vous faire fouiller, ou que vos bagages peuvent être détruits si vous les abandonnez ? Évidemment tout cela n’est pas mis en pratique aussi sévèrement, mais le simple fait de l’annoncer fait froid dans le dos. Si c’est là la voix de la modernité...
Et que penser de ce pass Navigo, cette petite carte munie d’une puce RFID, qui permet une lecture à distance ? Que penser des fichiers que la RATP garde sur ses voyageurs, enregistrant tous leurs passages en stations ? L’usage qui en est fait est certainement pour notre confort, les statistiques permettant d’améliorer le service. Mais peut-on vraiment croire que les systèmes informatiques de la RATP soient inviolables, et accessibles uniquement à des personnes dignes de confiance ? Et alors qu’il est si simple de fabriquer un lecteur de RFID, combien de temps s’écoulera avant que le système ne soit piraté ? Que dire de toutes ces caméras de surveillance, disposées par milliers dans la capitale, dans les stations et dans les bus, épiant sous tous les angles le passage de tous les voyageurs anonymes et confiants, qui ne se doutent pas qu’on les observe ? Il ne faut pas oublier tous ces agents de sécurité, policiers et militaires, armés de chiens comme de fusils mitrailleurs, qui arpentent toutes les gares de France, le doigt sur la gachette. Ils sont là pour nous rassurer, bien sûr, mais la présence d’armes à feu a toujours été pour moi avant tout une source d’inquiétude.
Pourtant à la RATP, comme à la SNCF, la voie de la modernité passe par là. Pas par un service de trains et de métros continu toute la nuit, pas par des transports fiables et rapides en banlieue. Elle passe par la surveillance et par le contrôle. Elle passe par la sécurité avant tout. Quand j’entends leurs dirigeants se congratuler pour leur réussite moderne, je ne peux que m’interroger. Bravo pour avoir réussi à rallonger le service du métro d’une heure par semaine ! Bravo pour avoir rajouté sept lignes de Noctilien (bus de nuit) en région parisienne ! Mais est-ce que ces améliorations suffisent ? Il reste tant à faire pour rendre ces transports fiables, quand le RER rencontre des problèmes presque quotidiennement. Il est difficile d’avoir confiance, quand on ne peut pas prévoir le temps qu’on va mettre pour aller d’un point à un autre, parce que les trains sont bloqués, ou que les bus, trop pleins, ne s’arrêtent pas. Bravo pour réussir à engranger des profits pour la SNCF ! Mais pour un service public, cela ne signfie-t-il pas que les billets sont trop chers ? On a du mal à penser, par les temps qui courent, que la politique de la SNCF soit toujours une politique de service public. Et bravo pour la surveillance ?
Je ne nie pas les améliorations de ces entreprises dans certains domaines. Mais cette vision obscure de la modernité sans progrès me laisse perplexe. Quel est le prix de la sécurité ? Les dirigeants des sociétés de transports semblent, eux, avoir trouvé la réponse. Il vaudrait peut-être mieux pourtant ne pas aller trop vite en besogne, et se souvenir qu’il est toujours plus aisé d’emprunter la voie du côté obscur de la modernité.
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