On dit que le diable est un ange déchu...
On s'imagine souvent qu'il y a des « bonnes » colères qui méritent d'être appelées des colères, et des « mauvaises » colères qui doivent être appelées des haines, comme si la colère et la haine étaient deux choses biens distinctes et bien séparées. C'est oublier que le cœur des hommes doit sans cesse affronter des choses qui suscitent la colère, et qu'il doit alors combattre contre la tentation de réagir trop brutalement à ces choses. La haine c'est la colère qui ne peut plus pardonner, qui ne peut plus tolérer, et dont la brutalité est sans frein.
Et la haine peut être, comme toute colère, non pas une colère qu'on s'imagine éphémère, le temps d'un renversement de régime, mais une colère qui mûrit lentement, parfois silencieusement, et qui s'installe profondément et durablement, en se nourrissant de tout ce qui quotidiennement suscite la colère. Les violentes sautes d'humeur d'un mari, pourront nourrir quotidiennement la haine de sa femme pour lui, parce qu'il lui « pourrit la vie ». Les vexations et brutalités quotidiennes subies par un prisonnier de la part de ceux qui partagent sa cellule, pourront nourrir sa haine contre eux. L'exhibition par les hommes au pouvoir de leur incompétence, ou bien les manifestations trop claires du fait qu'ils ne gouvernent pas au service de leurs électeurs, peuvent nourrir quotidiennement la haine contre les hommes politiques. Les fréquentes manifestations de rejet, les perpétuelles mises à l'écart, infligées par une société à l'un de ses membres, pourront nourrir sa haine de cette société. Et la peur quotidienne dans la rue et le métro, de quelques jeunes « à capuche » qui se comportent irrespectueusement des autres, pourra nourrir la haine contre les jeunes correspondant à ce signalement. La haine, c'est la colère qui ne peut plus pardonner, qui ne peut plus tolérer, et dont la brutalité peut longtemps être intériorisée et combattue par celui qu'elle assaille. Parfois le sujet succombe aux assauts de la haine, et parfois plus tard il extériorise sa haine de manière extrêmement violente. Peut-être qu'au moment de sa chute dans les ténèbres, le sujet se souvient une dernière fois du temps où il était un ange, une personne tendre, respectueuse, qui voudrait que tous les hommes soient heureux.
Je sens parfois de la haine qui m'envahit, je m'entends parfois dire des choses extrêmement brutales, mais heureusement cette « mauvaise » humeur passe, je cherche encore à comprendre et à me remettre en question, je cherche encore à rester en attente de solutions conciliantes. Et je vois les émeutes dans les banlieues, ainsi que la montée du Front National dans les sondages, aujourd'hui à 21% dans la population dans son ensemble, et à 36% chez les ouvriers et employés, comme des signes que ce sont beaucoup de gens qui sont en prise avec des colères diverses et qu'ils maitrisent plus ou moins bien...
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