Paradoxe de l’américanisation ; le cas du ’’Coca Rica’’
L'Amérique Centrale est bien souvent surnommée ''l'arrière-cour des États-Unis'', et ce pour des raisons aussi bien historiques que politiques. En effet, après des années d'interventionnisme, l'aura de l'Oncle Sam plane toujours, de façon plus ou moins marquée, sur diverses facettes des sociétés de l'isthme. Une prégnance parfois qui rentre parfois en contradiction avec d'autres valeurs qui peuvent sembler chères aux citoyens des dites ''républiques bananières''. Prenons l'exemple du Costa Rica et de la Coca Cola Compagny.
La République du Costa Rica, avec ses 51 100 km2 pour 5 millions d'habitants, peut se targuer d'être un pionnier en matière de protection de la biodiversité : les parcs nationaux – et leurs normes strictes – englobent 26% des terres et plus de 9% des eaux nationales1. Mais ce pays, qui détient 4 % de la biodiversité mondiale sur un territoire équivalent à 0,03% de la superficie terrestre, peut impressionner les touristes de toute autre manière. Oublions la surabondance des chaînes de restauration rapide et autres enseignes états-uniennes dans une capitale étouffée par le CO2 ; la palme de l'omniprésence revient indiscutablement au Coca Cola.
En effet, si la variété n'est pas le souci principal du tico moyen (il se contente bien souvent d'arroz con frijoles, soit de riz et de haricots, le plat de base), il n'y a pas une seule pulperia, une seule épicerie, si petite et si reculée soit elle, qui ne puisse proposer le précieux nectar. Et parfois, il en faut peu pour qu'on ne s'excuse pas de n'avoir ''que'' les bouteilles de 3 litres, et non celles de 3 litres et demi, alors que le lait et la farine sont aux abonnés absents. Une surconsommation qui s'explique par un certain idéal de ''American way of life'' ? Difficile de trancher ; la réponse a une telle question doit tenir compte d'une multitude de facteurs. En revanche, la contradiction entre ce consumérisme à impact écologique indésirable et les efforts gouvernementaux dans l'optique de la protection de la faune et la flore est criante. Car les dégâts causés par la Coca Cola Compagny – et donc ses lacunes en matière de responsabilité socio-environnementale – ne sont plus matière à débat : l'appropriation de sources d'eau en quantités suffisantes à porter atteinte à des nappes phréatiques2, le sur-emballage, la pollution qu'implique chaque chaîne de production industrielle3, ou encore la raréfaction et le renchérissement de denrées utilisées comme édulcorants4. Mais ceci n'empêche pas la firme de sponsoriser, dans l'indifférence générale, les études du Ministère National de la Santé5.
Pour preuve, cette scène emblématique, mille fois observée, à divers endroits du pays : une toute petite fille, à la démarche chancelante encore mal maîtrisée, qui a déjà abandonné les biberons ou le sein maternel ; c'est de Coca Cola qu'elle mouillera ses langes. Et il n'est pas sept heures du matin. Anodin pour un pays où l'adoration pour des icônes telles de Bob Marley ou Che Guevara ne semble pas dépasser l'achat du T-shirt made in China, sans le moindre égard pour les idéaux anti-impérialistes ; une contradiction de plus induite par les sirènes alléchantes du grand frère du Nord ?
Et la donne ne semble guère différente un peu plus au Nord, chez le voisin nicaraguayen. Là où la pauvreté, endémique, se traduit par la vente de riz par demi-livre, le Coca Cola s'achète par bouteille de trois litres. Et ce jusque dans le plus informel des points de ventes du plus défavorisé des barrios, bidonvilles où les sodas ont désormais acquis une place on ne peut plus normale dans des écoles qui ont pour seul matériel crayons et cahiers. Notons toutefois que les gaseosas n'y sont pas les uniques tentacules de la junkfood ; il convient d'avoir une vision générale de la question. Posons que ''l'école est le reflet de la société dans laquelle elle évolue''6 - car la rigueur de l'emprise de la Frente Sandinista de Liberación Nacional est palpable non pas uniquement dans les manuels scolaires, mais jusque dans les frasques écrites sur les murs des établissements. Peut-on, par extrapolation, en déduire que la prétendue obédience sandiniste du gouvernement ne serait, de fait – et comme le clame la rue – qu'une voile de fumée masquant un alignement intéressé sur les intérêts états-uniens ? La question reste ouverte. Dans les faits, on ne ressent aucune volonté politique de promouvoir la santé face à des rangées entières de dents de lait cariées, là où le taux d'obésité s'élève à 247%. Allons donc à la pharmacie. Et à nouveau, au même titre des médicaments proposés à la vente – à l'unité, et demain est un autre jour – un réfrigérateur de sodas, le Coca Cola en première ligne. La boucle est bouclée.
2http://www.agirpourlaplanete.com/actualite-ecologique/22-divers/1132-coca-cola-laisse-linde-mourir-de-soif.html
5http://www.ministeriodesalud.go.cr/index.php/investigacion-y-tecnologia-en-salud/inventarios/inventario-de-tecnologias-en-girs/documentacion-tecnica/1386-brochure-alianza/file
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