Plaidoyer pour un retour de la nuance
On voit actuellement en France se développer de nouvelles théories et affirmations qui ne souffrent d’aucune contradiction. La radicalité semble désormais de mise, après avoir touché d’autres pays, dont les U.S.A. dont nous avons découvert lors de la dernière campagne électorale, l’ampleur inquiétante du phénomène.
Tous les secteurs sont touchés, de la santé en passant par la dévaluation de la parole publique ou bien encore le traitement du terrorisme islamiste. Les attaques personnelles sont légion. Les réseaux sociaux sont l’exutoire de cette radicalité
Nous sommes quasiment sommés de choisir notre camp, au risque d’être cloués au pilori médiatique et d’être traités de complotistes si nous n’adhérons pas à une thèse qui à notre avis, pourrait répondre à cette appellation et qui mériterait, pour le moins, d’en débattre.
D’aucuns se découvrent des facultés ou des compétences jusqu’ici ignorées, dans des domaines aussi divers que la médecine et la virologie ou la conduite des affaires publiques, voire dans la réforme de notre constitution pour répondre au besoin de stopper le radicalisme religieux. Chacun a désormais sa solution et tente de l’imposer à l’autre, sans autre forme de débat.
La nuance et la réflexion ne font plus partie de notre mode d’échange, remplacées par le « sans filtre » et parfois l’invective, voire le bannissement du groupe ou l’interdiction de parler, en vigueur dans certaines universités, au nom d’une doxa limitée à quelques personnes plus soucieuses de leur aura que de la cause commune.
Que dire de la conduite des affaires publiques ?
Sans vouloir verser dans le débat clivant du « tous pourris » dans lesquels certains n’hésitent pas à s’engouffrer, il faut dire que les politiques aux affaires depuis plusieurs décennies se sont égarés dans l’optimisme béat de la mondialisation heureuse et renoncé souvent à leurs fondamentaux. Les crises successives et la « gestion » aléatoire de la crise de la Covid 19 par le gouvernement actuel sont les conséquences directes de cette idéologie dévastatrice sur le plan social, de l’équilibre de la planète et de l’unité nationale.
Les tentatives d’unifier dans un projet commun sont vouées à l’échec, chacun au sein de sa formation politique, s’évertuant à saper tout projet allant en ce sens. C’est camp contre camp, lobby contre lobby, officine contre officine. Nous sommes devenus la somme d’intérêts particuliers ou partisans et nous devenons de simples consommateurs d’un produit périmé que l’on persiste à appeler encore « Politique » qui verse de plus en plus dans le clientélisme. Nous ne faisons plus Nation.
Ce qui a changé aujourd’hui, ce n’est pas tant la médiocrité du débat politique partisan et intéressé, que l’absence de débats et de lieux de débats pour la société civile, au point qu’il faut sans doute considérer que la France est mûre pour le populisme à la Trump, à la Erdogan ou bien à la Poutine. Terminée l’éducation populaire, au sein du creuset associatif, remplacée par une vision clientéliste parfois noyautée par le fondamentalisme religieux. De là vient, en partie, le désintérêt croissant pour les urnes, qui ne sera corrigé que lorsque nous aurons fait l’expérience amère de ce type de pouvoir, sans espérer en panser les plaies rapidement. Les fractures seront durables, comme on le voit aux Etats Unis. Faut-il en passer par là ?
Quel état des lieux ?
Des organismes produisent des études, des sociologues interrogent notre société et font des constats et parfois des propositions. On parle de « l’Archipel Français », de la problématique des quartiers, de la fracture sociale, de l’intégrisme religieux, mais on ne voit que très rarement arriver des propositions d’actions susceptibles de corriger le cours des choses, sauf dans l’urgence, la pression électorale ou la pression de la rue.
Plus de débats ou des débats tronqués chez « ceux qui pensent » à notre avenir. Le Parlement est le lieu d’un spectacle affligeant. Ceux qui rêvent encore se confortent peu à peu dans l’idée que notre pays va mal et qu’ils sont, eux les premiers oubliés. Cet état d’esprit traverse toutes les couches de la société et les oppose, puisque nous sommes dans l’incapacité de nous penser un avenir commun dans lequel chacun tiendrait sa place et son rôle.
Interrogé sur la sociologie de l’électorat de Trump, un directeur d’un institut de sondages et d’études l’a comparé à la somme des électeurs du RN, de Debout la France et de l’électorat Fillon (pour la proximité avec des groupes religieux). Il est intéressant de constater que ces courants d’idées ont tous vanté les mérites de la gestion et la candidature de Trump. Il est plus surprenant de constater que ce sont les mêmes qui ont été les soutiens indéfectibles à l’introduction de l’Hydroxychloroquine pour le traitement de la Covid 19. On tremble à l’idée qu’ils auraient pu promouvoir, comme le candidat qu’ils soutenaient, l’utilisation d’injection d’eau de javel pour tuer le virus.
Le pari de l’intelligence est-il encore de mise ?
La « liberté des réseaux sociaux » a mis fin à tout débat productif. L’anonymat permet toutes les dérives, les invectives. C’est le règne du « ceux qui ne pensent pas comme moi sont mes ennemis ». C’est le règne du débat faussement scientifique, mené par des gourous, la production de documents ou de vidéos tronqués, les pseudos reporters « citoyens » qui portent la « vraie » parole. La production de masse de ce genre de « vérités » qui sont autant de « preuves » de la perte de nos libertés individuelles, suscite de plus en plus l’adhésion, l’adhésion sans débat, celle qui est indiscutable.
Nous aurions tort de nous réfugier dans notre propre sphère en tenant pour quantité négligeable la montée de ces phénomènes qui procèdent de la manipulation de masse : ce sont les mêmes qui aboutissent à la mise en place de pouvoirs autoritaires et parfois expansionnistes.
Il faut se coltiner à ce débat, à la déconstruction des arguments qui minent notre société, s’interroger sur les vecteurs de diffusion, en proposer d’autres pour aboutir à de réels changements. Réhabilitons l’éducation et la nuance dans un débat devenu trop binaire !
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