Pourquoi tous les peuples n’ont pas évolué à la même allure ?
Le 2 février, je publiais ici un article sur les racines du nationalisme, de la xénophobie et du racisme. Je voudrais compléter cette réflexion en tentant de répondre à cette question : pourquoi certains peuples ont-ils atteint un niveau de civilisation élevé à une époque où d’autres avaient encore un mode de vie proche de celui que menaient les ancêtres des premiers des siècles ou des millénaires plus tôt.
Des populations de ces deux catégories se sont rencontrées depuis l'antiquité, mais les rencontres se sont multipliées lorsque les Européens ont commencé à se répandre dans le monde. Les connaissances techniques des premiers leur ont apporté un avantage militaire qui leur a permis de coloniser les territoires des seconds et, souvent, de les soumettre à une espèce d’esclavage.
Du haut du trône de l’humanité, beaucoup d’Européens se sont laissé gagner par un sentiment de supériorité qui s’est souvent mué en racisme. Ce racisme servait de couverture idéologique aux menées impérialistes : on ressentait moins de scrupules à dominer et exploiter des inférieurs que des égaux.
Avant de répondre à la question du premier paragraphe, une remarque préalable mérite le détour : une civilisation plus développée ne signifie pas nécessairement une meilleure civilisation. Pour classer les civilisations en qualité, de multiples critères sont envisageables et pas un ne s’impose comme absolu. Parmi eux, celui-ci me paraît très important : le niveau de bonheur qui est procuré à la population. Il est toutefois non mesurable, mais rien n’indique que les civilisations les plus développées sont les plus heureuses.
Venons-en à l’explication des niveaux de développement différenciés. Une première explication est « nous nous sommes développés plus vite car nous sommes plus intelligents ». Beaucoup d’Européens ont voulu le croire. Pourtant, aucune preuve scientifique n’est jamais venue étayer cette hypothèse. Alors, y a-t-il une explication alternative plus subtile ?
Mon explication est celle-ci : toute société, qu’elle soit primitive ou civilisée, exerce sur ses membres une certaine pression. Son rôle est d’assurer la cohésion sociale. Cette pression se manifeste par une série d’interdictions et d’obligations auxquelles sont soumis les individus. Rites, tabous, coutumes, croyances, respect de la parole des anciens et, bien-sûr, lois s’imposent à eux. Ces mécanismes sociaux sont plus pressants dans une société primitive que dans une société civilisée, car moins l’environnement est connu et plus il est menaçant, plus l’individu se sent précaire, vulnérable et plus il compte sur son groupe pour le protéger ; les attentes réciproques des membres sont donc plus exigeantes. Ce qui rend les législations modernes si complexes, c’est précisément qu’elles marient la liberté individuelle avec le besoin du « collectif ».
L’un des effets de la pression sociale est le reproduction des modes de pensée et des modes de production de génération en génération. « Nous avons appris de nos ancêtres comment chasser, comment nous loger, nous vêtir… ; vous, nos enfants, vous continuerez à appliquer ce que leur génie nous a transmis ». Si la pression sociale diminue, les individus peuvent initier de nouvelles pratiques qui se révèlent à terme bénéfiques pour le groupe, sinon dans l’absolu, au moins quant à sa capacité de se loger, de s’alimenter… Trop d’obéissance, trop de respect des traditions cadenassent le changement et donc l’évolution.
Soient donc deux tribus primitives A et B en tous points identiques, sauf qu’en A, la pression sociale est un peu moins pesante qu’en B. Elles évolueront différemment. Il faudra probablement des siècles ou des millénaires pour que la différence de développement soit considérable ; à l’échelle de l’histoire humaine, c’est court..
Mon explication de l’accession différenciée à la civilisation est que la pression sociale variait d’une société primitive à l’autre. Trop de pression a empêché certaines sociétés de se civiliser au même rythme que d’autres. Des individus aussi intelligents mais plus soumis n’ont pas pu évoluer de façon autonome. Par contre, lorsque la civilisation leur est venue de l’extérieur, les aborigènes d’Australie, pour prendre un exemple, en quelques générations ont sauté un grand bond. Aujourd’hui, certains fréquentent les universités australiennes alors que leurs arrière-grands-parents vivaient à l’âge de la pierre. Les capacités individuelles ne sont pas en cause.
Et pourquoi la pression sociale était-elle plus élevée en B qu’en A ? Certainement pas parce que les membres de A avaient prévu que ça permettrait à leurs descendants de se civiliser quelques siècles plus tard. C’est le hasard tout simplement, le hasard en tant qu’enchevêtrement contingent d’une multitude de facteurs.
Précisions concernant la civilisation
Les historiens considèrent généralement que le critère déterminant est l'usage de l'écriture. La civilisation a en fait pris le relais du mode de vie néolithique. Une série d'évolutions sociales ont accompagné l'écriture : le pouvoir politique s'est constitué en Etat doté d'une administration et d'une armée professionnelles. Economiquement, la division du travail s'est approfondie.et l'artisanat a pris son essor par rapport à l'agriculture. Des villes se sont créées avec des bâtiments résistants et de grande taille, pour regrouper toutes ces personnes libérées du travail agricole.
Depuis ses débuts, la civilisation n'a cessé de s'affiner, ce qui se traduit principalement par l'accroissement des connaissances scientifiques et de la compétence technique.
53 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON