La justice va rendre demain mardi 9 novembre son délibéré dans le procès en diffamation intenté contre le député Arnaud MONTEBOURG par le Dr Vincent MERCIER, le chirurgien de Chalon, sur lequel s’était abattue en 2007 une tornade médiatique : il était accusé à tort d’extorsion de fond.
A cette occasion, l’Union des Chirurgiens de France retrace cette affaire depuis son début, en utilisant les documents d’archive disponibles. La dernière partie est consacrée au rôle joué par le député Arnaud MONTEBOURG.
- articles de presse,
- reportages télé,
- enregistrements radio,
- documents de campagne électorale,
- décisions de justice...
Ces liens sont tous fonctionnels au 8 novembre 2010. Si certains ne fonctionnaient plus, signalez-le à l’UCDF qui détient la copie de tous les documents cités et pourrait établir de nouveaux liens. En cas de besoin, la vidéo est accessible en copie sur le
site de CNN.
Pour Vincent MERCIER, l’affaire commence le 1° avril, mais n’a rien d’une farce.
Ce dimanche matin, sa voisine le prévient : dans un article du PARISIEN, un patient accuse de racket un chirurgien qui ne peut être que lui.
Le patient a écrit à son député, Arnaud MONTEBOURG, qui a fait un signalement au procureur de la République « La population est exaspérée par ces pratiques. Elle a le sentiment de se faire racketter. » Et le patient a porté plainte pour tentative d’extorsion de fonds.
Immédiatement la machine médiatique est lancée, locale et nationale. L’info fait la une de TF1 et de FR3 le lendemain.
On peut remarquer que le nom du chirurgien n’est jamais cité. Mais… nous sommes à Chalon sur Saône 50 000 habitants : Un chirurgien vasculaire accusé d’extorsion de fond y est aussi anonyme que l’instituteur d’un village de 200 habitants.
L’Union des Chirurgiens de France prend rapidement fait et cause pour le praticien et publie le 4 avril un communiqué :
L’UCDF « apporte son soutien absolu au chirurgien mis en cause ». Et diffuse le propre communiqué du Dr MERCIER rétablissant la vérité, qui se termine ainsi : « Être mis en cause en première page du journal pour la demande d’un « dessous de table » est une agression insupportable quand on a simplement informé son patient des modalités de sa prise en charge. »
A ce stade, devant le déferlement médiatique, le praticien prêchait dans le désert et son explication était inaudible. Elle sera pourtant ultérieurement entièrement confirmée par la justice.
Nous allons quitter un instant la chronologie pour développer cette explication.
Mr BOSC présentait un anévrisme de l’aorte abdominale à traiter chirurgicalement et avait réclamé en septembre 2006 au docteur MERCIER l’utilisation d’une endoprothèse.
L’anévrisme de l’aorte abdominale est une dilatation de cette artère. Quand cette dilatation devient trop importante, il existe, par hémorragie interne, un risque mortel de rupture. Pour y remédier il existe deux types d’interventions :
- Le traitement classique consiste à remplacer ce segment d’artère dilatée par une prothèse vasculaire. C’est une intervention chirurgicale lourde, nécessitant de passer à travers l’abdomen, suivie de quelques jours en réanimation, puis d’une hospitalisation d’environ deux semaines.
- Une technique innovante consiste à utiliser un autre type de prothèse, qu’on insère dans l’anévrisme lui-même, et qui se déplie comme un parapluie. Elle ne nécessite que deux petites incisions au niveau du pli de l’aine. L’hospitalisation n’est que de 3 à 4 jours. C’est cette ENDOPROTHESE que réclamait Mr BOSC
Mais cette technique est coûteuse, l’endoprothèse revenant à elle seule à environ 5000€. Or l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) émet des recommandations sur l’utilisation du matériel. En 2007 elle préconisait de réserver l’endoprothèse aux patients de plus de 80 ans ou très affaiblis. La sécurité sociale ne remboursait l’intervention que dans ces cas sauf dans certains établissements hospitaliers. Pratiquée malgré tout, l’intervention aurait été à la charge de Mr BOSC.
C’est de cela, et rien d’autre qu’il a été prévenu par son chirurgien dont c’était le rôle : Mais les 5000€ pour payer la prothèse non remboursée par la sécu sont devenus 5000€ en liquide de la main à la main pour le chirurgien.
Même s’ils ont à en faire l’annonce, les chirurgiens ne sont nullement responsables de certaines incohérences en matière de remboursement. Pour débloquer ces situations, patients, chirurgiens et élus devraient ramer dans le même sens. Plutôt que d’écrire au procureur, M. MONTEBOURG aurait pu rédiger une question à la ministre de la santé. L’UCDF lui en aurait volontiers fourni l’argumentaire.
Il est inutile toutefois qu’il le fasse maintenant : l’AFSSAPS a supprimé les restrictions d’indication depuis 2009.
L’assurance-maladie n’a même pas conscience d’être parfois un frein à l’innovation thérapeutique Le 6 avril le directeur de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Macon s’interrogeait gravement « Serions-nous des ringards et des pingres de rembourser une intervention lourde et non une intervention plus souple ? » L’assurance-maladie affrontait la réalité, certes dérangeante pour elle, les yeux grands fermés…
Sur les média nationaux, il y eut peu de relai aux explications du Dr MERCIER. Le journal du soir de Public Sénat donna la parole le 5 avril à Xavier GOUYOU BEAUCHAMPS secrétaire général de l’UCDF.
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Le 6 avril, conférence de presse à Chalon avec Philippe CUQ, président de l’UCDF, et le comité de soutien qui comptera 600 membres, dont nombre de praticiens locaux, libéraux et hospitalier.
Mais la parole du patient avait plus de résonance, comme dans cet article de l’hebdomadaire la vie.
Le soufflé médiatique retomba ensuite rapidement.
Plus exactement il déboucha sur un amalgame entre le mensonge de ces fausses accusations et la réalité d’un vrai problème : Nous n’aborderons pas ici le thème des dépassements d’honoraires, qui est hors sujet dans l’affaire du chirurgien de Chalon. Signalons simplement qu’ils ne sont en chirurgie qu’une conséquence du déremboursement de la sécu : non pas brutal comme pour le médicament, mais progressif et insidieux.
Voir à ce sujet deux vidéos UCDF entièrement consacrées au tarif de la chirurgie et aux dépassements d’honoraire :
Une exception : Anna ALTER de Marianne réalisa une contre-enquête fouillée, publiée le 24 avril, en interrogeant tous les protagonistes de l’affaire pour conclure : « A Paris comme à Dijon, dans le public comme dans le privé, le patient se serait heurté à la même réponse. Il s’agit d’une regrettable erreur médiatique ».
Le 26 mai, l’UCDF obtint un droit de réponse, publié en pages intérieures du parisien.
La suite se déroula au rythme de la justice. Cela correspondait bien à ce que dénonçait Robert BADINTER il y a plus de 20 ans : « six mois après il y a un non-lieu, mais le mal fait n’est pas réparable. »
Le 22 avril 2008, après un an Vincent MERCIER fut totalement blanchi par la justice. Le procureur DENIER s’étonna de ne voir que deux localiers à sa conférence de presse là où les journalistes s’écrasaient il y a un an.
Les anciens patients du Dr Mercier avaient été interrogés, ses comptes bancaires épluchés ...Tout ca pour rien : conseillé par son avocat et non plus par son député, son accusateur n’avait en réalité jamais porté plainte.
Encore un an et le 6 avril 2009 le Dr MERCIER gagnait une procédure en diffamation contre le Parisien et le journal de Saône et Loire.
Et, un an et demi plus tard, c’est-à-dire demain, la justice rendra son délibéré dans la procédure en diffamation contre Arnaud MONTEBOURG
Reste à plaider une procédure en diffamation : MONTEBOURG contre UCDF à laquelle il reproche le communiqué du 4 avril 2007 :
HALTE À LA CALOMNIE !.
Revenons sur le rôle d’Arnaud MONTEBOURG dont le courrier a prévenu le procureur.
Trois questions, certaines sans réponses, et deux constatations :
1° question, Ce courrier au procureur est confidentiel, comment l’UCDF se l’est-elle procuré ?
Tout simplement sur un journal de campagne d’Arnaud MONTEBOURG. Nous sommes à deux mois des élections législatives de juin 2007 et il est candidat à sa réélection dans un scrutin qui s’annonce serré. Voici un extrait de ce journal. Tout en nuance...
2° question : Qui a prévenu le parisien ?
Pas de réponse, L’anonymat des sources est protégé.
3° question D’après le courrier au procureur, la plainte écrite du patient était parvenue à Montebourg le 11 janvier. Pourquoi cette médiatisation seulement 3 mois plus tard ?
Pas de réponse, mais on peut simplement constater :
- Que le parisien est très opportunément paru quelques jours avant le journal de campagne de Montebourg lui donnant une résonance particulière.
- Que l’attaque non nominative mais cousue de fil blanc lancée contre Vincent MERCIER pouvait opportunément gêner l’UMP sur le département : l’épouse du praticien était candidate suppléante dans la circonscription voisine.
L’exploitation politique de l’affaire durera jusqu’au scrutin, comme au premier jour, sans jamais parler des éléments à décharge.
Le 2° journal de campagne d’Arnaud MONTEBOURG, félicité pour son courage par un professeur de neurochirurgie, cite partiellement un article de l’hebdomadaire Le Point. Cet article rapportait l’affaire de Chalon (déjà dégonflée par l’enquête de Marianne) et une autre affaire située à Metz, mais à l’hôpital. Ce détail opportunément oublié permet de titrer en gros : Abus dans les cliniques privés !
Trois jours plus tard, Arnaud MONTEBOURG l’emportait sur son adversaire par 396 voix d’avance, soit moins de 1%.
A l’heure actuelle, l’exploitation politique n’a pas cessé, un an après le classement sans suite.
Arnaud MONTEBOURG aime citer les grands anciens de son parti. Mais dans l’affaire de Chalon, il a clairement choisi son camp : ce n’est pas celui de Léon BLUM, c’est celui des calomniateurs de Gringoire qui poussèrent le ministre SALENGRO au suicide.
Dr Xavier GOUYOU BEAUCHAMPS