La Région Rhône-Alpes dispose d’un outil très intéressant pour étudier l’évolution des phénomènes d’exclusion. La Mission régionale d’information sur l’exclusion (MRIE) fournit des études et anime la réflexion sur ces sujets. Dans son rapport 2007, cette institution note un paradoxe : les chiffres de la pauvreté sont en baisse mais les situations de pauvreté se renforcent.
Dans la Région Rhône-Alpes, d’une part les zones de pauvreté s’étendent et les écarts se creusent entre les secteurs géographiques (la Drôme connaît 9,6% de chômage et l’Ain seulement 5,6%). D’autre part les catégories socio-économiques sont diversement touchées par la pauvreté et l’exclusion. Ce rapport de tous les paradoxes note que si les logements sociaux financés sont en nette augmentation, l’offre disponible de logements est en baisse et le parc privé social se réduit chaque année davantage.
Ce n’est pas seulement le chômage qui génère la pauvreté
Officiellement, en se basant sur les données des caisses d’allocations familiales, il semble donc que le nombre d’allocataires à bas revenus est en baisse, mais cette baisse est très inégalement répartie entre les différents départements. Sur l’ensemble de la région, le taux de chômage aurait bien baissé pour toutes les catégories et plus encore que dans le reste de la France. Mais dans les "zones urbaines sensibles" par exemple, le chômage est deux fois supérieur, c’est-à-dire qu’il concerne près de 16 % de la population. La MRIE note par ailleurs que ce taux officiel cache des situations de misère et de souffrance pour toutes les personnes qui sont radiées de l’ANPE et qui cumulent des problèmes de logement, d’emploi et de santé. Cette baisse officielle du chômage masque aussi une augmentation du "temps partiel subi". Il faut par ailleurs noter les disparités entre les chômeurs : être sans emploi n’est en effet pas forcément synonyme de pauvreté.
Restituer la complexité des situations
"La pauvreté se vit aussi lorsqu’une personne a le sentiment que tout lui est fermé, qu’elle n’a plus le choix de sa vie ou l’espoir d’une amélioration pour ses enfants" ,disait Martin Hirsch, le président d’Emmaus aujourd’hui haut commissaire du gouvernement. La pauvreté a en effet plusieurs visages : à la campagne elle touche des personnes âgées et isolées ; en ville ce sont plutôt des jeunes et dans les banlieues des familles "temporairement" pauvres.
Le logement est le noeud du problème
Selon le rapport de la MRIE, la production de logements sociaux financés a fait un bond de 47% en Rhône-Alpes entre 2002 et 2005 (contre seulement + 35 % pour l’ensemble de la France). Mais dans le même temps le cumul des besoins a enflé. Il faudrait compter dix ans de production pour réaliser les 90 000 logements manquant aujourd’hui. Dans ce domaine, les inégalités territoriales sont marquées, entre un Ouest lyonnais en déficit de logements sociaux et un Est lyonnais qui souhaite réduire sa part et rénover le parc social en y intégrant la mixité. Des familles entières (plusieurs générations) s’entassent dans des grands appartements de banlieue et les enfants qui se marient ne trouvent pas où se loger. Si en 1999, 13% des logements se libéraient par la mobilité, aujourd’hui moins de 10% des familles peuvent se permettre de déménager. L’augmentation des loyers et l’impossibilité d’accéder aux dispositifs d’aides (Locapass) terminent de décourager les familles qui souhaiteraient s’installer.
"La première forme d’exclusion c’est le silence. Pour en sortir il faut passer du silence à la parole, de la parole à la représentation, de la représentation à la coopération et à l’action" note le rapport. Aujourd’hui, personne n’a de véritable solution face à cette pauvreté qui s’incruste. Trop souvent, les solutions se pensent dans l’urgence, avec pour les politiques des échéances électorales. Pourtant l’ampleur du problème nécessite des plans d’action et une politique de développement urbain à long terme.