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Quand le plan d’hébergement hivernal du Var se transforme en cache-misère...

Jeudi 16 novembre 2006, Toulon. Pierre Dartout, préfet du Var, ainsi que Gérard Delga, directeur de la D.D.A.S.S. (Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales) du même département se réunissent dans un des salons de l’imposante préfecture afin d’y donner une conférence de presse. Les mesures qui vont être prises afin de mettre à l’abri du froid les personnes sans domicile pour l’hiver 2006-2007 vont être exposées ainsi pendant plus d’une heure à l’ensemble des représentants des différents médias venus pour l’occasion. Si l’organisation du dispositif général n’est guère différente de celle de l’année précédente, les moyens qui lui sont consacrés dénotent en revanche un véritable effort : 649 000 euros seront ainsi consentis au renforcement des capacités d’accueil, d’hébergement et de maraudes, soit 117 000 euros de plus que l’hiver dernier, se traduisant par une hausse de la capacité d’hébergement de plus de 2516 nuitées. Malgré quelques « points faibles » volontiers reconnus concernant l’accueil des femmes seules ou des personnes souffrant de troubles mentaux, le tableau qui nous est présenté procure visiblement à ses promoteurs une grande satisfaction...

Une satisfaction et une analyse de la situation que Jean-François, éducateur et syndicaliste CFDT, ne partage tout simplement pas. Pour ce dernier, le portrait idyllique d’un plan limité à quelques mois et autour duquel une belle opération de communication est organisée chaque année, masque en réalité l’insuffisance des crédits alloués annuellement au secteur de l’hébergement d’urgence dans le département. En effet, deux sortes de financement sont en vigueur dans ce secteur : d’un côté un financement pérenne, l’Etat en assurant la régularité, pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), et de l’autre, un financement plus « précaire » parce que négociable chaque année, auprès, non pas d’un seul cette fois, mais d’une multitude d’interlocuteurs pour les centres d’hébergement censés gérer, quant à eux, uniquement l’urgence. Or, dans le premier cas, « l’enveloppe budgétaire n’a pas bougé depuis deux ans » nous confirme le syndicaliste, faisant fi de la hausse des frais de fonctionnement (frais généraux, salaires ...) des structures ; et dans le deuxième cas c’est pire : pour ne prendre que l’exemple du RMI (Revenu minimum d’insertion), leur nombre est négocié chaque année entre la DDASS et les associations d’hébergement. Si par malheur les dossiers de RMI montés par chaque association se trouvent être inférieurs en nombre au chiffre négocié en début d’année, la DDASS réduira son enveloppe l’année suivante ; et dans le cas contraire, s’il y a un dépassement du nombre de RMI financés initialement, aucune rallonge budgétaire ne sera possible...

« Ce sont ces contraintes budgétaires qui poussent les associations à faire des économies et à être prudentes sur les embauches » conclut Jean-François. Ces dernières, nous dit-il, « gèrent l’urgence des besoins en ne prenant que des CDD à des périodes de tensions comme les congés de personnel » par exemple. D’où, un nombre croissant d’associations qui se trouvent être à la limite de l’infraction avec la législation du travail, voire au-delà... « La DDASS répartit équitablement l’argent de l’Etat entre tous les partenaires du secteur selon ses propres ratios, mais cette enveloppe reste insuffisante pour les besoins réels de ces associations » ajoute le syndicaliste. De ce fait apparaissent des « problèmes de sécurité des salariés  », concernant des veilleurs de nuit agressés parce qu’ils étaient seuls sur leur poste, ou encore « d’efficacité » du travail apporté par ces mêmes employés.

L’éducateur comme le syndicaliste, mais aussi tout simplement le citoyen, déplorent cette « gestion de la misère et de l’urgence » qui est venue se substituer à l’ambition d’une véritable réinsertion de ces personnes en grande difficulté.

« Du coup », poursuit Jean-François, « afin de faire des économies, l’Etat, par le biais des DDASS, concentre les moyens financiers sur de courtes périodes critiques », comme c’est le cas pour le plan hivernal du Var qui s’étale de novembre à mars...

Au final, les conséquences d’une telle politique sont doubles : pour les « usagers » de ces centres d’hébergement d’abord, ces personnes en rupture de lien social qui vivent au quotidien l’érosion, non seulement de la qualité, mais plus grave encore, de la portée de leur prise en charge qui n’a plus pour ambition de les réinsérer, ainsi que l’insuffisance ponctuelle de la capacité d’hébergement. En effet, si on ne considère pas seulement la période que couvre le plan hivernal mais l’ensemble de l’année, « on refuse encore du monde » confie Jean-François.

Pour les salariés du social ensuite, qui subissent une pression qui va croissant avec l’augmentation de la charge de travail, la précarisation de leur emploi devant l’insuffisance et les incertitudes liées au financement de ce secteur, et, en fin de compte, la dégradation générale des conditions de travail.

Dans un entretien téléphonique du mois de janvier, Gérard Delga reconnaît à demi-mot les insuffisances des moyens financiers dont les associations d’hébergement jouissent. Lorsqu’on lui demande si le budget est à la hauteur des besoins, il estime que « parfois oui, parfois moins... ». Sur une enveloppe de « huit millions d’euros par an » accordée pour le Var, cinq millions servent au fonctionnement des centres d’hébergement, pour environ 400 places, et trois millions sont distribués sous forme de subventions. Bénéficiant d’un financement « à 100 % public, le social n’est pas le secteur le mieux loti » avoue-t-il.

Mais pour Gérard Delga, l’urgence serait presque ailleurs... Soumis à une exigence de plus en plus forte de la part de son ministère de tutelle consistant à justifier de l’efficacité de l’utilisation des fonds publics qui lui sont confiés, et dans un climat politique peu enclin à valoriser l’action sociale, il dit vouloir « tenter de sauver son ministère de la précarité ». Il ne faudrait pas que « sous prétexte que l’on s’occupe de personnes sans ressources, nous soyons nous aussi plongés dans une précarité budgétaire, sans avoir les moyens nécessaires à l’accomplissement de notre mission » précise-t-il. Mais « le Var étant placé sous la moyenne régionale et nationale quant au coût de fonctionnement de ses structures d’hébergement », la DDASS peut ainsi en toute légitimité réclamer davantage de moyens à l’Etat, lequel reste pour le moment souverain en la matière.

Ah, « si le social était aussi bien organisé et représenté à l’Assemblée que ne l’est la défense nationale, nous aurions d’autres moyens... » finit par soupirer le fonctionnaire, trop conscient de l’inégalité de traitement entre les différentes dotations ministérielles.

Yannick Rossignol


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2 réactions à cet article    


  • aquad69 7 mai 2007 11:28

    Bonjour Yannick,

    eh oui, mais 53,06 % des Français (et certainement plus dans le Var) seraient d’avis de progressivement supprimer toute aide à ces êtres méprisables au point de ne pas être capables de s’adapter au miracle économique, et qui plombent notre beau pays dans sa magnifique course à la concurrence internationale !

    Estimez-vous heureux si ces budjets dont vous nous parlez existent encore dans cinq ans...

    La démocratie, c’est finalement la chose la plus impitoyable qui soit...Comment peut-on encore y croire ?

    Tristement Thierry

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