Scandaleux en effet ! Mais las, trois fois las, le texte n’a encore jamais été discuté. Au grand dam de ses porteurs et de son grand inspirateur, Emmanuel Rosenfeld. Dans une tribune parue le 14 février 2006 dans le Monde (Le Scandale des fonds vautour, usurier des pays pauvres), l’avocat dénonçait en effet la « guerilla » de ces fonds vautour devant les tribunaux britanniques et américains. Alors partenaire du cabinet White&Case LLP, il proposait lui aussi d’adopter une loi inspirée de l’arsenal législatif britannique appelée Champarty. Et son argutie a plus que séduit les parlementaires, au point qu’ils l’ont à de nombreuses reprises rencontré, a confirmé à Bakchich l’entourage des députés. Et l’exposé des motifs, reprend en bonne partie la réthorique de l’avocat de Total et BNP Paribas. Quoiqu’ayant récemment quitté White Case, Me Rosenfeld assure toujours le pénal des deux entreprises. Et se coltine notamment la défense du PDG de Total, Christophe de Margerie, doublement mis en examen (Pétrole contre nourriture et South Pars).
Petit bonus, Total comme Paribas ont maille à partir avec les fonds vautour. Plus précisément, Rosenfeld défend BNP contre les attaques de Kensington, qui l’accuse de participer à l’évaporation2 de la rente pétrolière au Congo dans le cadre d’une action RICO1. Et tente de prémunir Total contre un autre fonds vautour, FG. Ce dernier cherche des poux au géant pétrolier français dans un montage sophistiqué (Likoula SA) qui permet à un mystérieux actionnaire - le président du Congo selon toute vraisemblance - de détourner entre 50 et 70 millions de dollars tous les ans.
Seuls de bien mauvais esprits pourraient songer que Rosenfeld plaide pour sa paroisse et que Total et BNP imposent leur loi, via certains députés. Ou s’étonnent que les ONG (CCFD3, Secours catholique...) qui militent pour l’adoption d’une législation contre les fonds vautour aient découvert cette proposition de loi, déposée par un groupe de parlementaires pas particulièrement progressistes, par hasard. Vil procès d’intention, bien évidemment ! D’autant que « cette proposition de loi n’a que peu de chance de trouver une fenêtre législative », affirme l’assistant parlementaire de Marc Le Fur, Samuel Le Goff, avant d’ajouter « que le véritable levier contre les fonds vautour n’est pas national mais international ». Et Le Goff de mettre tous ses espoirs en « Bernard Kouchner pour agir ». Nul doute que le French Doctor aura à coeur de résoudre la douloureuse question des fonds vautour. Salarié par Total pour un rapport sur la Birmanie qui « blanchissait » le pétrolier des accusations de travail forcé, missionné par Omar Bongo le président du Gabon, et Denis Sassou Nguesso le président congolais pour réformer leurs systèmes de santé, le ministre des Affaire étrangères a plus d’une bonne raison de se pencher sur le sujet...
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