Que sont donc les « peines plancher » ?
Le terme de « peines plancher » est assez réducteur pour définir un dispositif législatif modifiant la manière dont nos magistrats prononceront leurs sentences pénales. Le point sur les apports du projet de loi.
Sous l’appellation de « peines plancher » se trouve en fait un des dispositifs prévus par le Projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs adopté le 18 juillet en première lecture par l’Assemblée nationale. Le lecteur pourra se référer à ce texte, au demeurant très clair, afin d’apprécier lui-même l’échelle de ces peines minimales.
Quelles sont les nouveautés d’un tel texte dans la législation pénale ? Très sommairement, le texte entraîne un renversement dans le contrôle que pouvait exercer le législateur sur la manière dont nos juges prononçaient une peine contre un délinquant récidiviste ou multirécidiviste. Alors qu’auparavant il était question pour le juge de motiver le prononcé d’une peine de prison, désormais il devra motiver le fait de ne pas prononcer la peine minimale prévue par les nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du Code pénal.
Le véritable apport de cette loi doit être apprécié à la lumière de la distinction entre criminels et délinquants. Les premiers sont les auteurs de crimes, infractions les plus graves de notre Code pénal et sanctionnées des peines les plus lourdes (homicide, viol, torture, attentat...). Les délinquants sont les auteurs de délits, qui sont les infractions punissables de peines correctionnelles beaucoup moins lourdes qu’en matière de crime (vol, violence, agression...). Le mot le plus important a été lâché : « correctionnel ».
Dans le cas d’un criminel récidiviste, un juge souhaitant prononcer une peine inférieure au plancher pourra le faire en considération « des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ». Si ce même criminel est un multirécidiviste, le juge ne pourra déroger au plancher que « si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ». En matière de crimes, l’innovation semble donc circonscrite aux multirécidivistes puisque, récidive ou non, les juges ont toujours pris leurs décisions en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
La véritable nouveauté provient de la récidive des délinquants. En effet, pour prononcer une peine inférieure au plancher, le juge devra, cette fois-ci, rendre une ordonnance « spécialement motivée » sur la base des mêmes critères personnels énumérés ci-dessus. Une place à part est faite pour les délinquants multirécidivistes auteurs de violences volontaires, d’un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, d’une agression ou atteinte sexuelle ou d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Ceux-ci se verront condamnés d’une peine plancher sauf circonstances exceptionnelles de réinsertion exposées dans une ordonnance spécialement motivée du magistrat.
Pourquoi avoir ajouté le terme de décision « spécialement motivée » pour les délinquants et non pour les criminels ? Un juge est-il mieux à même de personnaliser la peine d’un criminel que celle d’un délinquant ? M. Sarkozy avait, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, pointé du doigt le « laxisme » des magistrats. Force est de constater que le président de la République n’a pas réellement changé d’avis sur cette question et que l’exigence d’une décision « spécialement motivée » dénote une suspicion sur la manière dont nos magistrats prononcent les peines à l’encontre des délinquants récidivistes ou multirécidivistes. La majorité des Français n’ayant jamais eu affaire à un tribunal pénal, il est difficile de porter une appréciation sur la manière dont les juges font leur travail.
En revanche, il est possible de se poser la question de savoir quelles sont les peines les mieux à même de « corriger » un individu. Si un délinquant est passible de peines correctionnelles, c’est parce que le rôle de la société est de corriger ses comportements déviants. Le législateur a fait le choix de
Certains, dont les membres de notre gouvernement et les députés UMP, voient donc en la prison le moyen de prévenir et de corriger les comportements déviants. D’autres, dont les députés de l’opposition, rappellent que les pays les plus répressifs, tels que les Etats-Unis, n’ont pas diminué le nombre de récidivistes en sanctionnant plus et que l’accent doit plutôt être mis sur les moyens et l’éducation. Lequel de ces deux points de vue s’impose ? Probablement aucun, les deux se défendant.
On ne sait pas encore si la loi sera validée par le Conseil constitutionnel mais une chose est sûre : le débat, pouvant intéresser bon nombre de personnes, a été balayé par la déclaration d’urgence à laquelle ce texte a été soumis. Enfin, il semble que les professionnels n’aient pas été consultés à la mesure de leur connaissance de ces questions.
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