Quid du progrès social ?

Quand j’étais gamine, notre instituteur nous vantait les progrès sociaux accomplis en France et ne manquait jamais de faire valoir la chance qui était la nôtre de bénéficier de l’enseignement de l’école laïque et surtout gratuite grâce à Monsieur Jules Ferry.
Pour illustrer ses propos, il nous racontait comment, au siècle précédent, c’est à dire depuis très peu de temps, les enfants travaillaient souvent plus de douze heures par jour, six jours par semaine, qui en participant aux durs labeurs des champs, qui dans les terrifiantes profondeurs des mines de charbon, qui à des tâches pénibles dans les manufactures textiles.
Il nous rappelait aussi que les congés payés dont profitaient nos parents ne dataient que de 1936 ce dont nous nous moquions quelque peu, nous qui disposions de diverses vacances dont deux mois et demi chaque été.
Comme mes camarades d’école, ce n’est qu’au moment où je suis entrée dans la vie professionnelle active que j’ai mesuré l’importance, ô combien appréciable, de cet acquis.
À cette époque là, la période de congés payés annuelle était de 3 semaines.
À cette époque là, nous aurions trouvé très sotte l’idée de partir en bord de mer pendant 3 semaines dans le seul but de s’allonger une bonne partie de la journée sur des plages et courir le péril d’en ramener un souvenir sous forme d’un cancer de la peau. Pas plus qu’on n’imaginait s’exiler pendant une quinzaine de jours dans des pays aussi exotiques qu’ensoleillés. Encore moins de se hasarder sur des pentes neigeuses en hiver au risque de s’y rompre les os.
Nous n’avions pas la télévision mais le cinéma nous faisait rêver et les fêtes foraines nous offraient moult distractions variées de Pâques jusqu’à l’automne.
Nous ne connaissons pas les discothèques mais dansions en couples au bal, sous une boule à facettes qui, sans nous éblouir, nous donnait l’illusion d’évoluer au milieu de tourbillons de flocons de neige, au son d’une musique qui ne nous gênait pas pour bavarder.
Surtout, nous étions assurés de trouver un emploi dès notre départ de l’école, et ce, avec ou sans diplôme. Et si nos salaires étaient modestes, le budget consacré à la toilette était minime avec, pour les parents comme pour les enfants, des vêtements achetés - les uns pour être portés en semaine, les autres réservés aux dimanches et fêtes - non pas pour leurs marques ou leur originalité mais en fonction de leurs avantages qualitatifs.
Ceux qui ne trouvaient pas à se loger étaient l’exception et, si les mutuelles santé n’existaient pas, les plus démunis avaient la possibilité de se faire soigner dans des dispensaires.
Alors, oui, nous étions conscients de vivre le progrès social et, forts de tous ces avantages obtenus, nous, les adolescents des années « soixante », attendions, sans le moindre doute, l’apothéose d’un 21ième siècle qui s’annonçait comme un âge d’or.
Ce 21ième siècle, nous le vivons maintenant depuis plus de dix ans. Qu’en est il du progrès social ?
Les logements manquent provoquant une inflation des prix tant locatifs que pour une accession à la propriété.
Nos pêcheurs, nos agriculteurs, nos éleveurs de bétail, nos arboriculteurs ne subsistent plus qu’avec des aides de l’État. Non pas qu’ils ne produisent pas assez mais parce que le produit de leur travail, tout au moins la somme de produits qu’ils sont autorisés à vendre, leur coûte plus cher que le prix auquel il leur est acheté.
Les entreprises dispensatrices d’emplois se délocalisent vers des pays où la main d’œuvre est moins chère provoquant ainsi un taux de chômage considérable.
Les salaires stagnent créant des nouveaux indigents qui ne gagnent plus suffisamment pour se loger ou se nourrir.
Jamais autant de corporations n’ont été à ce point victimes de dépressions avec, pour conséquence, des suicides souvent tentés, trop fréquemment concrétisés, de plus en plus nombreux.
On peut les comprendre, les candidats au suicide. Je m’étonne même qu’il n’y en ait pas plus parmi la population française.
On peut les comprendre. Quel espoir ont ils d’une amélioration ?
Pendant longtemps, nous, français, avons gardé foi en l’avenir. Convaincus, ou nous obstinant à nous convaincre, que les gouvernements qui se succédaient cherchaient à lutter contre ce marasme qui progressait comme une lèpre. Nous voulions croire que les élus consacraient leur temps à trouver des solutions pour stopper cette descente inexorable vers la décadence sociétale.
Foin de nos illusions avec le gouvernement actuel !
Comment auraient ils le temps de penser au bien-être des français les membres de l’actuel gouvernement qui se soucient avant tout de réapprendre à leurs administrés la fierté de leur identité, dont une priorité consiste à pénaliser le port de signes ou d’habits (ostentatoirement) religieux, qui se penchent doctement sur l’étude de la laïcité et qui, en dehors de ces tâches de la plus haute importance, se préoccupent surtout des prochaines élections avec les conséquences qui en résulteront pour leurs inestimables personnes.
Mais je suis injuste, je l’avoue.
Bien sûr qu’il se préoccupe de notre bien-être l’actuel gouvernement qui va stopper les augmentations du coût du gaz et de l’électricité…. Jusqu’à la prochaine élection présidentielle. (Après, bien sûr, le taux du coût du gaz et de l’électricité pourra bien augmenter de 20, voire 30 % et même 50 % sitôt le nouveau président assis sur son trône ; ce ne sera plus son problème pendant cinq ans.)
Bien sûr qu’il se préoccupe de notre bien-être l’actuel gouvernement qui va (faire) instaurer par les super/hypermarchés un ‘panier social’ rempli de dix produits variés de première nécessité pour moins de 20 euros.
Tiens, pour me faire pardonner mes critiques imméritées, je vais même suggérer, à ces membres du gouvernement, une solution encore meilleure que ce fameux panier qui n’a pas l’air de séduire particulièrement les ménagères : pourquoi ne pas créer un système de tickets d’alimentation ?
N’est ce pas que c’est une idée originale, ça ? Enfin, disons originale pour ceux qui sont nés après 1950.
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON