Racisme : êtes-vous porteur du virus ?
« Les français aiment la bonne table ». Combien de fois ai-je entendu cette phrase ? Souvent, très souvent, et la plupart du temps elle récoltait une approbation générale auprès du public qui l’entendait. Qu’en pensent les français se revendiquant d’être végétariens ? S’il n’y a pas nécessairement de contradiction entre l’expression « bonne table » et le qualificatif « végétarien » Il est probable que beaucoup ne s’y reconnaissent pas ou mal… Sont-ils moins français pour autant ? A l’évidence, non, puisque fort heureusement une nationalité ne repose pas sur un comportement nutritif. Quoiqu’il en soit ce sujet de la « bonne table » reste assez peu conflictuel…
Alors qu’en est-il sur des sujets beaucoup plus conflictuels ? A la base nous sommes nombreux à être choqués par les mêmes actes, les mêmes horreurs ou plus simplement les mêmes abus : ici, une violence, là un vol, plus loin une tricherie aux prestations sociales… L’indignation est de mise, rassurante et consensuelle. Mais quand il s’agit de nommer les coupables la facilité consiste bien souvent à citer non pas l’individu présumé, mais son groupe d’appartenance le plus flagrant, sa couleur de peau, sa race, sa religion, sa nationalité…
Les us et coutumes du langage nous ont habitués à parler en termes globalisants des français, des américains… des arabes, des musulmans, des roms. Il est simplement plus facile de dire les français plutôt qu’ « une majorité de français » ou « beaucoup de français », sans compter que la plupart du temps on n’en sait tout simplement rien, on n’a qu’une perception très intuitive et erronée du caractère vraiment général d’une affirmation. On oublie d’ailleurs facilement la logique la plus élémentaire qui devrait nous alerter pourtant et clairement nous aider à distinguer que quand bien même par exemple 50% des actes incriminés seraient perpétrés par des membres d’une même communauté désignée, cela n’implique pas que cette communauté est majoritairement coupable de quelque acte que ce soit, déjà ne serait-ce que parce que les coupables en question ne représentent probablement qu’une infime portion de la communauté désignée, disons moins de 1% pour l’exemple.
Et si au lieu d’analyser ce qui nous entoure sous l’angle d’une communauté on en revenait encore et toujours à l’individu, à la personne que l’on vient de croiser pour la 1ère fois au coin de la rue : lui cet individu unique et complexe, de quel droit va-t-on le juger en l’affublant d’emblée de l’ensemble des qualificatifs communs aux communautés auxquelles on pense a priori qu’il appartient ? Quelle chance lui laisse-t-on d’être jugé sur qui il est réellement ? Oui il est français végétarien et ne se complaît pas dans de longues heures autour d’une table festive. Oui, il est arabe, musulman ou pas, et ne se reconnaît pas dans les djihadistes.
Pour ne pas s’égarer il est donc essentiel de revenir à l’individu, d’abandonner les retranscriptions d’une impression collective héritée de nos discussions, des avis publics, des médias. Les phrases globalisantes font partie de notre quotidien, elles sont presque toujours fausses mais rarement leur caractère partiellement ou totalement erroné est relevé. On s’habitue, on n’y prend plus garde, on finit par les croire vraies, et on véhicule ce bagage de préjugés, ce virus qui nous a été inoculé, lentement mais sûrement.
Voilà qui peut amener un autre regard sur le racisme, ce virus dont on peut se demander si les acteurs ne sont pas aussi des victimes, victimes d’une maladie qu’ils portaient depuis longtemps et qui a fini par se déclarer. Mais ne sommes-nous pas tous porteurs de ce virus, y compris si nous revendiquons haut et fort de ne surtout pas être raciste ?
Prenant progressivement conscience de cette perversion que je voyais en moi, comme dans presque tout mon environnement tant personnel que professionnel ou médiatique, j’ai décidé depuis quelques années de ne plus jamais employer de phrases globalisantes. Plus jamais je ne m’autorise une tournure affirmative globale et indifférenciée en évoquant simplement « les français », « les anglais », « les juifs », « les arabes », « les musulmans » ou « les roms ». Je m’efforce de préciser ma pensée en parlant par exemple de certains français, à la rigueur d’une majorité d’entre eux lorsque vraiment les présomptions collectives sont fortes et peuvent être argumentées. Mais je laisse toujours la place à l’exception, au droit à l’individu de ne pas être catalogué par sa communauté. Cela demande un véritable effort de résistance tant les réflexes sont bien ancrés, mais au fil du temps je crois être parvenu à ne plus faire d’écart ou très rarement.
Il est bien des problèmes de société pour lesquels on finit toujours par se dire « mais qu’est-ce que je peux faire concrètement ? ». Alors cette fois je te propose, cher lecteur, si je t’ai un tant soit peu convaincu de la pertinence de cette analyse autour du racisme et autres formes d‘amalgames, d’adopter le bannissement systématique des phrases globalisantes, dans tes expressions au quotidien de sorte de ne plus être porteur du virus du racisme, et également dans tes pensées, car je crois que la 1ere personne que nous éduquons ainsi, c’est nous-même.
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