Depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy a inscrit les services publics dans un vaste plan de « restructuration » afin, dit-il, de permettre une « meilleure affectation des moyens ». Santé, éducation, administration, justice, culture sont ainsi soumis à de fortes diminutions budgétaires et au non-renouvellement de plusieurs milliers de postes de fonctionnaires. Selon cette logique comptable, il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le gouvernement demande que l’on fasse disparaître plus d’un tiers des tribunaux des affaires sociales, soit 44 sur 115.
Après la suppression de plus de 200 tribunaux, dont de nombreux prud’hommaux qui avaient le tort de donner le plus souvent raison aux salariés contre leurs patrons, Nicolas Sarkozy envisage de supprimer une bonne partie de ces tribunaux chargés de régler les conflits entre l’assurance maladie et les accidentés du travail. Inévitablement cette « meilleure affectation des moyens » aura pour conséquence de voir s’allonger le temps d’attente avant que les affaires puissent être plaidées et entrainera l’impossibilité pour les handicapés de se rendre au tribunal s’ils ne vivent pas dans les principales métropoles.
Choquées, les associations de défense des handicapés sont montées au créneau pour dénoncer un projet qui rendra la situation de certains citoyens français encore plus dramatique. L’association des accidentés de la vie a usé d’une plume on ne peut plus diplomatique pour s’adresser à François Fillon : « La disparition d’un tribunal des affaires de Sécurité sociale avec la contrainte de faire plus de 100 km de trajet constituera, bien souvent une difficulté insurmontable à l’accès à la Justice et au droit pour ces justiciables dont les ressources ne leur permettent pas, dans bien des situations, de supporter le coût d’un ou de plusieurs déplacements si les audiences sont renvoyées. »
Le cabinet du Premier ministre s’est fendu d’un communiqué qui ne souffre d’aucune compassion envers les handicapés : « La réforme de la carte judiciaire est un axe majeur de la modernisation de la Justice et s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’Etat. Par cette réforme de l’organisation judicaire, le Premier ministre veut que la Justice gagne en qualité, en efficacité et en crédibilité tout en restant proche des citoyens. Cela nécessite de revoir la répartition géographique de nos tribunaux… »
Les handicapés devront donc se résoudre à se rendre au discours de la raison sarkozyste : la suppression de tribunaux ne constitue qu’une « modernisation » de la France, une « réforme » pour que la justice « gagne » « en qualité, en efficacité » et se « rapproche des citoyens » tout en s’éloignant d’eux.
Reconnaissons au moins à notre gouvernement de manier le paradoxe avec brio.