Réfugiés tchétchènes à Nice : entre espoir de retour et intégration
Exilés en nombre depuis 2000, les émigrants tchétchènes de Nice ont fui une région ravagée par les guerres et les tensions consécutives à l’effondrement du bloc soviétique. 350 à 400 familles survivent dans les cités HLM de Nice, mais la présence d’une nombreuse communauté tchétchène, musulmane et élevée dans le culte de la virilité et du courage, ne va pas toujours de soi. Son intégration est pourtant possible, mais des préjugés restent à vaincre.
"Chaque génération de Tchétchènes a posé un problème à chaque génération de Russes". Noura n’a pas 40 ans. Tchétchène, diplômée en droit, avocate à Moscou durant la "1re guerre" de Tchétchénie, elle poursuit : "Mais les Russes ne connaissent pas les Tchétchènes, alors ils les dénigrent, depuis toujours, alors que mon peuple est simplement courageux... rien à voir avec l’image d’extrémistes que Poutine cherche à donner de nous aux yeux du monde !".
Quinquagénaire aux faux airs de Marina Vlady, Zarema est titulaire d’une maîtrise d’histoire, et son amie Janeta est docteur en économie. - "Notre présence en France n’est pas comparable avec celle des émigrants d’Afrique du Nord" précisent-elles ; "... à cette époque votre pays avait besoin de main d’œuvre peu qualifiée pour son industrie." Les Tchétchènes n’ont pas quitté leur pays parce qu’il n’y avait rien à y faire. "Certes, nous sommes musulmans, mais notre intégration ne pose aucun problème aux autorités françaises", veulent-elles convaincre. Zarema n’espère plus le retour, elle travaille comme femme de chambre dans un hôtel niçois et se bat pour ses enfants qui, à l’image d’autres jeunes, ont connu leur pays mais n’aspirent qu’à réussir leurs études en France.
Comme de nombreux Tchétchènes, Adnan vécut les affres d’une sale guerre. Il fut enlevé, sans raison, devant chez lui, lors d’une de ces nombreuses "zatchistka" (grandes rafles d’hommes conduites par des patrouilles russes). Jeune et robuste, "j’étais suspect aux yeux de soldats russes qui, de toutes façons, suspectent tout le monde..." Torturé durant 17 jours, Adnan eut la chance que son père puisse payer le commissaire. Libéré, il s’exila en France. Diplômé et formé aux meilleures techniques agricoles, il travaille aujourd’hui dans un abattoir où sa force et son énergie lui servent à quelque chose. A l’inverse des plus jeunes, il demeure fermement attaché à l’espoir d’un prochain retour au pays.
En attendant ce jour, qu’ils l’espèrent ou n’y pensent même pas, les Tchétchènes de Nice aimeraient bien voir fondre les préjugés au soleil azuréen : "Nous ne sommes pas bons qu’à travailler dans la sécurité ou dans le bâtiment", ont-ils tous tenu à me préciser. Et mes hôtes d’entonner l’hymne tchétchène, à mi-voix mais sans crainte, au cœur du quartier de l’Ariane : "Nous sommes alors arrivés / Du fond des âges, dans ce monde hostile / Depuis, nous ne plaisons à personne / Mais nous avons conservé notre dignité". Les "loups tchétchènes", émigrés de la première ou de la dernière heure, ne sont pas près de rentrer chez eux...
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