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Accueil du site > Actualités > Société > « Saint-Valentin » : Retour sur les signifiants d’une journée pas (...)

« Saint-Valentin » : Retour sur les signifiants d’une journée pas comme les autres

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » écrivait Alphonse de Lamartine. Il n’est pas facile d’analyser une « fête des amoureux ». De fait, la Saint-Valentin est un rituel qui a une tradition pluri-centenaire, une fête jugée ringarde et commerciale par beaucoup. Comment expliquer sa pérennité et sa popularité, alors que les codes amoureux changent et que le nombre de célibataires augmente ? Alors que la quête d’amour et de sécurité n’a jamais été aussi forte et les couples représentent toujours une majorité des ménages, de nouveaux enjeux et de nouveaux vécus se conjuguent, souvent en silence, une analyse du sociologue Eric Donfu.

‘On ne s’est jamais tant aimes‘ : Comme l’écrivent Claire Chantry et Alexandra Echkenazi dans ‘Le Parisien Aujourd’hui en France’ du dimanche 14 février 2010, les divorces ne cessent d’augmenter, tout comme le nombre de célibataires, et pourtant, on n’a jamais autant fait la fête pour la Saint Valentin. Le développement des sex-toys, l’amour des séniors, la précocité des adolescentes avec leurs sex-friends, la reconnaissance de partenaires multiples, la banalisation de l’homosexualité féminine et masculine, le divorce des séniors, ou la montée des solos par choix, semblent remettre en question l’image du « couple fidèle et amoureux ». Mais si la recherche de moins en moins tabou du plaisir, à tout âge, est un fait de société, la « Saint Valentin » - qui peut désormais apparaître ringarde ou « forçant la main » - s’inscrit dans un paysage social stable et représente même un symbole illusoire auquel tout le monde reste attaché. Et si, comme l’écrivait Balzac « l’amour a son instinct, il sait trouver le chemin du cœur comme le plus faible insecte marche à sa fleur avec une irrésistible volonté qui ne s’épouvante de rien », elle avance par delà les époques. 

Une fête des couples

Le premier bénéfice de la Saint Valentin est sans doute le fait de permettre au couple de se retrouver comme « couple ». Ce couple qui existe au-delà du statut de mari et de femme, de père ou de mère. Cette occasion encourage les couples à retrouver leurs « stimuli », par-delà les années, même, et surtout, après les émois des premières années. La Saint Valentin s’inscrit aussi dans le cadre d’un « bricolage affectif » qui marque la fin des stéréotypes de la féminité et de la masculinité, dans lequel, à l’indépendance des femmes correspond une redéfinition des modèles masculins. Les couples entrent parfois dans un certain désarroi, dès lors que les nouveaux partages des genres patinent.

Une fête des couples qui invite à sortir

Comme toutes les fêtes, et moins que Noël, la saint valentin a évidemment une fonction commerciale. Plus rentable commercialement que la fête des mères, des pères et des grands-mères réunies, le succès de la saint Valentin se confirme d’année en année. Selon un sondage réalisé en 2000, elle est la fête la plus célébrée à l’extérieur de chez soi[i] 19% des français déclarent la célébrer dans un restaurant, un bar ou une discothèque, contre 7% pour le nouvel an, et 6% pour le 14 juillet. Restaurants, fleuristes, parfumeurs, libraires, chocolatiers… l’ambiance commerciale célèbre cupidon à l’unisson. Elle est fêtée partout dans le monde, aux Etats-Unis, mais aussi en Chine, en Algérie ou en Inde. Et cette année, un film surfe même sur cette fête : « Valentine Day ». 

Quelle actualité pour la Saint Valentin ?

Tout rituel peut se lire à quatre niveaux. D’ abord la régularité avec lequel, il est célébré, d’année en année. Ensuite la façon de le célébrer, sa « stéréotypie » : est-ce toujours pareil ? Mais aussi des critères subjectifs : l’importance subjective « est-ce sacré ou non ? » et bien sûr le climat affectif dans lequel ce rituel intervient, avec un critère : Est-ce un plaisir ou non ?

Savoir que l’on est un être unique dans le regard de l’autre

Le couple et l’union sont valorisés dans la période actuelle. Nous sommes entrés progressivement depuis une trentaine d’années une « société des individus », une société réflexive, où chacune et chacun doit produire sa propre individualité, construire ses propres réseaux, et de remettre en question plusieurs fois dans sa vie. Le prix à payer est une certaine insécurité, renforcée par la crise économique. Dans ce contexte, le besoin d’amour et de soutien deviennent plus qu’un besoin, et dépasse la sphère privée pour devenir un enjeu de société. Fini les « amours malheureux » qui inspiraient les romantiques, aujourd’hui c’est l’amour « tendre et caressant » qui a la cote. Ces mots d’Aragon sont désormais lus avec recul « Il est plus facile de mourir que d’aimer. C’est pourquoi je me donne le mal de vivre, mon amour ». Mais dans une période d’incertitudes professionnelles, alors que l’anonymat des résultats exigés remplace la convivialité au travail, il est bon, et même nécessaire, de savoir que l’on reste un être unique dans le regard de l’autre. 

Le foyer familial plébiscité

Considéré comme le lieu où l’on se sent le mieux, le foyer familial est plébiscité. Si l’enfant est devenu la base de la famille (52% des naissances interviennent « hors mariages ») la notion de couple s’intensifie aussi, et avec elle, le désir d’amour se renforce. Si la fidélité tout au long de la vie n’est plus crédible, la fidélité dans l’instant n’a jamais été aussi forte. En période de crise, les liens se renforcent. Dans le même temps, une certaine lucidité s’impose, et rend la vie plus douce. Il n’y a que les célibataires pour idéaliser le conjoint, et, même en couple, on cherche de plus en plus à préserver sa liberté. Et si l’on se quitte, on ne se perd plus de vue comme avant, et les « ex » entre souvent dans un réseau de cœur. La quête de réassurance touche aussi la généalogie, la préservation de certains objets, et fait apparaître le « bien » comme étant la famille elle-même. Une famille souvent construite autour des filiations féminines, des relations mères-filles, qui agissent dans la complicité et la durée, comme une assurance anti séparation.

Mais aussi une fête légère et perverse.

51% des jeunes avouent ne pas tenir compte de la Saint Valentin. Mais 49% des jeunes interrogés par IPSOS (2005)[ii] (53% des 15-24 ans) serait déçus si rien ne se passait ce soir là, et même 2 jeunes sur dix (18%) disent qu’ils ne diraient rien mais le lui feraient payer d’une manière ou d’une autre. Des sentiments plus féminins que masculins (58% contre 40% pour les hommes, et 24% qui feraient « payer » cet oubli)

 

Une tradition pluri centenaire, et une inspiration romantique

L’amour est un sentiment indissociable de la civilisation humaine. On peut lire des poèmes d’amour composés dans la civilisation sumérienne (il y a 4000 ans). Cet amour qui inspirait à Lucrèce, vers 98 av. JC cette mise en garde qui ressemble à une chanson de Serge Gainsbourg « Fuir l’amour n’est point se priver des joies de Vénus, c’est au contraire en jouir sans payer de rançon ». Et si le 14 février que nous connaissons est bien né avec la période romantique, nous sommes passés d’une fête des célibataires à une fête des unions.[iii] La Saint-Valentin s’adresse donc surtout aujourd’hui aux couples « installés », et leur permet de descendre de leur piédestal pour de regarder dans les yeux. 

La notion de couple s’est transformée avec le temps

Dans le droit, l’union de deux personnes ne dépend plus de la sphère publique mais de l’ordre strictement privé. Un effet de 1968 : Le mariage n’est plus un prétexte pour partir de chez ses parents, ni le passage obligé pour créer une famille. Ces quarante dernières années représentent une inversion historique, avec l’émancipation de la femme, la maitrise de la maternité, l’autonomie financière, et la loi de 75 sur le divorce. Cette tendance se retrouve au niveau européen. Un des effets est que l’on se marie rarement pour une vie entière, même si les intentions restent toujours celles de l’amour éternel. Comme l’écrivait Cécile Sorel « Mes amours ? Je me suis éprise, je me suis méprise, je me suis reprise ».

Mais s’inscrit toujours dans des traditions ancrées

L’augmentation du nombre de célibataire ne doit pas faire oublier une réalité : La société est toujours assez classique dans ses mœurs. Par exemple, en 2005 (INSEE) 54% des Français vivaient en couple (28% avec enfants et 26% sans enfants), contre 60% en 1990. Et 80% de ces adultes vivant en couple sont mariés, contre 20% qui ne le sont pas. [iv] De plus l’homogamie reste forte. La moitié des filles de cadres épousent des cadres et la moitié des filles d’ouvriers des ouvriers, contre 6% un cadre. Malgré l’élargissement des champs de recherche sur Internet notamment, l’endogamie, c’est-à-dire la propension à se marier entre personnes proches géographiquement reste la plus forte.

Homogamie et endogamie

Sur 100 couples dont le mari est né dans une commune de moins de 5000 habitants, environ la moitié des épouses sont nées dans la même catégorie de commune. Comme toujours, plus d’un mariage sur deux (64%) a lieu en été. Et si le nombre de mariage continue à diminuer (273 000 en 2008 contre 305 000 en 2000, 334 000 en 1980 et 394 000 en 1970), il reste cependant élevé, en comptant le succès du PACS (147 000 en 2008 contre 25 000 en 2002). La baisse du taux de nuptialité est dont plus que compensée par cette nouvelle forme d’union. N’oublions pas non plus que dans trois mariages sur dix, le couple a déjà au moins un enfant. 52% des enfants naissent hors mariage, contre 10% en 1980. Moins de 4% des enfants ne sont pas reconnus, contre un enfant sur cinq au début des années 70. Et pourquoi se marie-t-on ? Pour prouver son amour (80%) Pour fonder une famille (57%) Par conviction religieuse (33%) Pour faire plaisir à la famille (26%)[v]  

Qui peut devenir un rituel apaisant pour combien de couples en sursis ?

L’idée répandue est qu’il n’y a pas besoin d’une fête pour faire plaisir à son conjoint, et, pour beaucoup, dont des célibataires, qu’il s’agit d’une tradition ringarde. Dans un monde ou l’un des problèmes de la vie de couple est la diminution de l’imaginaire amoureux entrainé par le quotidien, la routine, voire l’étouffement. Cette diminution du désir est en contradiction avec l’exigence de « nouvelles identités » personnelles, avec la production de notre propre individualité. La fidélité est à rude épreuve, alors que l’infidélité reste négative. Comment « remonter sur la balançoire » est aujourd’hui l’un des principaux défis de centaines de milliers de couples. N’oublions pas que la charge parentale représente à peu près 39 heures par semaine, c’est-à-dire l’équivalent d’un temps de travail à temps complet (avant RTT), et que ces charges sont toujours inégalement réparties. Si 80% des femmes travaillent, elles ne sont que 55% à le faire avec 3 enfants.

Sacha Guitry disait que ‘les chaines du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter ». Mais Combien de couples sont en sursis ? Combien de femmes, ou d’hommes, ont commencé ce travail interne, silencieux, qui, sans que l’autre s’en doute, conduit à la remise en cause de la relation ? Et combien de couples attentent un déclic illusoire pour relancer le désir, ou reportent leur séparation au départ des enfants, ou en raison de la maladie des parents par exemple ? Si la Saint Valentin ne fait pas de miracle, elle peut être un rituel apaisant.

Un mariage sur deux

Un mariage sur deux se termine par une rupture, demandée dans 7 cas sur dix par la femme. En 50 ans, le ratio annuel entre le nombre de divorce et celui des mariages a été multiplié par cinq : 10% en 1965, 20% en 1980, 40% en 1995, 50% en 2007. Parmi les couples qui ont mis fin à leur union en 2007, 57 % avaient au moins un enfant mineur, contre 61% en 1996.

30% de « solos » en plus en dix ans

Combien de personnes ont passé la Saint Valentin chez eux, seuls devant la télé ? La Saint Valentin est plus la fête des couples que des « solos », qui pèsent pourtant de plus en plus dans la société. Conséquences du « zapping » amoureux, de l’allongement de la vie, et du changement des « calendriers de vies » qui voient les jeunes se mettre en couple vers trente ans, leur nombre a augmenté de 30% en dix ans. Un français sur sept (14%) vit seul, contre un sur dix sept en 1962 (6%). C’est notamment le cas dans les villes de plus de 25 000 habitants, ou 25% des personnes sont célibataires, et même une sur deux à Paris. 

Entre 20 et 24 ans, c’est le cas de 24% des femmes et de 22% des hommes (2007). Cette proportion s’inverse entre 25 et 29 ans (22 et 25%) car les hommes restent plus longtemps dans le foyer parental. Et à 40 ans, les hommes seuls sont deux fois plus nombreux que les femmes (14% contre 7%).

Une femme sur trois sera, à un moment de sa vie, en situation monoparentale.

Un enfant de moins de 25 ans sur cinq vit avec un seul de ses parents (19,8% en 2005) contre 7,7% en 1968. Dans 85% des cas, il s’agit de sa mère. Une femme sur trois sera, à un moment de sa vie, en situation monoparentale.

Et si les « solos » inspirent les modes et les commerces, il ne faut pas oublier que, pour les deux tiers d’entre eux, le quotidien peut être difficile. Duras ne disait pas « célibataire » elle disait « seule » et l’on comprenait « libre », si difficilement « libre ».

La redécouverte du corps et de l’esprit

Un des nouveaux signes de la société, est bien aussi la redécouverte du corps. Un corps enveloppe, outil et capteur, mais aussi vitrine, et miroir, qui est sans cesse mis en scène. Mais aussi une nouvelle réflexion sur soi-même, dans un mouvement dit de « développement personnel » avec ses magazines, ses émissions et sa littérature. Plus que jamais, l’idée selon laquelle la santé est le résultat d’un équilibre entre le physique, le psychique et le social, - bien dans sa tête, bien dans son corps, bien avec les autres - progresse, et touche aussi les attentes placées dans le couple.

L’arrivée des sexygénaires

Sur le « marché » de la rencontre, de nouveaux acteurs, ou plutôt de nouvelles actrices apparaissent. Celles que l’on nomme les « cougards » ou « puma » et qui sont ces femmes de 50 – 60 ans qui recherche des hommes nettement plus jeunes qu’elles. Et, de fait, au total, 7 hommes sur dix peuvent donc être sensibles à leur charme,[vi] alors que la quasi-[vii]totalité des français (95%) disent que les femmes séniors prennent davantage soin de leur corps depuis quelques années.

Et des jeunes filles précoces…

Les adolescentes et même les préadolescentes de 2010 aborde une « révolution sexuelle » qui, comme la phrase de Nietzche , « arrive sur des pattes de colombes ». Elles veulent tout, les petits amours et le grand amour, testent plus facilement les relations homosexuelles, et s’affichent avec leur « sex-friend » un ami choisi sur des critères physiques pour faire l’amour, mais avec lequel on ne sort pas. Une attitude justifiée par certaines par le fait de ne pas faire comme la génération de leur mère – ou grand-mère – qui « couchaient avec tout le monde », mais le signe d’une évolution significative des rapports hommes –femmes. Pour les sexygénéraires comme pour les jeunes filles précoces, l’égalité entre sexes est désormais intégrée à la vie sexuelle.

Dépasser l’angoisse de séparation

Les couples vivent toujours leurs névroses secrètes. Comment s’en étonner, si, comme l’écrivait Oscar Wilde « S’aimer soi-même, c’est l’assurance d’une longue histoire d’amour ». Mûrir, c’est comprendre que la vie est séparation : D’abord la naissance et le sevrage, puis la marche qui éloigne, l’adolescence qui oppose, les parents qui s’en vont et sa propre jeunesse qui part. Entre douze et dix-huit mois, la perte du sein idéalisé transforme le monde en nostalgie. Ce n’est plus la peur d’être attaqué par un mauvais objet, mais la peur de perdre le bon objet intériorisé. Et souvent, cela donne le sentiment illusoire que s’il n’y a pas l’autre je ne sais pas qui je suis. Et à chaque sentiment de perte, il y a une réactualisation de sentiments dépressifs

Alors, oui, retrouver le « fil rouge » coupé par l’angoisse de séparation, se dégager de son passif héréditaire, (que l’on peut aussi designer comme expérientiel ou ontogénétique) aimer la vie autant que le sens de la vie, voila sans doute une exigence moderne. Peut-on s’inspirer dans ce sens de la morale du secret du renard au petit-prince ? « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux »

Les trois crises qui forment ou déforment les couples

Comment rester soi-même, rompre avec la « cristallisation » de Stendhal, qui fait l’amalgame entre sa volonté de vivre et son amour ?[viii] Comment dépasser les trois phases, amour naissant, institutionnalisation, c’est à dire la reconnaissance sociale du couple, puis le projet, trois crises qui fondent toute relation dans la durée ? Bref comment tordre le cou à cette idée selon laquelle « l’amour dure trois ans » ? Il est vrai que , comme l’a bien décrit Alberoni[ix], l’amour naissant est un soleil en pleine nuit. Que rapidement, l’institutionnalisation du couple est une première étape, mais aussi une crise potentielle, tout comme la troisième étape qui est le projet comme faire un enfant ou acheter une maison par exemple. Puis une autre crise pourra signifier les dix ans du couple, les changements de personnalités, l’autonomie des enfants. Et si le couple à tenu, le passage à la retraite sera une ultime épreuve. Car si l’on n’est pas capable de remonter sur la balançoire pour vivre pleinement les vingt ou trente années qui s’ouvrent, la séparation pourra intervenir. Et ce « fil rouge » tissé depuis l’enfance se retrouvera à chaque étape.

L’occasion de « cimenter » un peu le couple ?

Il ne faut pas attendre d’une fête qu’elle efface des malentendus ancrés, ou qu’elle relance une relation. « Quand on est aimé, on ne doute de rien. Quant on aime, on doute de tout » écrivait Colette. Une attention, à l’occasion de la Saint Valentin, peut avoir son écho, même si l’on est maintenant pris dans la surenchère de l’originalité attendue, pour l’inévitable cadeau. Loin de toute culpabilité, il reste à prendre, et à vivre ce jour comme il se présente. 

S’aimer reste un enjeu

N’oublions pas que « Mourir d’aimer » n’a pas 40 ans. Souvent, l’amour s’est transformé en drame, et les crimes passionnels continuent de faire l’actualité judiciaire. Trop souvent, une relation peut se transformer en cauchemar pour la femme battue. Et il existe aussi d’autres enjeux. Dans certains pays, il est impossible pour des amoureux se promener dans la rue la main dans la main. Dans certaines cultures les femmes ne choisissent toujours pas leur mari. Et enfin, dans le cas d’une maladie, combien de couples tiennent ? Face à l’allongement de la vie, et à l’augmentation corrélative du taux de dépendance des personnes âgées, il s’agit bien d’enjeux, pour le couple, comme pour la société.

Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour 

Aujourd’hui, que se soit au sein du mariage ou de l’union libre, c’est au couple de définir sa propre loi. Bien sûr, il est de bon ton de dire que l’on déteste cette fête commerciale… Mais on rêve en même temps de recevoir une petite lettre anonyme enflammée. « Il n’y a de vrai au monde que de déraisonner d’amour » écrivait Alfred de Musset. Et si les princes charmant n’existent que dans les contes, et ayant délaissé les bals populaires, certains et certaines le traquent sur Internet…

Alors, aux lendemains de la Saint Valentin 2010, peut-être que cette célèbre phrase de Cocteau reste d’actualité : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».

Eric DONFU

14 février 2010



[i] « Quelles sont les fêtes préférées des français ? » Sondage CSA réalisé entre le 3 et le 12 janvier 2000 sur un échantillon de 1004 adultes, représentatif de la population française.

 

[ii] « Les jeunes, l’amour et la Saint valentin » Sondage IPSOS pour CACHAREL. Réalisé du 12 au 17 novembre 2004 auprès d’un échantillon de 1004 personnes représentatif de la population française.

[iii] Dans l’antiquité, la période de mi-janvier à mi-février – le mois de Gamélion - était consacré au mariage sacré de Zeus et de Héra. Et c’était déjà le 15 février que la Rome antique célébrait déjà « les lupercales », une célébration de la fertilité, qui voyait des prêtes à moitié nus et ivres courir dans les rues de Rome avec des morceaux de peau de chèvres…

Loin de cette tradition païenne, c’est un décret du pape Gélase 1er autour de 498 qui a fixé au 14 février la « Saint valentin ». Il s’agit de la célébration de trois saints nommés Valentin, dont deux prêtres martyrs de Rome dans la deuxième partie du IIIe siècle.

Puis, au 14ème siècle, le 14 février a été présenté comme le jour ou les oiseaux d’accouplaient,[iii] ce qui Cette légende, présente dans la Dame à la licorne fut reprise au 15ème siècle par Charles d’Orléans qui fit différents poèmes dédiés à la saint Valentin.

Elle tomba ensuite dans l’oubli, et c’est au 19ème siècle, en plein romantisme, que cette tradition moderne de la saint Valentin fut reprise, avec la tradition d’envoyer un billet doux, d’abord entre célibataires, et pour déclarer son amour. 

[iv] Les couples non mariés sont majoritaires chez les 25-29 ans (41,5% contre 25,8% mariés chez les femmes, et 39,6% contre 20% chez les hommes en 2007) Source INSEE.

[v] Source : Etude du centre de sociologie de la famille, 1998

[vi] 3 personnes sur 10 de moins de 25 ans, 50% de ceux de 25-34 ans, et 80% de ceux de 35-49 ans dont 91% des hommes déclarent qu’il leur arrive souvent de trouver des femmes de 50 ans ou plus physiquement attractives. (Sondage Ipsos novembre 2007) 

[vii] Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Gallimard, Paris, pages 70 et 73.

 

[viii] Stendhal (Henri Beyle dit) In « De l’amour » (1822) « La beauté que vous découvrez étant donc une nouvelle aptitude à vous donner du plaisir, et les plaisirs variant comme les individus, la cristallisation formée dans la tête de chaque homme doit porter la couleur des plaisirs de chaque homme. » (Chap 1).

 

[ix] Francesco Aberoni, « Le choc amoureux ». Pocket, 1979


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14 réactions à cet article    


  • La Parole Argentée La Parole Argentée 15 février 2010 13:25

    Quoi ? pas encore de réaction pour cet article bien documenté sur les joies d’être 2 le 14 février ?
    @ l’auteur : Je plaisante car votre article est plutôt une jolie analyse sur le sujet.
    Pour ma part, je crois que la Saint-Valentin, on la regarde avec envie quand on est célibataire... parce que ça signifie qu’on est seul. Quand on est en couple, pour ma part, je ne trouve pas ça utile du tout. Les restos transformés en usine à amoureux, les magasins qui crèvent sous les petits coeurs : y’a un côté too much que je trouve fatiguant. Un peu comme le 31 décembre où il faut faire la teuf pour être branché... Le côté commercial de ces opérations est souvent relayé par les médias, la mode... et perso, je trouve ça un tantinet soulant qu’on me dise ce que j’ai à faire.


    • King Al Batar Albatar 15 février 2010 15:58

      HEllo miss.


      Assez d’accord une fois de plus.

      Pas besoin d’excuse ou de raison pour faire la fete ou gater sa chérie. On le fait pour faire bien, et encore, mais c’est tout....

    • Georges Yang 15 février 2010 13:40

      Un seul hetre vous manque et tout est peuplier !
      Cela dit refuser la Saint Valentin, c’est comme refuser Noel, les anniverssaires et autres celebration et .... passer pour un radin qui evite de depenser. A moins d’frir systematiquement quelquechose a l’etre aime , l’inviter au restaurant le 17 mars, le quatrieme dimanche de novembre uniquement parce que ces dates ne correspondent a rien et que l’on veut montrer son anti conformisme
      Et puis faire plaisir meme a date fixe , ce n’est forcement mauvais


      • Alexandre Partick 15 février 2010 14:53

        Superbe analyse des rapport conjugaux, de leur potentiel comme de leurs limites. Cet article bat en brèche les idées reçues sur la « fin de l’amour » et fait une remarquable synthèses des enjeux qui se posent au couple moderne, comme aux célibataires. Bravo @ l’auteur. PA


        • Noor Noor 15 février 2010 15:04

          Cette fete est plus un boulet qu’autre chose.
          Et la commisération de certains couples à l’égard des célibataires  : « t’inquiètes, tu le trouveras ton jules desespère pas ma pauvre ... ». dixit d’un air compatissant.. 
          Non franchement je la supporte pas cette fête lol , d’ailleurs je suis une anti-St valentin convaincue !
           
          OK...je suis célibataire.... et jalouse ( mais je m’en fous na !)


          • Eric Donfu Eric Donfu 15 février 2010 19:24

            Merci de témoignage sincère.
            Comme vous l’avez peut-être remarqué, je dépasse aussi cette fête pour évoquer le couple et les rapports hommes femmes. Je suis d’ailleurs sensible aux autres témoignages qui le note, et que je remercie.
            Je pense d’ailleurs évoquer à plusieurs reprises dans ce papier combien cette journée peut-être rejetée. Ce qui ne l’empêche pas d’être célébrée d’années en années. N’étais-ce pas aussi ce paradoxe qu’il fallait analyser ?
            Bien à vous,
            ED


          • Eric Donfu Eric Donfu 15 février 2010 19:26

            « Qui le notent » et « n’était-ce »... Désolé, on devrait toujours se relire !
            Bien à vous,


          • Chang Captain Dan 15 février 2010 15:17

            Un sociologue qui a « oublié » de lire Ariès...Le couple et surtout l’amour conjugal est une « invention » récente (fin XVII°) qui s’est trouvé relayée avec vigueur par la bourgeoisie de la révolution industrielle pour « fixer » et « moraliser » une classe nouvelle un peu trop libre, deterritorialisée,licencieuse, turbulente... bref quand on a plus rien...« on n’a plus que l’amour » comme le chantait Brel"...


            • Yannick Harrel Yannick Harrel 15 février 2010 15:32

              Bonjour,

              Article fort bien rédigé et avec une volonté réelle d’argumenter, ce qui le rend d’autant plus plaisant.

              Pour le reste, relativisons : la Saint Valentin est surtout d’obédience occidentale et chrétienne. La progression de cette fête se heurtant dans les autres sphères civilisationnelles aux cultures locales. Occidental parce que le commercial joue le rôle d’aiguillon, jouant sur la mauvaise conscience du partenaire peu « coopératif » ainsi que sur l’effet de masse, bref un sentiment sacrifié sur l’autel du consumérisme. Chrétien parce que c’est principalement cette religion qui a porté l’amour du prochain à son acmé de par le message du Christ, cela ne signifie pas que ce sentiment ait été absent ou le soit dans les autres religions, simplement il n’a pas été porté jusqu’à une telle incandescence et élevé comme valeur prioritaire.

              Merci à l’auteur une fois encore pour son billet circonstancié.

              Cordialement


              • King Al Batar Albatar 15 février 2010 15:51

                Tiens....


                Si la vulgarité vous choqie ne regardez pas cette vidéo :


                • Noor Noor 15 février 2010 18:02

                  J’ai regardé votre lien albatar , alors de 1 j’aime pas Orelsan et de 2 ( oui je sais vous aviez prevenu...) c quand même assez vulgaire votre truc (ET J AVAIS PAS MIS LE SON !!).
                  j’espère (pour vous et pour votre meuf si vous en avez une) que c’est pas là, l’idée que vous vous faites de cette journée... 


                  • armand 15 février 2010 19:18

                    Je ne regarde pas le doigt mais la lune
                    Eric Donfu produit toujours des articles de grand niveau
                    et souléve aussi beaucoup de questions
                    merci à lui c’est tip top....


                    • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 15 février 2010 22:34

                      C’est tout de meeem dommage de commettre un article sur la Saint Valentin sans évoquer les Lupercales !

                       smiley smiley smiley smiley smiley smiley
                       smiley smiley smiley smiley smiley smiley
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                      Franchement , l’auteur devrait avoir HONTE !

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