Sauver la SNCM ?
La SNCM ne peut pas survivre telle qu'elle est aujourd'hui, c'est une évidence, et je suis persuadé que ce n'est pas "à cause de" Corsica Ferries, la compagnie concurrente directe qui exploite des bateaux italiens entre la Corse et le continent, et qui assure actuellement 65% du trafic. La SNCM, qui elle possède un part de marché de 25%, pourrait tout à fait remplir ses bateaux, et je pense qu'elle n'a pas réellement besoin des fameux quatre nouveaux navires dont on parle tant.
La SNCM dispose en effet d'une flotte de quatre ferries : les Danielle Casanova de 2002 et Excelsior de 1999, des navires luxueux semblables au Mega Smeralda de Corsica Ferries, qui lui date de 1985 ; ainsi que les Méditerranée de 1989 et Corse de 1983, relativement proches, sinon mieux, des Corsica Victoria et Sardinia Regina de 1972, ou même du Mega Express Five de 1993 de la compagnie aux bateaux jaunes (petit commentaire personnel et objectif : je trouve celui-ci moins agréable que le Méditerranée). Le premier problème, c'est que beaucoup de passagers se plaignent ouvertement de ces navires, qui seraient en piteux état (trou entre deux cabines, bateau délabré, état des meubles moyen, etc), et qui donc n'auraient pas été bien entretenus au cours de leur vie (la mise en service de l'Île de Beauté -démoli en Turquie depuis peu- en 2012 sur les lignes Toulon-Corse en est un parfait exemple : on surnommait ce navire "le clodo", les passagers s'en souviennent encore...). La SNCM exploite également quatre navires mixtes, qui transportent beaucoup de fret et moins de passagers qu'un ferry ordinaire : les Jean Nicoli, Pascal Paoli, Paglia Orba et Monte d'Oro, qui eux sont rentables d'après ce que l'on peut lire sur internet ; Corsica Ferries ne dispose pas de navire de ce type.
Cela fait un total de 5 à 8 navires pour la SNCM, contre 4 à 6 pour Corsica Ferries, selon la saison. Alors que la flotte de Corsica Ferries a une moyenne d'âge de 26 ans, celle de la SNCM est de 19 ans.
Concernant les tarifs, ceux de la SNCM sont bien souvent plus avantageux que ceux que propose Corsica Ferries, depuis Toulon et Nice. Il arrive même fréquemment qu'une traversée depuis Marseille avec la SNCM soit moins chère qu'une traversée depuis Toulon avec Corsica Ferries, pourtant nettement plus courte. Or, les usagers résonnent désormais ainsi : "je préfère payer plus, en étant sûr que le bateau ne reste pas à quai". Là est le problème : les syndicats de la SNCM lancent des grèves bien trop souvent ; il ne s'est pas passé une année sans que cela n'arrive, et parfois ces grèvent, très médiatisées (pour ne pas dire "trop"), durent plus d'une semaine, ce qui paralyse l'île de beauté et profite pleinement à Corsica Ferries qui récupère les usagers mécontents et passe pour la "compagnie de sauvetage". Le mot "grève" colle à la réputation de la SNCM depuis des décennies, si bien qu'on ricane sur la place du village lorsque l'on chuchote que la CGT et les autres syndicats sont les principales sources de revenus de la concurrence helvetico-italo-corso-panaméenne.
Ensuite, notons que la SNCM a coûté plusieurs centaines de millions d'€ à l'État (actionnaire à hauteur de 25%) pour ne pas couler (vous avez sûrement appris que Bruxelles réclame que la compagnie restitue 440 millions d'€ à l'État, somme qu'elle n'a pas bien sûr et que personne ne veut donner). Celui-ci préfère payer bêtement plutôt que de trouver des solutions adéquat et durables pour sauvegarder les emplois. Aujourd'hui, lassé, il cherche clairement à se séparer de la compagnie boiteuse, et Transdev, actionnaire majoritaire (66%), cherche à la revendre ou à procéder à un dépôt de bilan. La compagnie américaine Baja a confirmé son souhait de reprendre la SNCM en ne gardant que les navires actuellement rentables et en se concentrant sur les lignes du Maghreb ; ce n'est pas une solution tout à fait idéale, d'autant plus qu'elle engendrerait des suppressions d'emploi. Voilà donc, selon moi, comment résoudre sainement les problèmes de la SNCM, en trois points :
- D'abord, il faut imposer un quota, pourquoi pas progressif, de français à bord des navires qui effectuent des lignes maritimes françaises intramuros (en commençant par 1/4 par exemple, comme pour le pavillon RIF, Registre International Français). Ce serait logique compte tenu de la situation actuelle, puisque la logique ultra-libérale européenne n'a été absolument pas bénéfique pour l'emploi dans notre Marine Marchande. De plus, les résultats des dernières élections européennes ont clairement démontrées, à travers le score des eurosceptiques, que les français désirent plus d'autonomie vis-à-vis de l'Union Européenne. Si cela est fait, les syndicalistes ne pourront plus accuser Corsica Ferries d'être la source de la perte de leurs emplois, qui n'aura donc pas lieu.
- Ensuite, il faut que l'Etat (donc nous les contribuables) arrête de verser des centaines de millions d'euros à une compagnie morte, et investisse plutôt dans des nouveaux navires une fois la compagnie redressée financièrement et ces derniers réellement nécessaires ; les 2400 emplois de la SNCM seraient préservés (et d'autres créés) si ce quota est mis en place.
- Pour finir, il faut que la SNCM se concentre sérieusement sur des lignes internationales, comme le souligne le Directeur de la compagnie Baja, chose qu'elle n'a pas su faire ou très peu, faute de moyens peut-être.
Une pétition pour réclamer l'imposition du pavillon français a été lancée il y quelques mois.
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