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Scènes de liesse

Passage obligé.

La scène de liesse collective serait donc devenu le passage obligé de la manifestation prétendument spontanée en matière de joie collective, pourvu qu'elle s'exprime bruyamment dans les rues. À bien y regarder, il se peut que ce phénomène en dise long sur l'état de déliquescence des esprits, pardon des cerveaux, le premier terme pouvant induire des interprétations fallacieuses.

La liesse a besoin de faire grand bruit. C'est là son premier souci. Le futur « liesseux » du reste va se rendre au point de ralliement pour y retrouver ses pairs en roulant à tombeau ouvert, le klaxon bloqué. Il est fou de joie, chacun doit s'en rendre compte à travers des décibels intempestifs qui viennent perturber la tranquillité de ceux qui ne partagent pas son bonheur.

Du reste, ce bonheur étant relativement fictif, totalement artificiel, largement fabriqué par des médias qui se préparent justement à en rendre compte en direct, les acteurs de cette pantomime moderne doivent trouver en eux les moyens de se placer en situation d'euphorie. La bière est devenue le principal stimulateur de cette folie collective qui est destinée à faire mousser les nouveaux héros des temps modernes.

Ceux-là sont principalement des sportifs qui viennent de remporter un titre, une épreuve, un trophée. Ce succès doit rejaillir sur le bon peuple de la rue sinon, il n'a aucune valeur. Le défilé des vainqueurs remplaçant désormais les chars du carnaval, la fête des fous furieux exigeant bien plus que des confettis pour joncher les rues après le cyclone. Tout est bon pour transformer la ville en une décharge à ciel ouvert quand on exprime une jubilation intense : papiers gras, cannettes vides, résidus d'artifices, de fumigènes et de pétards, mégots, masques devenus inutiles…

La liesse non seulement doit faire grand bruit mais de plus doit impérativement en jeter plein les yeux. Les lumières doivent jaillir de cette masse hystérique en illuminant le ciel des flammes de l'enfer. Le brouillard artificiel est nécessairement au programme une sorte d'écran de fumée afin de napper la ville dans une sorte de nuage extatique. Les fêtards se grisent d'alcool, de vacarme et de vapeurs toxiques pour célébrer une activité qui a priori serait bonne pour la santé.

La liesse n'a de sens que si elle est partagée, diffusée, projetée partout ailleurs. Des milliers de téléphones portables doivent tourner en direct, annoncer au monde entier la grande nouvelle. Il y a dans ce délire de la transmission des plus bas instincts de la populace l'expression même que le ridicule a besoin de connaître des paroxysmes. Pour combler plus encore les hordes enthousiastes, les chaînes d'information en continue délèguent leurs envoyés spécieux pour confirmer que nous sommes bien là en présence d'un événement considérable.

Curieusement, le pouvoir regarde toujours d'un regard bienveillant ces jaillissements de la folie pure. L'absence de slogans ou d'intentions politiques explique sans nul doute ce regard facilitateur des forces de l'ordre. Le désordre pour peu qu'il ne porte en lui aucune dénonciation de l'ordre établi est même largement encouragé. Le peuple disposant alors du feu vert pour consommer librement sa surdose d'opium à travers cette liesse délirante. Les cantonniers essuieront les plâtres par la suite, avec sans doute eux aussi la gueule de bois et la petite mine.

Les idoles auront quant à elles regagné leurs résidences luxueuses à bord de leurs véhicules rutilants. Les dieux du stade ne vont tout de même pas partager l'existence de leurs supporters. Ils agissent comme des vampires, les poussant à dépenser toujours plus pour entretenir une machine économique qui s'emballe. Maillots, fanions, écharpes, gadgets dérisoires viennent compléter la panoplie de la liesse. Le monde, même au cœur de la pandémie, doit continuer à dérouler son cortège d'absurdités.

Ils sont fous à lier les acteurs de ces liesses de la déraison. Ils sont les produits d'un système qui ravale toujours plus les humains, qui les invite à se complaire dans les plus bas instincts de l'espèce. Il y a largement de quoi désespérer du devenir de l'humanité.

Déliessement leur


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13 réactions à cet article    


  • Loatse Loatse 28 mai 2021 14:29

    Un certain Nabum s’étant presenté au concours télevisé (national) du conte regional, celui ci remporta le premier prix, à savoir la diffusion de ses oeuvres par une grosse boite d’éditions

    A la descente du train, une foule d’orléanais en liesse l’accueillirent agitant des drapeaux, jetant des confettis, soufflant dans des petites trompettes. Aux terrasses le bon vin de Loire coulaient à flot, les voitures klaxonnaient. Puis une enorme ovation retentit à son apparition, entrecoupée des traditionnels « on a gagné, on a gagné ! » suivi du non moins traditionnel : « un discours, un discours ! »

    Pressentant un calme relatif revenu, le fêté enlèva ses boules quies, et couvrant d’un long regard la foule en attente de ses premiers mots (ainsi que les journalistes), se lanca alors dans un discours qui bien que bref marquera, le le pense longtemps les esprits, et que, témoin de la scene je m’empresse de vous rapporter :

    « C’est très aimable à vous, chers ligériens d’être venus si nombreux m’accueillir reconnaissant ainsi mon talent...Eh oui, j’ai gagné ! Non, pas »on" ! vous n’y êtes pour rien et là je pense tout particulièrelent à tous ceux qui m’ont mis des batons dans les roues des années durant et qui se trouvent là, là et là (geste du doigt) la mine réjouie, fiers comme Artaban ce qui est un comble..

    Quand à cette foule, là devant moi (vaste geste du bras), ne croyez pas que j’ignore que cet accueil bruyant n’est ce pas ? n’est que prétexte pour s’adonner à ses plus vils instincts et ses mauvais penchants (boire plus que raison, faire un vacarme pas possible, bref s’étourdir)

    Ce que je ne peux cautionner sans renoncer à mes principes.. et ca, je pense -quoique je m’en fous -, que vous comprendrez..

    et là, devant un parterre de notables éberlués, rouges comme des coquelicots, le désormais celebre conteur, fendit la foule qui, bouches bées, se demandait encore s’il s’agissait d’une blague..


    • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2021 18:07

      @Loatse

      strictement impossible

      Je suis nul et non avenue ( c’est à dire qu’il n’y aura jamais de rue à mon nom, je le couche sur testament )


    • Jjanloup Jjanloup 28 mai 2021 16:30

      Bravo Nabum,et bravo Loatse pour vos talents de « dérisionnistes » ...


      • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2021 18:08

        @Jjanloup

        La dérision est un joli royaume pour les Princes sans rire


      • juluch juluch 28 mai 2021 16:56

        je me souviens de quelques concerts de métal et de fêtes de 14 juillet....mais je ne suis pas trop expansif.


        • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2021 18:08

          @juluch

          Expansion nous conduit à la ruine


        • mosel 28 mai 2021 18:16

          helas la cretinerie et un puits sans fond


          • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2021 18:42

            @mosel

            Une source (d’inspiration) inépuisable

            Pour ce puits, je trouve qu’il y a une multitude de sots


          • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 mai 2021 23:07

            C’est con la foule , a part pour le carnaval de Dunkerque.


            • xana 29 mai 2021 22:33

              Non, ce n’est pas toujours con, la foule.

              Je viens de voir les Syriens fêter l’élection de leur président, celui qui a réussi à ramener la paix contre l’alliance occidento-wahabite. Après dix ans de guerre contre la Syrie, ces gens se réjouissent malgré leurs morts et les destructions, sans parler de la haine des occidentaux qui continue à « sanctioner » ce peuple martyrisé.

              Cette foule ne m’a pas paru « con ».


              • C'est Nabum C’est Nabum 30 mai 2021 06:06

                @xana

                Quand la foule se regroupe pour des futilités, elle n’est que stupidité


              • PaulP 28 août 2021 11:16

                Je n’ai qu’une seule chose à dire, et pour cela je vais citer le site dont je trouve le nom très drôle : https://vive-la-biere.fr ! 

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