Schiappa : la justicière
Quand les membres du gouvernement ne respecte pas le principe de séparation des pouvoirs et qu'ils veulent se mêler de tout que reste-t-il de la République et de la liberté des gens ?
Marlène Schiappa est une secrétaire d’État qui parle beaucoup et qui s’exprime sans cesse sur les réseaux sociaux, souvent sans beaucoup de discernement à propos des affaires qu’elle traite mais aussi à propos de tout et n’importe quoi au seul prétexte qu’une femme est en cause. Les citoyens sont en droit d’attendre un peu plus de discernement et de sérénité de la part d’un membre du gouvernement. Aujourd’hui encore elle intervient sur les réseaux sociaux en rendant public sur son compte Twitter une lettre qu’elle a adressée à un bailleur social à propos d’une affaire délicate et dont la façon dont elle a été traitée peut porter à questionnement.
Madame E. est victime de violences de la part de son compagnon, devant leurs deux enfants C’est malheureusement une histoire encore trop fréquente. Les voisins se sont plaints de trouble grave du voisinage ‑des cris, des hurlements de la femme et des enfants, de façon continuelle‑ ; ils saisissent alors le bailleur qui a l’obligation d’assurer la tranquillité de l’immeuble. L’histoire, telle qu’elle est contée par les journaux, n’indique pas si les voisins ont signalé ces incidents à la police. C’est donc en toute ignorance que Madame la Secrétaire d’État rappelle dans son courrier l’obligation d’assistance à personne en danger. Accuserait-elle les voisins et le bailleur d’avoir commis un délit ? Si c’était le cas, le faisant sans preuve, elle se rendrait coupable judiciairement de calomnie et de diffusion d’informations de nature à porter préjudice à autrui, et moralement elle serait coupable de délation.
Je ne porte aucun jugement sur ce qu’ont fait ou pas fait les voisins. Les choses ne sont aussi simples que la Secrétaire d’État, tellement imprégnée de militantisme, le pense faute d’avoir les compétences suffisantes pour observer la vie, la société et le quotidien des gens. Je vais faire au voisin le crédit qu’ils aient averti la police et que celle-ci se soit déplacée. Les policiers ont-ils pu constater quelque chose ? Dans la plupart des cas lorsque les policiers arrivent sur les lieux le tapage a cessé ; dans ce cas de figure nous pourrions nous interroger sur un certain manque de curiosité de la part des policiers qui peut-être auraient dû se faire ouvrir la porte et éventuellement pouvoir constater des traces de coups sur Madame E. Mais il me semble que nous baignons dans des conjectures et qu’il n’est pas pertinent de continuer sur cette voie. Peut-être celle de la constatation du trouble par la police serait plus éclairante mais l’article ne dit rien à propos d’un procès-verbal qui aurait été dressé par la police. Il nous reste les attendus de justice qui disent que Madame E. avait déposé une plainte au commissariat et que le contenu de cette plainte confirmait le trouble de voisinage : « Justement les attestations produites par les défenseurs ne démentent pas les faits. Au surplus, la plainte déposée pour violence conjugale par Madame E. ne fait que corroborer les troubles évoqués », « Tous ces bruits, menaces et intimidations dépassent les inconvénients ordinaires du voisinage et […] sont constitutifs de manquements graves et répétés aux obligations du bail. Peu importe que soit évoqué le départ de monsieur des lieux le trouble de jouissance étant établi il convient de prononcer la résiliation du bail. »
Ce jugement étonne, et crée de l’émoi voire de la colère, parce que la juge semble ne pas prendre pas en compte la particularité de la situation dans ses conclusions, elle ne juge qu’en droit : il y a un trouble du voisinage manifeste et avéré donc elle applique le droit qui permet la rupture du bail. Est-elle fautive ? Dans une république le droit doit demeurer le droit et la justice doit être rendue en fonction du droit. Le droit doit bannir les privilèges ce que malheureusement il ne fait pas toujours, et par conséquent une femme doit être jugée comme un homme le serait, c’est ça l’égalité voulue par notre République : l’égalité de droit et aussi de devoirs. La règle de droit doit s’appliquer, et c’est dans la sanction qu’on doit prendre en compte les particularités d’une situation, c’est le principe fondateur, par exemple, du sursis. Dans le cas de Madame E. la juge aurait, si le code de procédure le permet, prononcer un délai pour l’expulsion et suggérer au bailleur de mettre en œuvre une procédure de relogement.
Cela ne fut me semble-t-il pas nécessaire car les gens ne sont pas aussi méchants et mauvais que semble le penser Madame la Secrétaire d’État, d'ailleurs le titre du Monde (16 août) indique "...menacée d'expulsion", donc l'expulsion n'a pas eu lieu. Le bailleur a fait savoir à la presse qu’il prenait en compte la particularité de cette situation : « Nous travaillons en bonne intelligence avec l’association qui soutient Madame E., et envisageons, à sa demande, un relogement, son loyer actuel étant, de toute façon, trop élevé. Nous ne cherchons qu’à la protéger. » Où voit-on, en tout cas dans les articles de presse, que le bailleur ait eu tellement de célérité à faire déguerpir Madame E. ? Je veux bien croire que le bailleur soit allé un peu vite, bien qu’à bon droit, pour faire exécuter la décision de justice, toutefois n’oublions pas qu’il s’agissait de trouble de voisinage et que le bailleur a des obligations vis-à-vis des autres locataires. Bref ne discutons pas plus sur la base de conjectures, hypothèses et en tout cas d’incertitudes. Mais en tout état de cause, il n’est pas admissible qu’une Secrétaire d’État puisse écrire et surtout rendre public sur les réseaux sociaux une accusation totalement infondée comme celle qu’elle profère à l’encontre du bailleur social, même si c’est sous forme d’une question qui laisse tellement planer de sous-entendus : « Est-ce habituel pour votre groupe d’expulser des locataires au motif qu’elles sont victimes de violences dans leur domicile ? » Cela pourrait relever de la calomnie et être portée en justice.
Au-delà de cela comment interpréter ce rappel en conclusion de la lettre de la Secrétaire d’État : « L’égalité femmes-hommes est la grande cause nationale du quinquennat et requiert la mobilisation de tous. » Est-ce à dire que les femmes auraient des droits supérieurs à ceux des hommes ? Est-ce à dire qu’elles pourraient s’exempter de respecter la loi ?
Laissons les arguties, fussent-elles fondées, ce qui doit retenir l’attention c’est, d’abord, la démarche calomniatrice de la Secrétaire d’État à l’endroit de ce bailleur social ; une société et une République ne peuvent pas être fondées sur la délation. Ensuite et surtout Madame la Secrétaire d’État ne respecte pas le principe républicain de séparation des pouvoirs. Celui-ci veut qu’un secrétaire d’État en exercice ne commente pas une décision de justice, la justice étant souveraine. Ici elle ne commente pas directement la décision mais elle incrimine le bailleur au prétexte qu’il l’aurait fait exécuter : quelle duplicité.
La France serait dans un régime de gouvernement normal plutôt que d’être dans un régime autocratique la secrétaire d’État aurait été démissionnée.
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