Selon que vous serez puissant ou misérable...
Ce bon Jean de La Fontaine, dans sa Fable « les animaux malades de la peste » proposait en conclusion de celle-ci une moralité qui se terminait par « les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir ».
Cette analyse se confirme chaque jour, et récemment, on a vu condamné à 1 an de prison, dont 4 mois ferme de prison un sans logis qui avait dérobé dans un tronc d’église la "fabuleuse" somme de 17,20 €.
Le « forfait » a eu lieu en cathédrale de Strasbourg, et la juge, vice-procureure en l’occurrence, Françoise Toillon a ajouté à cette peine une mise à l’épreuve de 2 ans et d’une obligation de travail et de soins.
Pour être tout à fait complet, le condamné est un toxicomane, ayant avoué s’être servi à plusieurs reprises dans ces troncs, et quand on connait la dépendance qu’entraîne la drogue de ce qu’il convient d’appeler un malade, plutôt qu’un délinquant, la décision du tribunal peut surprendre. lien
C’est l’un des employés de la cathédrale qui avait dénoncé l’accusé, constatant le larcin, salarié probablement par l’église catholique, cette même église dont le Christ voulait qu’elle soit la maison des plus pauvres.
Joseph Wresinski, fondateur du mouvement international ATD Quart Monde, était un religieux qui reprenait à son compte la parole de St Paul, l’un des apôtres du Christ, convaincu que « faire de l’homme le plus démuni le centre, c’est embrasser l’humanité dans un seul homme ».
Le père Joseph avait alors ajouté : « pour embrasser et sauver l’humanité, Jésus était obligé de se faire le dernier des derniers. Sinon, il eût été reconnu par les possédants, mais non pas par les plus humiliés ». lien
Pas de chance pour le « voleur de tronc de Strasbourg », il n’avait manifestement pas eu les moyens d’être défendu par un grand avocat, voire par l’un des disciples de St Paul, sinon, vraisemblablement, il n’aurait pas été condamné si lourdement, mais seulement pris en charge par nos services publics, pour être d’abord soigné de sa toxicomanie, puis aidé a reprendre pied dans la société.
Personne ne peut faire l’apologie du vol, mais que représentent 17,20 € pour l’église catholique, elle qui est à la tête de multiples propriétés, de banques, et d’une fortune que personne ne peut réellement évaluer de nos jours.
Avro Manhattan s’est penché sur la question dans son livre « les milliards du Vatican », et l’on peut lire au chapitre 26 de son livre : « l’accumulation spectaculaire de richesses de l’église catholique est un phénomène relativement récent (…) lorsque le Saint Siège a été privé des Etats Pontificaux par les italiens en 1870. (…) le Vatican à cette époque n’avait pas les ressources en espèces qu’il reçut du fascisme italien une décade plus tard, mais il avait suffisamment de millions pour investir dans les marchés mondiaux. (…) en 1929, au moment du Traité du Latran, le trésor de l’Etat du Vatican est devenu un fonds officiel. La même année, Mussolini a remis plus de 100 millions de Dollars au Vatican pour le règlement définitif de la question romaine. (…) tout en investissant largement aux Etats Unis, (…) les résultats, comparés aux normes, furent stupéfiants. Or le saint siège détenait à ce moment entre 10 et 15% de toutes les actions et les parts inscrites à la bourse italienne. (…) l’église se trouvé alourdie par sa richesse (…) mais également en raison de l’habileté des cerveaux financiers qui, depuis la 2ème guerre mondiale ont investi les milliards du Vatican partout dans le monde avec une dextérité sans pareille. Leur compétence (…) en transformé les millions du Vatican en milliards ».
Il finit son chapitre par cette phrase qui résume bien la situation « la réponse d’un officiel du Vatican qui, lorsqu’on lui a demandé de faire une estimation de la fortune du Vatican d’aujourd’hui, à répondu de façon très révélatrice : « Dieu seul le sait ». lien
Alors pour 17,20 euros un toxicomane croupit en prison, pendant que pour avoir menti à ses pairs, affirmant, avant de se rétracter, qu’il n’avait pas de compte caché en Suisse, un Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, après avoir menti « les yeux dans les yeux » à son gouvernement, et au pays toute entier, (lien) s’est vu seulement condamné à ne plus exercer sa profession de chirurgien pendant 3 petits mois. lien
Par contre, Olivier Thérondel, ex agent de la cellule de lutte anti blanchiment Tracfin a été condamné à 2 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir divulgué des informations relatives à Cahuzac. lien
Quelle sera l’éventuelle sanction qui frapperait un Jean-François Copé dans l’affaire Bygmalion (lien) ou un Nicolas Sarközi dont le financement des campagnes 2007 et 2012 semble suspect pour la justice ? lien
En tout cas, pour ce dernier, on vient d’assister à un nouveau rebondissement, car le portable de Paul Bismuth, pseudo choisi par l’ex-président, a été retrouvé dans des circonstances plutôt cocasses. lien
Les enquêteurs s’étant rendu chez Maître Herzog, l’avocat de Sarközi, avaient demandé à celui-ci combien avait-il de téléphone portable.
A la réponse offusquée de l’avocat, affirmant qu’il n’en avait qu’un, un enquêteur composa le numéro du portable de Bismuth, déclanchant la sonnerie de celui-ci dans la poche du peignoir de Thierry Herzog.
C’est en tout cas ce qu’à expliqué le journaliste Fabrice Arfi, lors de l’émission de Médiapart du 31 juillet 2014 à 19h30. lien
Cela va-t-il faire avancer l’affaire ?
L’avenir nous le dira.
Pour les justiciables, tout dépend le plus souvent du talent de l’avocat, mais aussi du pouvoir d’influence de l’accusé.
Ils sont quelques-uns, à être capable de défendre avec talent les pires des malfaiteurs, et peuvent parfois gagner contre toute attente…encore faut-il avoir les moyens de se les payer.
On se souvient de l’étonnante plaidoirie de Jacques Verges, lorsqu’il défendait l’indéfendable, c'est-à-dire le cas de Klaus Barbie, prenant la défense de celui-ci en se faisant chantre de l’antiracisme, et se plaçant délibérément dans les rangs de la résistance, comme on peut le découvrir dans cette vidéo
Et quid de celle de Maître Isorni lorsqu’il plaida avec brio le cas difficile du Maréchal Pétain, en faisant l’apologie de toute sa carrière, et allant jusqu’à le considérer comme un martyr ? lien
Malgré l’émouvante plaidoirie, il ne put faire échapper au maréchal la peine capitale, pour intelligence avec l’ennemi, avec pourtant juste avec une petite voix de majorité.
Mais il y a mieux.
Au moment où l’on commémore à tour de bras l’assassinat de Jean Jaurès, la droite accusant la gauche de récupération, oubliant que l’ex-président s’était revendiqué du même Jaurès, (lien) on a peut-être oublié qu’à l’époque, l’assassin de Jaurès, le tristement célèbre Raoul Villain, avait été acquitté, après avoir mis en prison tout le temps qu’avait duré le conflit de 14/18, et cerise sur le gâteau, c’est Louise Jaurès qui aurait payé les frais du procès, bien qu’aucun document officiel ne l’atteste.
Villain était le fils cadet du greffier en chef du tribunal civil de Reims, sa mère était internée dans un asile d’aliénés, et sa grand-mère étant atteinte de délire mystique.
Le pacifiste notoire Jean Jaurès avait brandi la menace de la grève contre la guerre, ayant eu peut-être la prémonition des dégâts qu’allaient provoquer celle-ci (la 2ème guerre mondiale, suite logique de la 1ère allait faire plus de 80 millions de victimes), et il commençait à gêner beaucoup de monde, y compris son propre camp, ceci expliquant peut-être l’étonnant acquittement de son assassin, d’autant qu’il avait été défendu par deux avocats réputés : Maîtres Zévaès et Géraud. lien
D’ailleurs le grand Jacques Brel avait bien compris que Villain n’était que le bras armé des va-t-en-guerre de gauche comme de droite lorsqu’il chantait : « pourquoi ont-ils tué Jaurès ? ». lien
Mais le petit voleur du tronc de la cathédrale de Strasbourg n’ayant pas été défendu par un avocat de renom, n’a peut-être pas été dans les meilleures conditions pour se défendre et il purge aujourd’hui sa peine.
Comme dit mon vieil ami africain : « Quand l’argent parle, la vérité se tait ».
L’image illustrant l’article vient de « r-sistons.over-blog »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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