Si on parlait du permis de conduire ?
Le secrétaire d’Etat chargé des Transports, Dominique Bussereau, a récemment envisagé de confier le passage des examens du permis de conduire à un prestataire privé, soit tout bonnement de privatiser le permis de conduire. Une idée qui a mis immédiatement les auto-écoles dans la rue...
Pour une grève qui n’a pas duré puisque le sous-ministre, n’écoutant que son légendaire courage, a mis immédiatement les deux genoux par terre...
Pour autant, au sujet du permis de conduire, de nombreuses questions se posent pour sortir d’un système qui, amplifiant les inégalités sociales, met des jeunes en incapacité de se procurer un réel passeport pour l’emploi...
Le permis gratuit, réalité de demain ?
La problématique
A l’occasion d’une séance du conseil régional Ile-de-France, le président Jean-Paul Huchon et les élus régionaux reçoivent les membres
du CRJ (conseil régional des jeunes) venus présenter leurs propositions
pour améliorer la vie des jeunes des quartiers sensibles. Parmi ces 40
propositions, six priorités dont celle-ci :
• Mettre fin à l’enclavement des banlieues notamment par la mise en place d’une bourse pour passer le permis de conduire.
Avec cette constatation : Alors que le permis de conduire est un véritable passeport pour l’emploi et l’autonomie, son prix reste inaccessible pour une majorité de jeunes.
Le permis de conduire les automobiles, ou plutôt la non-possession
de ce permis, est un obstacle majeur à la mobilité des jeunes.
Notamment en région suburbaine et en zone rurale.
D’autre part, le coût du permis de conduire atteint des sommes
inaccessibles pour tout jeune entrant dans la vie active et ne pouvant
être soutenu par sa famille. En effet, ce coût peut être estimé à 2 000
€, dans le cadre d’une réussite à la première présentation (40 heures à
35 € plus frais de dossier, frais d’examen, ouvrages pédagogiques,
formation au code de la route et frais induits).
Bien sûr, l’examen peut être présenté sans atteindre le nombre de 40 heures de conduite. Nous notons que dans le cas de réussite au dessous du seuil de 40 heures il s’agit de jeunes ayant bénéficier de la mesure de « conduite accompagnée » laquelle a un coût certain, et suppose un engagement important des familles, ce qui n’est pas dans le sens d’une égalité des jeunes devant l’examen. (source INRETS)
Le résultat de cette politique de coût élevé est connu :
1. Explosion du nombre de jeunes roulant sans permis.
2. Intérêt pour des formules rapides et forfaitaires ou l’apprentissage fait sur une période de temps très courte.
3. Tentation de passer un permis « à l’économie » et réduisant au
maximum le nombre d’heures consacrées à l’enseignement théorique.
S’il n’est pas nécessaire dans notre propos de s’intéresser trop longuement au point 1 qu’il faut évidement combattre vigoureusement, nous combattrons aussi les attitudes 2 et 3 qui engendrent des conséquences néfastes.
Il est important de rappeler l’hypothèse d’Ajzen (2000) :
Plus une croyance est accessible en mémoire, plus la probabilité subjective qu’elle caractérise le comportement est grande. Plus elle est positive ou négative et plus il est attendu qu’elle déterminera le comportement.
Le comportement du futur conducteur est donc conditionné par les
croyances mises en mémoire. Il est important de faciliter
l’apprentissage et la mise en mémoire de données comportementales très
positives afin d’obtenir du futur conducteur un comportement compatible
avec les objectifs nationaux de sécurité routière.
Ceci ne peut se faire que dans la durée : en effet, c’est la mémoire
procédurale, qui permet l’acquisition d’habiletés et l’amélioration
progressive de ses performances motrices.
Elle est peut-être la mieux connue des différents types de mémoires
implicites. C’est cette mémoire qui permet de conduire sa voiture sans
devoir être totalement concentré sur ces tâches.
La mémoire procédurale est inconsciente. Elle est constituée
d’automatismes sensorimoteurs si bien intégrés que nous n’en avons plus
conscience.
L’intégration des automatismes est impossible dans un apprentissage trop court.
C’est pourquoi les expérimentations pédagogiques montrent qu’à volume
d’apprentissage égal, la durée de l’apprentissage est gage de bonne
restitution.
La réduction du coût du permis par la réduction de la durée de
l’enseignement est donc totalement à proscrire alors que les
statistiques nationales sur l’accidentologie des jeunes sont
inquiétantes :
Les jeunes de 18-24 ans forment une catégorie à risque pour les
accidents de la route : alors qu’ils représentent environ 10 % de la
population, ils représentent en 2005 plus de 23 % des tués (1 222 tués)
et 22 % des blessés (24 163 blessés). (Chiffres de l’association
Prévention Routière)
L’étude Marc 1 réalisée par l’INRETS, qui étudie les jeunes
conducteurs de 18 à 25 ans montre clairement la disparité entre les
possesseurs de permis de conduire automobile : plus la proximité avec
la recherche d’emploi est importante (cas des non-diplômés et des
niveau V) plus le pourcentage de titulaire du permis de conduire est
faible.
L’exploitation des données CSP (catégories socio-professionnelles) des
parents des jeunes scolarisés montre que plus le niveau de CSP est bas
plus l’enfant a un niveau de diplôme bas.
A ce stade de la réflexion il est clair que nous sommes dans un cercle vicieux :
Parents de milieu social défavorisé = études courtes = arrivée rapide dans le milieu du travail = nécessité de mobilité mais impossibilité financière de passer le permis !!!
La région Poitou-Charentes, consciente des difficultés, mais
aussi des enjeux, a fait un effort significatif en instaurant un mécanisme d’aide au financement du permis de conduire pour les apprentis des métiers de
l’hôtellerie et du bâtiment. Ce montage a été ensuite élargi à un
certain nombre d’autres métiers. Il ne s’agit pas réellement d’une
gratuité mais d’une aide financière (sous condition de ressources)
pouvant atteindre 1 200 €, payable en 3 fois.
Il est possible d’aller plus loin en instaurant la quasi-gratuité du permis pour tout jeune de 18 ans encore dans le milieu scolaire, ou relevant du dispositif apprentissage.
En effet, le permis de conduire serait intégré à la formation initiale, ou aux périodes de formation dans les Centres de Formation d’apprentis, Sections d’Apprentissage, Unités de Formation et toutes autres structures de formation professionnelle.
Dans un premier temps, cette mesure s’appliquera en urgence aux
apprentis et aux élèves de lycées professionnels, dont la proximité
avec l’entrée dans le monde du travail impose l’acquisition rapide de
moyens de transport.
La mesure sera ensuite rapidement étendue aux lycéens de lycée
d’enseignement technologique, puis aux lycées d’enseignement général.
L’apprentissage du code de la route développe des compétences
transverses de lecture, de mémorisation, de respect de consignes et
de responsabilisation. Cet enseignement serait donné dans les murs des
établissements scolaires ainsi que des Centres de Formation
d’apprentis, par des enseignants formés et spécialisés dans le domaine.
Le contenu du code de la route pourrait être abondé par les notions de
citoyenneté, des connaissances sur les risques des conduites addictives
et une meilleure information sur les risques liés à la conduite en
général.
A raison d’une heure par semaine, ce serait 36 heures de cours théoriques, informations et échanges qui seraient dispensés sur une année scolaire.
L’apprentissage pratique pourrait être, lui ,délégué à des centres spécialisés publics ou privés ayant contractées avec la région qui les finance.
L’ensemble de la formation serait gratuit de même que l’examen, pour
la première présentation. (Une somme modeste serait demandée, en sus
des timbres fiscaux, pour la constitution du dossier, dans le but de
responsabiliser le candidat.)
En cas d’échec, les cours et présentations à l’examen supplémentaires pourrait engendrer un coût à la charge de l’apprenant.
Le respect des choix personnels des apprenants impose de considérer
également le permis de conduire les motocyclettes (permis A), et le
choix entre l’un ou l’autre des permis, auto ou moto, sera donné aux
apprenants.
La formation théorique intégrera la spécificité de chacun des permis en un tronc commun.
Il ne fait pas de doute que l’augmentation du temps consacré aux apprentissages théoriques du code de la route, avec un enseignement optimisé par des pédagogues permettra d’aller dans le sens d’une meilleure responsabilisation des jeunes futurs acteurs de la circulation routière, avec nécessairement une réduction du nombre d’accidents de conduite et de leur coût pour notre société.
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