Solidarité hypocrite : Intégration et insertion, deux principes d’acceptation de la misère
Les deux grands problèmes auxquels sont confrontés un pays au niveau social sont l’intégration et l’insertion. L’intégration concerne principalement l’immigration et la question des personnes sans-papier, ou clandestins. L’insertion concerne à la fois les chômeurs, les marginaux, sans-domicile fixe, et personnes ne travaillant pas. Ces questions de l’intégration et de l’insertion sont soigneusement séparées au niveau du discours politique et pourtant, elles relèvent immanquablement du même processus de fragmentation de la société, dès lors qu’un système a pris le pas sur les personnes la composant et la faisant vivre.
Que vous soyez handicapé, RMIste, chômeur, étudiant, ou SDF, votre principal problème dans la société est selon l’institution politique, un problème d’insertion. Cette insertion peut être l’acquisition d’un travail, trouver un logement, nouer des relations sociales, avoir une activité sociale… Aussi, il s’agit d’une procédure de normalisation pour des personnes en situation de difficulté, et confrontées à des problèmes aussi bien matériels que relationnels. L’on vous rabâche alors qu’il faut vous insérer. En gros vous devez rentrer dans la normale. Vous faites désordre, et on vous le rappelle bien, votre souffrance doit être traitée, non pas forcément comprise ou entendue, mais traitée de manière administrative, au sein des dispositifs mis en place pour vous par l’Etat. Ces dispositifs peuvent être l’Agence Nationale Pour l’Emploi, les services d’assistance sociale, et toutes les procédures vous allouant une aide financière, que ce soit les allocations familiales, l’aide au logement, le Revenu Minimum d’Insertion ou de Solidarité Active. Vous connaissez sans doute très bien cela : tous ces dispositifs font l’objet de discussions sans fin et de réformes depuis des décennies, dans un pays comme la France, et sous d’autres formes dans d’autres pays. Mais ces services à la personne n’existent pas dans de nombreux pays, dans lesquels la sécurité physique des personnes n’est pas assurée. Il ne s’agit pas ici de comparer les pays, et de se rassurer en regardant l’état de pays où le citoyen vit en danger, ou sous la coupe militaire ou d’un régime autoritaire ou policier, mais d’observer les choses comme elles se passent réellement, en l’occurrence dans un pays occidental comme la France.
A cette question de l’insertion, se rajoute également la question de l’intégration. Vous pouvez être un clandestin et ne pas avoir de papiers d’identité. Il y en a un certain nombre dans le pays, dans une situation précaire et se trouvant dans une situation d’illégalité du fait de ne pas avoir de papiers. Vous êtes donc confronté à un problème d’intégration, avec le risque que cela comporte d’être renvoyé dans votre pays d’origine, et à un problème d’insertion, parce que maintenant que vous êtes arrivés dans ce pays, vous souhaitez y rester et le plus longtemps possible. Les conditions de vie dans votre pays d’origine sont déplorables et vous avez décidé le tout pour le tout de passer les frontières, parfois en prenant des risques, pour essayer de construire une nouvelle vie dans un pays dans lequel la vie est ou semble plus facile, ou qui est en tout cas plus sécurisante à de nombreux égards, plus moderne et plus confortable. Vous avez donc un double problème d’intégration et d’insertion, et ce peut être un véritable parcours du combattant pour vous, parfois au péril de votre vie. Ces deux problèmes sont-ils si différents ?
Le principe d’insertion indique qu’il existe des personnes dans le système, et des personnes en-dehors du système. Il ne s’agit pas de dire que c’est comme cela, un point c’est tout, et de refuser d’aller plus loin dans l’investigation sur la question, ni d’accepter ce qui est dit simplement intellectuellement, mais bien de voir les faits, en-dehors de toute partialité particulière et de la manière la plus objective qu’il soit. Le principe d’insertion indique qu’il existe une division au sein de la société entre les personnes : les personnes insérées et les personnes non insérées. Même si cela n’est pas clairement dit et explicité, c ‘est ce que cela sous-tend, dans les faits. Mais qu’est-ce donc qu’être inséré ? L’idée d’être inséré dans la société n’est-elle pas elle-même une division ? En effet, quel besoin auriez-vous de vous insérer, si vous êtes déjà dans la société ? Or, vous n’êtes pas en-dehors de la société. Que vous soyez SDF, marginal, chômeur ou quoi que ce soit d’autre, vous êtes partie intégrante de la société. En tant qu’être humain, vous êtes la société elle-même. Ainsi cette division liée à l’idée d’être inséré ou non vient ultérieurement, elle n’existe pas au départ, mais elle est instituée de manière politique par l’Etat, qui assure un contrôle sur les lois et les activités économiques au sein du pays. Il s’agit d’une division arbitraire voulue par l’Etat afin de justifier le développement et la perpétuation d’un système particulier qui est celui du développement économique actuel.
De la même manière, le principe d’intégration indique qu’il existe des personnes sur le territoire qui ne devraient pas y être, et donc qu’il existe des frontières indiquant qu’au-delà desquelles vous n’existez plus pour la communauté particulière du pays. Vous êtes donc un étranger au système communautaire. Là encore, il ne s’agit pas de juger en bien ou en mal, mais d’investiguer sur les faits. Cela peut sembler très trivial et très simple, mais en fait il s’agit clairement de choses qui ne sont pas véritablement explicitées, et très rarement questionnées. Le principe d’intégration suppose l’existence d’une division entre les êtres humains indiquant que ceux-ci n’ont pas les mêmes droits ni les mêmes bénéfices, selon qu’ils appartiennent à la communauté ou non. Et cette appartenance à la communauté est une appartenance strictement administrative. En France, dans la loi, il ne s’agit clairement pas d’une appartenance religieuse, car la France est un pays laïc, ni d’une appartenance politique, la France est un pays démocratique, ni d’une appartenance ethnique particulière, la France est un pays multiculturel. La question de l’intégration repose donc sur des critères strictement administratifs, économiques, mais aussi idéologiques. Aussi l’immigration choisie veut que l’intégration se fasse si vous avez quelque chose à apporter au tissu social de la France, si vous avez des capacités reconnues, que vous soyez sportif ou intellectuel, si vous avez quelque chose permettant d’enrichir la France. Si vous êtes déshérité, sans diplôme, sans éducation, analphabète et sans compétences particulières, vous avez peu de chance d’être intégré au système communautaire français. Car une condition est aussi la pratique de la langue, en l’occurrence la langue française. Tout cela sont des détails, bien sûr importants pour les personnes concernées, mais ne sont qu’en surface de la question de l’intégration, au niveau de la mise en application des mesures politiques s’y rapportant dans ce pays particulier. L’intégration révèle donc un processus de division entre les êtres humains, qui est celui des nations et des états enfermés dans des frontières politiques, militaires et économiques. Cette division est un isolationnisme autour d’un territoire et d’une acceptation communautaire et culturelle commune, que celle-ci concerne une nation ou un groupe de nations.
Nous voyons donc que les principes d’intégration et d’insertion reposent tous deux sur un même processus, qui est un processus de division entre les êtres humains. Division entre les riches et les pauvres, division entre ceux qui ont du capital et ceux qui n’en ont pas, division entre ceux qui ont des papiers d’identité et ceux qui n’en ont pas, division entre ceux qui ont des capacités particulières et qui les exploitent, et ceux qui n’ont pas de capacités spécifiques à faire valoir, division entre ceux qui pensent la vie comme un processus d’accumulation matérielle et ceux qui pensent la vie autrement. Tout cela est inclus dans ce problème de l’intégration et de l’insertion. Aussi, la question d’économie souvent présentée comme unique, est bien sûr omniprésente, mais non exclusive dans cette question de la division entre les personnes. Il existe un système mis en place et institué par les politiques, qui est avant toute chose un système de gestion économique, et qui est basé sur la croissance, la concurrence, et la compétitivité entre les êtres, entre les entreprises, et entre les nations. La compétition est le moteur de ce développement. Si vous n’êtes pas compétitif, si vous n’avez pas un esprit compétitif, vous êtes d’ores et déjà exclus du système entrepreneurial, à moins d’avoir une inventivité et une créativité exceptionnelle. Si vous n’avez pas l’esprit compétitif, vous êtes d’ores et déjà considéré comme un employé manquant d’intérêt pour l’entreprise et sa réussite, et les tenants de l’économie s’aperçoivent très vite que vous n’êtes plus, comme ils attendent de vous, un élément mécanique de ce système qu’ils développent, mais un danger pour ce système, et doivent donc vous éliminer. Vous pouvez alors être mis au placard, poussé à démissionner, écarté du tissu social de l’entreprise, et finalement vous retrouver dans une situation de marginalité sociale impliquant de nécessiter de suivre alors un parcours d’insertion. Il s’agit donc d’un système qui se fortifie lui-même et qui n’accepte aucun autre moteur que sa fin propre, il absorbe toutes les activités humaines dans un processus de division, il contient à la fois la misère et la richesse, et ces deux aspects sont constitutifs de son développement.
Parce que vous êtes la société dans son ensemble, qui est le monde, ce processus de division intracommunautaire et intercommunautaire, ne peut mener qu’au conflit, et à la désintégration sociale et humaine.
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