Sortir de l’impasse : lorsque le Coronavirus suscite espoir et optimisme
En ces temps d’incertitude, la crise que nous traversons prend une dimension particulière. Elle parait surréaliste. Elle suscite l’inquiétude et ne laisse indifférent personne. Elle nous concerne tous au même titre et personne ne jouit de privilèges particuliers face à elle. Elle nous rappelle nos limites d’être humain et notre dépendance face à des choses qui nous dépassent.
Elle nous conduit inexorablement à prendre conscience de ce qui compte vraiment dans la vie : la santé, la famille, les amis, la solidarité, la paix intérieure, la foi.
Le confinement et le ralentissement de notre rythme de vie, imposés par l’existence de ce virus, qui a fait subitement irruption dans notre quotidien, est l’occasion de prendre le temps de s’arrêter un instant et de s’interroger sur la question de notre raison d’être et sur celle de notre devenir. Dans ce contexte particulier, chacun est prédisposé à écouter cette voix intérieure qui nous invite à méditer sur l’essentiel. A l’ère de l’hyperconnectivité, l’occasion m’est donnée de méditer, à tête reposée, sur le sens de mon existence, de changer mes habitudes de vie et de me questionner sur l’idée de la mort qui sommes toute est inévitable et que notre esprit rationnel peine en réalité à accepter.
Pour la plupart des gens, la question du sens de la vie est reléguée au plus profond de l’être pour qu’elle ne vienne pas déranger la conscience. Ce questionnement n’a pour la plupart d’entre nous aucun intérêt immédiat. En réalité la vie est un véritable cadeau : respirer, bouger, boire, manger, partager, penser, espérer, sont des choses que nous faisons chaque jour machinalement. Ces actes du quotidien prennent du sens et une toute autre valeur s’ils s’inscrivent dans une perspective plus large que celle qui se limite à notre condition de simple mortel.
Pour celui qui a foi en l'existence d'une entité supérieure qui oriente la marche de ce monde et de celle du cosmos, toute chose a un sens et une raison d'être. Avoir foi permet de percevoir les choses au-delà de soi-même, de prendre du recul, de lâcher prise et de garder le cap lorsque la tempête se lève et fait rage. Comment donc trouver la paix à l'intérieur de soi, trouver refuge et force au-delà de ce que peut nous offrir notre propre personne ? Lorsque les autres vacillent et son gagnés par l'incertitude, un sentiment d'impuissance et de résignation, l’expérience de la spiritualité permet à ceux qui la vivent de tenir bon, de se rattacher à quelque chose qui transcende notre condition humaine de simple crée. Y a-t-il une force qui gouverne ce monde ? L’être spirituel tire lui son énergie au-delà de sa propre personne, ce qui lui permet de franchir les obstacles de la vie. Sa foi produit des fruits qui ont une saveur bien réelle, qui procure réconfort et bien-être.
Ce que nous jugeons comme étant irrationnel fait partie intégrante de notre vie : croire, espérer, imaginer, entrevoir l’avenir. C’est en réalité une capacité propre à l’être humain. Chaque être humain représente un univers à part entière qui renferme ses secrets, ses particularités, ses dimensions visibles et invisibles. Rares sont ceux qui prennent conscience de la complexité qui nous caractérise et des choses que nous sommes en mesure de réaliser. Chacun jouit d’aptitudes insoupçonnées. Nous n’utilisons qu’une infime partie du potentiel dont nous disposons. Le perceptible interagit sans cesse avec l’imperceptible. Notre monde sensible interagit en permanence avec un univers qui ne peut être perçu que par l’ouïe du cœur. Malheureusement, nous cherchons le plus souvent à prémunir notre conscience de ce qui dépasse notre entendement.
Le confinement qu’impose à tout un chacun la situation très particulière que nous vivons représente une véritable occasion d’apprendre à profiter de l’instant présent. L’opportunité aujourd’hui de prendre simplement le temps de faire les choses se présente à nous. Nous pouvons profiter de l’instant présent pour nous remettre en question, pour nous améliorer humainement, pour prendre conscience de ce que l’on possède déjà et le valoriser : le simple fait d’exister, de pouvoir respirer, sentir, voir, écouter, sourire, s’émerveiller. C’est l’occasion de porter un regard attentif sur ma façon de vivre, sur le rythme de vie que j’ai pris l’habitude d’imposer à mon corps et à mon esprit.
Y aura-t-il un avant et un après confinement ? Cela dépendra de nous et de ce que nous voulons. Si j’arrive à mettre de l’ordre dans mes pensées, à mieux connaître l’être intérieur qui est en moi, et à prendre conscience du rôle que j’ai à jouer dans la société, j’aurais alors accompli un grand pas en avant et cet épisode de ma vie n’aura pas été vain, il m’aura permis de grandir. Cette pandémie ne marquera pas la fin de la marche du monde, il y aura bien un après.
Mais, à l’heure où notre planète est devenue une « poubelle » à ciel ouvert, pillée et dénaturée, de tels événements nous obligent à reconsidérer nos priorités : revenir à une forme de sobriété, de mesure, qui caractérisait des sociétés moins avancées. Dans de telles circonstances, nous sommes contraints d’apprendre à valoriser ce que l’on possède déjà et à en prendre soin. Parfois, l’homme a besoin d’être au pied du mur pour découvrir ce qui est véritablement bon pour lui et pour qu’il puisse révéler ce qu’il a de meilleur en lui.
Le système-monde fondé sur l’avoir est aujourd’hui ébranlé par cette pandémie, il n’est pas à l’arrêt mais presque. Ce qui se passe aujourd’hui nous rappelle l’équilibre fragile sur lequel il repose.
Pour une cause qui dépasse les frontières géographiques, culturelles, idéologiques et économiques, l'humanité sait encore se rassembler pour faite front. N’est-ce pas sa raison d’être et la seule voie de salut ? Les moyens humains et matériels mis en œuvre pour faire face à la pandémie en sont la preuve. Nous devons saisir cette occasion en puisant au plus profond de nous ces valeurs qui peuvent encore rassembler l’humanité et qui pourront nous permettre de réinventer notre monde aujourd’hui miné par l’individualisme, les inégalités, le paraître, un esprit de compétition néfaste, et toutes sortes de dérives que nos sociétés modernes ont générées. C’est en dépassant une perspective limitée à notre ego que nous pourrons être à la hauteur des défis auxquels notre société doit faire face. L’homme est sur terre pour réaliser de grandes choses, pour marquer l’histoire, en fonction des ses prédispositions et de la force de ses aspirations. Faire face à une crise sanitaire d’une telle ampleur est à la fois un défi majeur à relever individuellement et collectivement et une manière de jauger le degré des solidarités qui s'expriment dans une société. Il nous faut revenir aux valeurs universelles que chaque individu reconnaît instinctivement au plus
profond de sa prime nature et de son humanité. Certaines de ces valeurs que nous avons héritées de nos ancêtres s'effritent devant nos yeux, anéanties par une immoralité devenue norme.
L’éducation et l’attention que nous porterons aux jeunes générations sera le socle d’un changement qui ne peut se concevoir que sur le long terme. La destinée qui se dessine pour notre monde est conditionnée au plus haut point par les agissements des hommes et des femmes qui le peuplent. L'état de notre planète, meurtrie par la surexploitation de ses ressources naturelles, inhérente à une conception du bonheur génératrice de pollutions de tout genre et de mutilations quasi-irréversibles, ne laisse plus personne indifférent.
Cette pandémie, quelle que soit l'ampleur de l’emprunte qu'elle laissera, n’est que de passage. Après l'épidémie, la vie reprendra son cours. Si elle ne fait pas naître au plus profond de mon être la question du sens de mon existence, seule interrogation qui permettra d'initier collectivement une réforme de nos modes de vie, elle n'aura servi à rien. Une seule chose compte vraiment : trouver ma voie intérieurement, même dans le chaos, emprunter le chemin qui conduit à la sérénité. Pour cela nous devons repenser notre économie qui institue la surconsommation, le gaspillage et le jetable. D’autres valeurs et d’autres façons de consommer sont à mettre à l’honneur et à expérimenter. La satisfaction de nos désirs les plus immédiats ne peut conduire à un bien-être durable, que l’on ne peut rencontrer en réalité qu’au plus profond de soi.
Comment se libérer d’une routine destructrice qui nous interdit de prendre le temps d'apprécier simplement les choses ? Nous sommes esclaves de nos rythmes de vie effrénés et de nos occupations. Sommes-nous capables de repenser notre manière d'être et de vivre pour se recentrer sur des priorités qui en valent réellement la peine ?
L’humanité est-elle à l’aube d’un bouleversement majeur ? Vivons-nous la fin d’un cycle ? Quoi qu’il en soit, il est évident que l’alternative au système en place, qui se bat coûte que coûte pour sa survie, ne descendra pas toute seule du ciel, elle ne surgira pas de nulle part. Nous devons partir de l’existant, des initiatives dans les domaines de l’écologie ou de l’économie solidaire qui nous laissent entrevoir une lueur d’espoir dans la jungle qu’est devenu notre monde.
Le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui est confronté à une crise de valeurs. Le changement dépendra de notre capacité à agir ensemble. Les bonnes volontés qui portent les mêmes valeurs finiront certainement par se rencontrer et converger.
Comment devenir l’artisan du changement à mon échelle, en apportant, en fonction de mes aptitudes, ma pierre à l’édifice ? Le changement s’opérera à différentes échelles, en investissant ensemble différents champs d’action.
L’harmonie du cosmos, en perpétuel mouvement et évolution, est permise par des lois qui le régissent depuis toujours. L’équilibre de notre monde, grain de poussière dans l’immensité de notre univers, est tributaire de ces lois. Les hommes, par leur action, n’ont cessé de porter atteinte à cette harmonie propice à la vie sur terre.
Nous sommes dépendants de la nature qui nous entoure. Il existe une continuité entre l’humain et son environnement naturel. L’homme, infiniment petit dans cet univers sans limites, est dépendant de la biodiversité, des écosystèmes, qui font la richesse de notre habitat commun, cette belle planète dont nous ne prenons pas suffisamment soin. Cette pandémie est aussi là pour nous rappeler notre impuissance, nos limites face à ce qui nous dépasse, et la fragilité de notre planète.
L’esprit rationnel de l’homme cherche à apporter des réponses exclusivement matérielles et techniques aux maux du monde. Les réactions face à la pandémie en sont la preuve. C’est justement une divinisation du progrès matériel qui a conduit notre monde à la crise que nous vivons. L’homme est devenu ultra-dépendant de tout ce qui est matériel. Nous avons l’occasion aujourd’hui de nous défaire un instant, du superflu, de ce qui est éphémère, pour revenir à une sobriété et à une simplicité qui ont autrefois été source de bien-être.
Nous avons toutes les raisons de rester optimistes quant à l’avenir, de beaux jours sont devant nous et devant l’humanité à condition que des résolutions individuelles et collectives soient prises. Il nous suffit de croire et d’agir. Deux choix se présentent à nous : ne rien changer à nos habitudes ou, au contraire, emprunter la voie du changement.
Aimer, c’est être en paix avec soi-même et avec l’autre. Chaque homme, chaque femme, est un souffle de vie, un miracle en soi, qui mérite toute notre estime, toute notre attention. Notre quête de sens, de vérité n’aura de sens que si elle est partagée avec tous ceux qui aspirent comme nous à un monde meilleur, fraternel, fait d’amour, de compassion, de paix et d’équité.
Jamel Khermimoun
Géographe, chercheur en sciences humaines et sociales, auteur
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