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Accueil du site > Actualités > Société > Souffrance au travail : V. L’empowerment

Souffrance au travail : V. L’empowerment

Articles préalables

Souffrance au travail : I. Le surstress n’est pas une fatalité

Souffrance au travail : II. La religion de la mobilité

Souffrance au travail : III. La fabrique à stress

Souffrance au travail : IV. La réingénierie

L’empowerment, ce néologisme anglo-saxon tient son radical dans le mot power (pouvoir) auquel il adjoint implicitement les notions d’autorité et de puissance. Du coup, et même si les mots pouvoir, autorité et puissance sont voisins, l’empowerment est difficilement traduisible en français

Certains proposent autonomisation, d’autres capacitation les troisièmes préfèrent garder l’anglicisme, dont on retiendra comme définition, au sens qui nous intéresse dans notre série d’articles sur la souffrance au travail : ensemble des actes managériaux consistant à faire monter en puissance les collaborateurs, de façon à ce qu’ils se sentent autorisés et aient tout pouvoir de répondre aux besoins et attentes des clients.

En d’autres termes, l’empowerment incite chaque salarié à s’approprier son travail, à agir et décider au niveau qui est le sien. Dès lors l’équivalent en français pourrait être subsidiarité.

Mais quelle que soit l’appellation choisie, on a là une idée qui consisterait à faire du salarié un mini-entrepreneur. C’est-à-dire une idée qui oublie un peu vite de considérer que si salariat et entreprenariat recouvrent des concepts, des modalités, des intentions, des moyens par vocation complémentaires, ils n’en sont pas moins fondamentalement différents en termes de risques encourus, d’intérêts poursuivis et bien souvent aussi en termes de rémunération effective des uns et des autres.

Pourtant à en croire les chants de l’empowerment, tel qu’il s’est progressivement imposé dans nos entreprises à partir de la fin des années quatre-vingt-dix, les choses se passeraient dorénavant en douceur et nous serions (enfin !) tous égaux et en réseau.

A ceci près que, non seulement la vie professionnelle n’a jamais été un long fleuve tranquille, pas même quand existait encore le soutien des collègues et que l’on ne souffrait pas seul (cf. Souffrance au travail : I. le surstress n’est pas une fatalité http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/souffrance-au-travail-i-le-91336 ) mais de plus avec la recherche, à l’époque naissante, de certification qualité les procédures, que les théoriciens de l’empowerment dénonçaient pourtant comme la source de tous les maux, s’apprêtaient à tout régenter.

Une fois encore, nous allions nous retrouver face à une contradiction, et pas des moindres. Ce qui n’a cependant pas ému grand monde.

Quelques voix se sont bien élevées pour voir dans l’empowerment un retour insidieux au taylorisme à partir du moment où les organisations, grandes ou petites, publiques ou privées se sont mises à « Ecrire ce qu’elles font et à faire ce qu’elles ont écrit », comme le disent (souvent avec un brin de fierté ?!) les qualiticiens eux-mêmes.

À cette même époque le Professeur Jacques Ardoino http://www.whoswho.fr/biographie-jacques-ardoino_70052.html nous a expliqué que les produits et services ont beau afficher haut et fort leur conformité à la norme « ceci » ou leur respect des critères « cela », pour autant la certification qualité n’en oublie pas moins de nous dire que cette norme ne représente jamais que le seuil minimum en deçà duquel le produit ou le service ne serait plus commercialisable parce que devenu dangereux, nocif ou périmé. En un mot, devenu non-conforme.

En vérité se faisaient jour des regrets d’autant plus forts que la combinaison réingénierie http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/souffrance-au-travail-iv-la-91630 et empowerment laissait entrevoir l’apparition de salariés « jetables » n’ayant qu’à se conformer aux exigences du système qualité. Un système à propos duquel nous voyons maintenant les employés nous expliquer : On a perdu notre autonomie, on a des outils automatisés qui nous disent ce qu'il faut faire, et on a l'impression d'être des pions.

En fait, s’il est vrai que le management est aujourd'hui apparemment moins directif, moins hiérarchisé, que l’on est plus « copains » et que l’on se tutoie plus facilement, souvent, sous des aspects complètement superficiels, la fausse bonne humeur et l'apparente liberté ne font que favoriser le stress et camoufler la souffrance.

Dans la réalité du quotidien les techniques managériales de mutation organisationnelle permanente et de travail en mode projet, conjuguées à celles de réingénierie et d’empowerment, ont conduit le salarié à se débrouiller seul pour gérer les contradictions, avec peu de moyens et de moins en moins d’effectifs. Les employés, passé une certaine euphorie consécutive à leur nouvelle liberté, ont alors découvert le véritable poids des responsabilités. Celui d’être plus visible et de s’exposer aux critiques, à l’envie et à la jalousie.

Et ce n’est pas la rémunération variable individuelle qui allait arranger les choses.

Source http://astouric.icioula.org

À suivre Souffrance au travail : VI. La rémunération variable individuelle


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7 réactions à cet article    


  • Lorelei trinity 12 avril 2011 17:09

    J’aime beaucoup ses billets qui prenent aussi le temps de tout expliquer et de faire une analyse approfondis


    • PtitLudo PtitLudo 13 avril 2011 12:26

      Bravo pour cette série d’articles expliquant bien le monde du travail tel qu’il est devenu. Le « Travail » noble, celui avec une majuscule, qui permettais de se réaliser, d’être satisfait du devoir accompli, n’existe plus, en tout cas en entreprises d’une certaine taille.

      Or c’est ce « Travail » dont on n’arrête pas de nous vanter la « valeur », mais qui dans les faits n’existe plus. Tout a été fait pour déposséder les gens de leur savoir faire. Aujourd’hui, quelqu’un d’expérimenté dans une entreprise est quelqu’un dont on se méfie, que l’on va même aller jusqu’à placardiser.

      Alors évidemment globalement ça fonctionne moins bien, mais comme pour les chiffres du chômage, il y aura toujours une façon de présenter les choses de façon avantageuse. Mais l’énorme intérêt repose dans la pression que l’on peut ainsi faire peser sur les salariés et les économies structurelles réalisées.

      Allez aujourd’hui dire à votre patron ou votre RH, vous m’augmentez ou je pars, il va vous rire au nez, et pourquoi ? Parce que vous ne représentez plus qu’un petit engrenage dans la structure et qu’un engrenage, ça se change sans trop de difficultés.

      Beaucoup d’intervenants feraient bien de les lire, car visiblement ils sont restés au siècle dernier (et encore pas la fin du siècle) quand à ce que représente le travail.

      Enfin bon malheureusement comme il n’est pas question de musulmans, d’islam ou de hallal, j’ai bien peur que l’audience soit extrèmement réduite...


      • Leo Le Sage 15 avril 2011 18:07

        @Par PtitLudo (xxx.xxx.xxx.144) 13 avril 12:26
        « comme il n’est pas question de musulmans, d’islam ou de hallal, j’ai bien peur que l’audience soit extrèmement réduite... »
        hi hi hi hi hi !!! smiley smiley smiley smiley smiley
        Yohan est là... il saura attirer les mouches...

        « Allez aujourd’hui dire à votre patron ou votre RH, vous m’augmentez ou je pars, il va vous rire au nez, et pourquoi ? »
        çà dépend...
        Tout dépend de ta demande et de la façon de demander et du moment que tu as choisi : si tu veux 20%, ben il te lâchera la plupart du temps aussi même s’il est prêt à t’augmenter...
        S’il est de mauvaise humeur même si ta demande est valable, il pourrait refuser pour te rappeler qu’il a d’autres chats à fouetter.
        Si tu es un plombier compétent, le patron du BTP t’augmentera plus facilement si ses commandes sont remplies.
        Si tu es une personne stratégique, il t’augmentera aussi... (en théorie)

        Celui qui te rit au nez est plus un idiot qui ne connaît pas la valeur des ressources humaines.
        C’est par le biais des ressources humaines qu’on fait tomber plus facilement une entreprise.


      • Yohan Yohan 13 avril 2011 14:00

        Les grandes entreprises exploitent à bon compte les anglicismes. Le plus souvent, c’est de l’enfumage. Si le terme de « cost killer » n’a pas été traduit en français,c’est qu’il est lourd de sens. Tueur de coûts (supression prochaine des petites largesses habituelles)
        Passons au crible certains d’entre-eux :
        voyage d’incentive : stimulation ? (annonce d’une fusion restructuration)
        re-engineering : reconfiguration ? (futur plan social)
        team building : renforcement d’équipe ? (qui mettre dans la prochaine charette)
        knowledge management : gestion du savoir (open space en vue)
        j’exagère ? euh, si peu....


        • Leo Le Sage 13 avril 2011 18:22

          @Alain02 (auteur)
          Je me rends compte que les articles où il devrait y avoir un maximum de débat semble n’intéresser personne...

          Même ici je lis des commentaires très en-deçà du niveau requis...
          Yohan qui pense qu’il ne faut pas utiliser des anglicismes... smiley
          Il vit dans quel monde ? Le management est une invention américaine qui est maîtrisée par les pays anglo saxon bien plus que par les français.
          Il oublie même que dans un contexte strict de management il faut se faire comprendre et donc par conséquent utiliser la langue la plus utilisée dans le monde des affaires, l’anglais (le globish à la limite)

          NB:Les termes anglosaxons sont souvent préférables aux termes français dans le domaine du management.


          • Alain Astouric Alain02 13 avril 2011 20:40

            Oui, je sais ! En français ou en anglais le management d’une équipe au travail c’est : La mise en œuvre et la coordination des fonctions et des personnes qui remplissent ces fonctions pour atteindre un but donné. Cela étant, il y a ceux (peu nombreux), qui le savent et en tiennent compte. Il y a ceux (très nombreux) qui s’en foutent. Et il y a ceux (formés et informés) qui ont intérêt à ce que rien ne change. Moi, l’auteur, j’explique comment et pourquoi nous en sommes arrivés autant de souffrance dans le monde du travail. Et, dans ma prochaine conclusion, j’expliquerai ce que l’on pourrait faire pour redresser la barre. Cordialement. http://astouric.icioula.org


          • Leo Le Sage 15 avril 2011 18:17

            @Alain02 (auteur)
            « le management est aujourd’hui apparemment moins directif, moins hiérarchisé »
            Le management n’a pas beaucoup changé, en fait le management s’est durci...
            Vu que les tableaux de bord et les cahiers des charges doivent être de plus en plus respectés à la lettre, on ne peut pas demander aux Managers d’être dee gentils messieurs/dames...
            Si on vous dit que l’objectif de ton équipe est de X éléments, sachant que tu as du mal à atteindre Y qui est inférieur à X...
            Je doute que tu vas être dans ce cas là, le gentil dirigeant, mais je veux bien y croire.

            Lorsque on gère un centre de profit, on te considère comme responsable même si on ne te donne pas forcément tous les moyens pour y arriver.
            Tu as beau demander des moyens, parfois tu ne les auras pas.
            Il faut donc être astucieux : ce n’est pas à la portée de tous.
            Les dérapages peuvent donc être fréquents (et comme parfois c’est voulu...)
            Les tutoiements perçus sont des insultes pour quelque uns...

            Bonheur dans l’entreprise ?
            « la fausse bonne humeur et l’apparente liberté ne font que favoriser le stress et camoufler la souffrance » ?
            La Frustration mais pas le stress sauf dans les cas extrêmes...
            On te dit : « çà va ? » mais on ne peut pas répondre « Non, çà ne va pas... »
            Le stress n’arrive vraiment que lorsque la pression est là, et cette pression est forte lors de la présence d’un supérieur...
            (J’suis pas à la hauteur... il le sait, il va le voir, etc.)

            Un patron bougon n’est-il pas réellement stressant ?

            Le salarié ?
            Le salarié gère mal ce qu’on lui donne car les ordres sont souvent contradictoires...
            D’un côté on lui rappelle l’importance de la qualité du produit et de l’autre on ose quand même lui dire qu’il faut réduire les coûts.
            Ce sont deux aspects incompatibles...
            Le reporting crée plus de travail pour l’employé lambda : c’est souvent contre productif.

            La tendance étant à la polyvalence, les risques de contradictions sont beaucoup plus nombreux...

            Je me rappelle avoir donné un ordre correct à un chef de projet qui était en phase avec moi. Ordre qui a été contredit...
            Le client a tranché : j’avais eu raison.
            Une perte de temps car mon supérieur de l’époque ne maîtrisait pas le sujet.
            (Pas de vision globale d’un projet complexe)
            Le chef de projet a fini par démissionner... smiley

            Ne me demandez pas pourquoi... smiley

            Le droit d’être manager ne doit pas être offert au premier venu (fils de...) mais bien aux personnes qui ont toutes les capacités managériales requises.
            Ont sait toujours qui est apte à diriger, dans mon cas, je l’ai toujours su.
            Malheureusement, souvent on ne choisit pas le bon cheval...
            Quand ce dernier se cabre, le carosse tombe et son contenu se brise par terre...

            Et qui va payer les pots cassés ? smiley

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