Stages abusifs : sois stage et tais-toi !
En 2007, 800 000 jeunes ont effectué un stage en entreprise. En 2010, ils étaient 1,2 million. Soit une augmentation de 50% en 3 ans. Une main-d’œuvre qualifiée, à moindre coût qui fait le travail de salariés mais sans le salaire. Focus cette semaine sur les stages abusifs, un fléau grandissant dans le monde du travail.
Sois stage et tais-toi est le titre du premier ouvrage du collectif Génération Précaire qui dénonce les stages abusifs en entreprise. Le mouvement a été créé suite à l’appel à la grève spontané, diffusé sur Internet en septembre 2005. Composé de stagiaires (anciens et actuels) mais aussi de jeunes diplômés, le collectif bataille depuis plusieurs années pour revaloriser le droit du stagiaire et lui donner un véritable statut. Entre stage et emploi déguisé, la frontière est parfois fine !
Le stage : formation ou emploi déguisé ?
De nombreux stages sont aujourd’hui de véritables emplois déguisés au point que beaucoup d’entreprises ont oublié l’essence même du stage. Censé rimer avec formation, ce dernier a été complètement détourné de son usage premier. Officiellement, un stagiaire ne travaille pas mais apprend durant sa période de stage. Il apprend, certes, mais pendant un délai très court que l’on pourrait rapprocher de la période de formation obligatoire à chaque nouvelle embauche dans une entreprise pour un CDD ou un CDI. Une fois formé, le stagiaire devient un élément indépendant dans la société. De plus, aujourd’hui, la plupart des offres de stages réclament un certain niveau d’études ainsi que des compétences bien précises dont une qui revient régulièrement : l’autonomie. Un véritable paradoxe puisque le stage doit être encadré par un tuteur tout au long de celui-ci. Ces offres de stages ressemblent donc davantage à des offres d’emploi. A priori, on pourrait penser que le stagiaire bénéficie alors d’une excellente expérience à mettre sur son CV. Si on occulte la faible rémunération (parfois inexistante), cela pourrait être le cas sauf quand la multiplication des stages plombe l’emploi des jeunes diplômés.
Des offres de stages en pagaille
En effectuant une recherche rapide sur Internet pour trouver un emploi, on s’aperçoit vite qu’il y a un léger problème. Les entreprises ne proposent pas de « premier emploi » mais recrutent à la chaîne, des stagiaires terminant leurs études de master ou de licence (« recherche stagiaire en fin de cursus », « idéal pour un stage de fin d’études », « recherche stagiaire d’un niveau bac+5 »…). Une main-d’œuvre à moindre coût qui est donc capable de fournir le même travail que les jeunes diplômés. Conséquence : ces offres de stages s’apparentent plus à une offre d’emploi. Les jeunes diplômés se retrouvent à la fin de leurs études face à deux types d’offres : celles qui exigent plusieurs années d’expérience au même poste et celles qui proposent… des stages. Cherchez l’erreur… Le sujet du « non-emploi » des jeunes diplômés, remplacé par le stage est rarement abordé. Et pourtant, ces stages par milliers nuisent gravement à l’insertion professionnelle des « masterisés » et « licenciés ». Pire encore, certaines entreprises peu scrupuleuses, recrutent ouvertement des diplômés qui ne sont plus en formation.
Profession : stagiaire
Récemment une offre de Danone a fait bondir le collectif Génération Précaire puisque la société recherchait un « stagiaire chargé de recrutement ». Dans les compétences voulues : « diplômé d’un bac +5 », « autonome » et « productif » et dans les missions : « sélection des candidats », « conduite des entretiens de recrutement », « suivi des candidats », « participation à l’évaluation des stagiaires ». Danone voulait donc un stagiaire pour recruter des stagiaires et des salariés ! Incroyable mais vrai… Et ce n’est pas la seule société à avoir ces pratiques.
Mais pour être en stage, il faut obligatoirement avoir une convention. Comment fait-on si nous sommes déjà diplômés ? Les entreprises proposent alors aux diplômés de se réinscrire à la fac dans un DU (Diplôme Universitaire) quelconque afin d’obtenir une convention. Des étudiants fantômes qui ont fini leurs études mais qui font des stages car les entreprises ne veulent pas les payer en CDD ou CDI. Une aberration dénoncée, en partie par Génération Précaire mais aussi par la célèbre blogueuse Yatuu, qui s’est fait connaître grâce à ses dessins humoristiques sur sa « triste vie de stagiaire ». Mais à partir de quel moment peut-on dire qu’un stage est abusif ?
Stage abusif or not ?
Plusieurs motifs peuvent qualifier un stage d’abusif. Par exemple, si le tuteur est inexistant, très peu présent ou à distance. Si le stage est un motif pour remplacer une personne en congés maladie ou en congés maternité (emploi réservé aux CDD). Ou si encore le stagiaire occupe un véritable poste avec des responsabilités au point de recruter lui-même son successeur. Un stage est également abusif lorsque la rémunération minimum n’est pas respectée. Rappelons qu’un stage de 2 mois ou plus doit être rémunéré minimum 30% du SMIC soit 417 €. Contrairement aux idées reçues, des sociétés ne respectent même pas ce premier principe en proposant des stages non rémunérés ou en multipliant les conventions avec césure de quelques jours pour échapper à la législation sur l’indemnisation du stagiaire au bout de 2 mois.
Alors que la crise sévit toujours et que 23% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, les entreprises continuent de profiter librement et légalement des stagiaires ! Qu’en pensent les patrons, les syndicats et les stagiaires eux-mêmes ? Les stages sont-ils tous abusifs ou peuvent-ils être un véritable tremplin dans le monde du travail ? Eléments de réponse dans le reportage ci-dessous.
Voir la vidéo de l'interview - Stages abusifs : sois stage et tais-toi !
Ornella Dallery - News Of Marseille
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