The Perfect Moment
Je ne pouvais pas laisser passer cette fin d’année sans vous trousser un dernier petit billet. J’aime bien trousser des billets. Pas que des billets d’ailleurs, car ce verbe évoque plutôt des étreintes passionnées dans des meules de foin , images qui n’ont plus leur place dans les pensées de nos concitoyens englués dans le béton de nos cités tentaculaires ou, reconnaissons-le, les halls d’immeuble n’ont pas la poésie de nos portes cochères d’antan, complices d’activités fornicatrices bien plus poétiques que la plus conviviale des tournantes improvisée dans les caves de nos immeubles.
Pourtant c’est de bonheur dont je voulais vous entretenir car, pour ceux que la langue de Georges Bush répugne, tout le monde n’appréciant pas la langue de veau, “the Perfect Moment” est un moment de pur bonheur, d’extase parfaite, aussi pur que le rayon vert qui, s’élevant de l’océan au moment exact ou l’astre lumineux lance son dernier rougeoiement avant de s’engloutir dans un océan qui n’a rien à voir avec les flots grisâtres que tu contemplais lors des congés payés familiaux à Fort-Mahon-Plage (1).
Hé oui, avant que la France ne devienne Sarkosie, il existait un court moment dans l’année ou l’on pouvait ne rien faire tout en touchant son salaire. Étonnant non ? d’aucuns assurent également que certains jours de la semaine étaient consacrés au repos ce qui me semble bien improbable et en tous cas totalement incohérent en regard d’un fonctionnement entrepreneurial harmonieux.
Mais notre époque ne manque pas de menteurs, de radoteurs et de propagandistes de billevesées… Enfin, Dieu me tripote, il n’y a plus de socialistes…
Mais je vois que tu redresses la tête à l’évocation du mot bonheur, à moins que ce ne soit un machinal mouvement pour évaluer si ton 11 ème étage est toujours à sa place entre le 10ème et le 12ème de la tour “Mon Logis”, avant de te lancer dans cette ascension qui aurait pu être facilitée par l’ascenseur, si le syndic n’avait pas englouti l’argent nécessaire à sa réparation dans un séminaire organisé aux Seychelles sur la “sécurité dans les escaliers”.
Mais si, ce “Perfect Moment” existe, pour toi aussi. Il te faut le chercher, et lorsqu’il est là, en jouir sans retenue, ne pas le laisser échapper.
Le chercher te dis-je…
Certes tu as déjà essayé. Dans ton petit HLM obtenu grâce à l’entremise de l’oncle du beau-frère de ton ex-femme qui connaissait quelqu’un travaillant à la mairie, n’as-tu pas un écran extra-plat, aussi plat que ton compte en banque, sur lequel le vendeur prélève pour les dix prochaines années une mensualité qui ferait vivre un village africain de taille moyenne (2).
N’as tu pas zappé de chaîne en chaîne, t’attardant parfois sur ces chefs d’œuvres modernes qui, à l’instar de “Questions pour un champion”, montrent au pays qu’il n’y a pas de limite à l’inculture et que ton président n’est pas le seul à croire que Montherlant est un glacier, Boris Vian un ancien dissident russe et Sartre la capitale de la rillette…
Hélas les 25 chaînes commerciales privées, pas plus que la chaîne publique qui n’émet plus que de 23h à 2h15 pour d’inexplicables soucis de trésorerie, n’ont pu combler cette recherche.
Certes un ordinateur et une connexion Internet aurait peut-être pu te permettre d’atteindre le nirvana. Ou du moins faire de toi un homme moderne qui “surfe sur le net” comme ils disent dans la publicité qui constitue l’essentiel des programmes télévisés… Ce sera un investissement à envisager lorsque tu auras fini de payer le téléviseur et que tu auras retrouvé du travail…
Pourtant c’est là, dans ce clapier où nul lapine ne veut plus te suivre que le “Perfect Moment” peut arriver…
A tous moments. Comme ce soir, alors qu’intrigué par des frôlement dans le couloir que la pitoyable acoustique des cloisons de papier mâché a répercuté vers un tympan pourtant durci par des pratiques malsaines (3), tu t’es approché de la porte avant qu’elle ne t’explose au visage !
Et que tu vois surgir de la poussière du chambranle arraché par un coup de pied viril, un monstre en uniforme, casqué et équipé d’un bouclier translucide et d’une matraque bien plus longue que la baguette que le farineux réchauffeur de pain du coin te vend à des prix défiant l’entendement et la morale.
Et que sous tes yeux ébahis tu vois apparaitre à ses cotés une musaraigne recouverte d’un manteau de cuir noir, dont le revers s’orne d’un insigne à l’effigie du ReichFürher Hortefeux (4), dont la bouche aux lèvres minces s’étire dans un sourire gourmand de pervers en action, sous de minuscules moustaches noires dont la mode était passée depuis 1944 et qui semblent ces derniers temps de nouveau en vogue.
Et que ce détritus, avec un hoquet jouissif éructe de sa voix de fausset “Mamadou Traoré, au nom du Préfet, au nom de la république, - claquement de talons- veuillez nous suivre ! Vous êtes -nouveau hoquet de bonheur- le 26.000 expulsé de l’année”
Ce “Perfect Moment”, en Sarkozie, il est là ! Il est à ta portée ! Ne le laisse pas échapper !
Ce sera quand, levant le nez sur le bestiaux qui te domine de ses épaules de rugbyman et de sa tête hydrocéphale, tu tendras ta menotte et, pointant le palier, tu susurreras : “Mamadou Traoré, c’est la porte d’en face”
Bonne année tout de même,
Alain Renaldini
(1) Putain, j’aurais pas détesté être capable de torcher des phrase comme celle-la. V. Hugo
(2) L’auteur serait de gauche que je ne serais pas étonné. F. Bayrou, Ministre de la morale publique, ex-futur 1er ministre socialiste
(3) La masturbation rend sourd ! “hein ? quoi ? Distribution de topinambours ?”
(4) En vente 3 € dans tous les WC publics (ndlr)
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