Un dimanche plein de « pré-jugés »à Sciences Po
La journée fut tout à fait surréaliste ce Dimanche passé à Sciences-Po Paris, durant les Assises de la Lutte contre les Préjugés. L’intervention finale fut assurée comme à l’habitude par le grand maître souvent requis en de telles circonstances, Monsieur Jacques Attali (Conseiller des Présidents et logiquement Président lui-même de, Planète Finance…). Il invita ainsi à étendre les pouvoirs du Tribunal Pénal International afin d’accroître l’application de la fameuse Charte des Droits de l’Homme... Outre cette intervention, l’affaire de ce colloque était initialement « pré-jugée » et les conclusions prévues conformes à la Gouvernance prétendument démocratique régissant notre pays.
Un jeune homme courageux et presque héroïque, bouc émissaire tout indiqué, vint malgré tout légèrement secouer l’arbre de la pensée unique. Il évoqua sa souffrance croissante de » jeune homme blanc, catholique en outre ». Il fut l’objet de la risée de presque tout un amphithéâtre acquis à la cause du Droit de l’Hommisme panaché de laïcité, cette pensée unique que chacun est "invité" sans cesse à promouvoir. Relater cette session en commençant par la fin s’impose logiquement tant le scénario paraissait écrit par avance. L’accord de l’Assemblée fut conçu pour être total. Aucune opposition intellectuelle réelle ne participait du séminaire. La famille régnante était au complet, avec un représentant de chaque lignée ou confrérie.
Entrant dans le hall de cette fabrique de pensées formatées pour diriger demain notre pays afin que rien ne change et que la réseaucratie actuelle demeure, chacun rencontrait immédiatement quelques repères symboliques. De longues tables offraient ainsi au passant une information exemplaire relative à tous les lobbys recouvrant notre société. La plus belle fraternité s’affichait en coordination de tous les pôles d’influence. Notre démocratie se doit de sauver les apparences au travers d’une jolie diversité de façade. Le flot des concepts imposés à longueur de journée dans les-leurs médias ne tarda pas à inonder cet « hémicycle » préambule de celui de l’Assemblée Nationale, située à quelques centaines de mètres. A la capitale comme dans tout le pays, le pouvoir est centralisé, autant que le périmètre de la pensée autorisé est réduit.
L’on entendit ainsi évoquer à volonté telles de vieilles mouches chargées de faire les piqûres de rappels d’un mental collectif obligatoire, ici la « diversité », là notre chère « parité », ailleurs des « discriminations » mêlées de « vivre ensemble ». Assurément, les Cercles sont fermés et les formules automatiques. Les thèmes des tables rondes (ailleurs elles seraient plus volontiers triangulaires et gantées) nous situaient d’entrée dans l’état d’esprit toléré.
Préjugé ? Une réalité plutôt.
A 12h00 le débat portait sur « Préjugés : boite de pandore de l’année 2010 », puis à 16h00 le temps fébrile démocrateux osait « Quand les figures d’autorité dérapent ». Certains semblaient craindre manifestement de perdre la main. La démocratie reste jolie en photographie. Des ateliers divers cadraient la réflexion dans les limites requises, qu’il s’agisse de l’Europe (d’autres parleraient d’Européisme), des vilains médias accusés d’avoir osé ces derniers mois « véhiculer des préjugés ». Les intervenants participaient essentiellement du milieu universitaire et journalistique suffisamment officiels et Institutionnels. Des psychanalystes guérisseurs de réflexion insoumise remplissaient aussi les tribunes (oser penser autrement relèverait-il de la pathologie, névrose, psychose ?). Enfin, toutes les associations et lobbys oeuvrant toute l’année sur nos plateaux de télévision pour faire croire à la démocratie jouaient joyeusement ensemble au jeu de la liberté de parole subventionnée. Chacun suivait le troupeau. A n’en pas douter, Coluche serait aujourd’hui un dangereux populiste, et Chaplin se trouverait privé de parole bien qu’évoluant dans un film muet. La Cantatrice chauve de Eugène Ionesco à Sciences Po !
Non loin de l’hémicycle, toute personne se rendant aux toilettes ou cafétéria à la pause se trouvait confronté à un étonnant stand du Modem, prenant forme de cerise orange sur un étrange gâteau idéologiquement monocolore. Une table circulaire tournant bien en rond affichait « Du préjugé au repli ». L’on entendait résonner les vieux haut-parleurs des années 80, quand le PS programmait « SOS racisme » au fronton de la bonne conscience du règne de Tonton. Des mains fraternelles de « Touche pas à mon pote » tendues vers la crise du logement jalonnaient en effet l’entrée de Sciences Po. Le MLF ou ses successeurs paraissaient à contrario plus discrets ce dimanche, on y pouvait discrètement rencontrer une Présidente de « parole de femmes ». Le vocabulaire serait ainsi fondamentalement sexué. Quoi qu’il en soit, la grille des salaires, la prostitution publicitaire de l’image de la Femme… rien ne change. Les lobbys changent de nom, seulement. Les causes sont dans la file d’attente pour alimenter les plats réduits du JT. Les Commissions font vivre des Conseillers au gré des informations et débats habilement insufflés. Les Rapports thématiques justifient l’existence des poubelles.
Vers 16h00 la « démocratie » télévisuelle arrivait en force les bras chargés des « grands intellectuels » du moment. Les historiens et psychanalystes, politologues, n’étaient alors plus rien, ou presque. Bruno Gaccio entra, qualifié comme « Auteur » sur l’estrade (à moins qu’il ne s’agisse de « hauteur « , celle des guignols de Canal+, et d’ailleurs), suivi de Yann Moix reçu en « écrivain et cinéaste » orné d’une jolie barbe de trois jours afin de correspondre aux critères actuels de l’esthétisme. Les étudiantes présentes croyaient à nouveau aux princes charmants, médiatisés surtout.
Chacun sentît alors que quelque chose de grand allait se passer. La Pensée irait enfin culminer dans la plus grande culture et réflexion. Serge Moati était annoncé comme « modérateur » du débat. Tout pourrait donc se dérouler dans la plus grande fraternité. Un instant d’extra-lucidité frappa soudain la tribune. Notre brillant et télégénique intellectuel Yann Moix reconnût que tout n’était que nivellement (par le bas ? ) dans les médias, évoquant « l’émission de Laurent Ruquier ou les chanteurs, politiques, intellectuels, se trouvent situés au même niveau ». Outre son affirmation sous-jacente et toujours utile à rappeler qu’il participait de la troisième catégorie, nous ne pouvions qu’en convenir avec lui, et le regretter. A Sciences Po ce Dimanche, comme à France Télévision la veille, le haut du panier de la ménagère faisait autorité.
Cette table ronde de 16h00 tourna en rond, presque idéalement. Seul le jeune intervenant du public s’auto définissant comme « blanc de souche et catholique en plus » à qui l’on attribua quelques secondes (la démocratie est minutée pour le peuple) vint donc réveiller l’assistance. Le ricanement général se plaça du coté du Pouvoir dominant de la Tribune. A travers ce jeune homme conspué, notre ami Eric Zemmour aura eu sa seconde de martyre. Le programme en vînt alors enfin à s’achever (et nous par la même occasion ?) par la « Leçon de Clôture » selon le terme du prospectus de présentation. Monsieur Jacques Attali rappela aussi que les jeunes accédant à Sciences Po étaient hélas toujours majoritairement issus des milieux privilégiés, bien connus de l’orateur. Il arriva quelque peu en retard, chacun comprit mieux l’honneur qu’il nous faisait de sa présence (si rare dans les médias, colloques, librairies...).
Durant cette journée supposée lutter contre tous les préjugés nous venions une fois encore de prendre une leçon, de soumission. Oser dire que l’on aima la France plus que l’Europe aurait été un signe de fermeture réactionnaire. S’interroger sûr le modèle d’intégration ou sûr la compatibilité (à ce stade de l’Histoire) entre certaines cultures religieuses fût immédiatement taxé de racisme primaire. Oser s’inscrire dans l’héritage fondamentalement chrétien de notre pays, se dire attaché à la Nation face au Mondialisme fourre-tout et uniformisateur, critiquer la gouvernance mondiale que certains s’attribuent pour leur bénéfice réseaucrateux, dire que certains dominent divers secteurs…vous n’y pensez pas ! Préjugés ?
Ce séminaire recouvrait d’abord un condensé de tous ceux de la « classe » dirigeante.
A croire que le chaos actuel résultant précisément du florilège de préjugés façonnant la Pensée dominante imposée à tous depuis des années ou siècles, pensée unique ressassée encore tout ce dimanche à Sciences Po (tout en prétendant à une démarche contraire), à croire qu’il faudra l’apocalypse (« révélation ») suprême pour changer le cours des choses. Cette dimension finale de civilisation fut en effet rapidement évoquée lors d’une intervention. Les petits juges chasseurs des "préjugés" des autres, de ceux du bas peuple, semblaient ne pas réaliser encore que leur monde s’écroule sûr lui même au travers de la crise actuelle, dont ils sont les premiers responsables.
En attendant d’être pré-jugés eux même, coupables du rabaissement général de notre société et de l’être humain, nos petits juges et grands Maîtres semblaient à leur aise dans leur palais doré de reproduction d’élites.
Guillaume Boucard
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