Un enjeu essentiel, le renseignement

La bataille va être rude entre ceux qui ont accaparé cet outil essentiel et ceux qui veulent remettre les choses à leurs places. Le renseignement a été longtemps la mission principale de la Gendarmerie. Au mépris de la loi d’Août 2009, elle en a été écartée. Je vous propose la lecture d’un essai sur l’organisation des services de renseignement en cas d’alternance politique.
jean-jaures.org - Publications
S’il est une chose précieuse dans la gouvernance d’un pays, c’est bien la possibilité d’anticiper des situations, ou de réagir le plus justement possible à un événement.
Les services de renseignements sont chargés de cette mission primordiale. Les espions à l’intérieur comme à l’extérieur existent depuis la nuit de temps et il n’est pas une décision d’un chef qui n’ait été prise sans qu’il n’ait eu recours à leurs services.
Vous avez remarqué que les services de renseignements ont été complètement réorganisés par Monsieur SARKOZY dans le but de les maîtriser complètement depuis le Palais.
Dans le souci affiché d’éviter les écueils qu’ont connu les services américains en 2001, l’ensemble des chaînes de renseignements se sont concentrées pour aboutir au chef suprême.
Dans le nouveau système et malgré la loi de réorganisation de la Gendarmerie qui affirmait son rôle dans ce domaine, cette institution n’est plus chargée que d’une mission auxiliaire à celle de la police. Les organes d’analyse et de transmission du renseignement sont fondus dans ceux de la police. Bref, la gendarmerie n’existe plus par elle-même et une nouvelle fois, les législateurs n’ont servi à rien.
Bien que cela ne soit évoqué nulle part, je ne peux m’empêcher de penser que l’éjection de la gendarmerie de la protection des personnalités soit liée à cette centralisation des renseignements à l’Elysée. Il y a trente ans, d’autres préféraient les écoutes téléphoniques.
Mais voilà, rapidement ce système à l’extrême concentrateur a vite montré ses limites et il y a fort à parier que l’avenir nous réserve de belles surprises.
Aujourd’hui, le premier ministre n’existe plus dans cette maîtrise de l’information nécessaire à la prise de bonnes décisions. Il semble bien que les fonctionnaires spécialisés professionnels soient passés au second plan, laissant les proches du président diriger la manœuvre et on se retrouve avec des paysans qui déversent de la paille sous les fenêtres de la Présidence.
Tout ce que nous avons récolté c’est un contrôle de plus en plus serré d’internet puisqu’il fait pâlir d’inquiétude toute une classe dirigeante qui ne maîtrise plus ce qu’ils veulent nous faire avaler sans broncher.
Je vois renvoie au constat fait dans un essai qui s’appelle Réformer les services de renseignements qui est disponible sur jean-jaures.org - Publications –
Je vous conseille la lecture de ce document dont je vais essayer de vous résumer l’essentiel.
Réorganisation -
Les auteurs, Jean-Jacques URVOAS et Floran Vadillo, font le constat de la situation actuelle correspondant peu ou prou à ce que je viens de vous dire, mais y ajoutent une potentielle condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En effet, il n’y a pas de loi dans notre pays pour encadrer l’activité de nos services, ce que cette cour exige.
Pour prévenir une nouvelle condamnation, les auteurs proposent le vote d’une loi qui reconnaît d’une part la nécessité absolue de l’existence de tels services et d’autre part qui officialise leur existence.
Ensuite , viennent les réformes nécessaires. L’esprit de leurs propositions est clair. Ils replacent le premier ministre à sa place dans le traitement des informations.
Ils souhaitent mettre en place un nouveau Conseil National du Renseignement ( CNR ) . Ils le laissent sous l’autorité de la Présidence de la République, mais suggèrent d’y voir siéger, le premier ministre, les ministres de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et du Budget ainsi que le Coordonnateur National du Renseignement. Sur le modèle d’autres comités restreints, le Président peut y adjoindre d’autres ministres suivant les besoins.
L’administration régulière reprend sa place. Le politique, retrouve ses responsabilités. Les batailles d’influence entre personnalités d’une cour inutile deviennent sans objet. La présidence prend la distance nécessaire avec les évènements.
Le coordonnateur deviendrait l’élément central du nouveau dispositif par son rôle d’animation, d’orientation des services, pour faire simple. Il pourrait diriger le Secrétariat Général du Renseignement rattaché au premier ministre et annuellement fournirait un rapport aux parlementaires spécialisés.
La transition est toute trouvée pour évoquer le contrôle des représentants élus au parlement.
Le contrôle parlementaire sur les services de renseignements – Vers une commission parlementaire de plein exercice.
L’actuelle Délégation Parlementaire au Renseignement ne semble pas donner satisfaction.
Les auteurs de l’essai proposent d’y remédier.
Il désirent revoir la composition de la Délégation actuelle pour la rendre plus efficace
La composition :
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représentation de chaque groupe parlementaire
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remplacer les présidents de la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat par des parlementaires capables d’y exercer effectivement un rôle.
Ils proposent que ces membres soient également membres de droit de la commission des interceptions de sécurité qui ne semble pas avoir joué son rôle dans une affaire médiatique l’an dernier.
Les services de renseignement pourraient être « expertisés » (surveillés !) au travers d’un nouveau Comité de Suivi des Services de Renseignement. (CSSR) composé de membres nommés. Je ne m’étends pas sur ce CSSR dont les chances de voir le jour sont égales à celles de gagner au loto. L’intention est pourtant louable.
La gestion des ressources humaines et la promotion d’une culture nationale du renseignement est le point fort de l’essai que nous lisons.
L’ Académie du renseignement. Les auteurs de l’essai complètent le rôle de cette académie et en font une structure essentielle.
Cette institution est décrite comme génératrice de liens personnels entre les acteurs du renseignement quelles que soient leurs origines pour tenter de gommer les rivalités et créer un « esprit renseignement ».
Je vous conseille de vous attacher à la lecture des ambitions des auteurs de l’essai pour prendre la mesure de l’enjeu.
Ajustement des réformes précédentes :
Sur le territoire le regroupement des services n’est pas contesté, mais le rattachement de la DCRI à la direction de la police semble insuffisant.
Il est envisagé la création d’une Direction Générale de la Sécurité Intérieure attachée au ministre de l’Intérieur directement.
Ainsi la D.G.S.I. serait à égalité avec la D.G.S.E. et de plus le contrôle démocratique de ses ressources deviendrait possible.
La DCRI uniquement policière pourrait s’ouvrir à d’autres horizons tout en gardant son rôle répressif.
Rejoignent la D.G.S.I. les anciens RGPP devenus Direction du Renseignement de la Préfecture de Police et les anciens R.G. devenus Sous-Direction de l’Information Générale.
Voilà qui semble remettre un peu ça en bon ordre.
Respectons la loi semblent dire les auteurs de l’essai et rendons à la Gendarmerie son rôle naturel dans le recueil et le traitement du renseignement.
L’armée doit retrouver sa compétence générale en matière de renseignement et ne plus être la « boite à outil » des policiers.
Les militaires et le renseignement –
Le constat est sévère pour la Direction Générale des Renseignements Extérieurs (D.G.S.E). Il ne faut pas s’en étonner puisque l’inspirateur des réformes précédentes les tenait à l’écart.
Le tout policier, la concentration excessive qui induisait une absence totale de contrôle et ouvrant la porte à tous les abus et tous les scandales aurait vécu en cas d’alternance politique.
La D.G.S.E doit évoluer pour s’adapter. Son recrutement semble en cause, la formation de ses personnels doit être complétée. Tout ce beau monde à l’Académie, je crois lire.
La D.C.R.I. ayant placé ses pions à la D.G.S.E., les auteurs pensent qu’une réciprocité doit s’imposer. Ça va grincer des dents, c’est certain.
Nous revenons à l’esprit d’ouverture de mondes qui s’ignoraient voire s’opposaient.
Il est nécessaire de renforcer les capacités d’analyse de la Direction du Renseignement Militaire constate-t-on. Même si cela est annoncé avec prudence, la D.P.S.D. a vécu et ses personnels rejoignent les services qui assurent déjà les mêmes missions que les siennes.
Je pense que les auteurs de l’essai y vont un peu vite et ne rester que sur un seul service de renseignement sur le territoire est un peu se priver d’une deuxième jambe nécessaire à un bon équilibre et surtout des contrôles mutuels s’exerçant naturellement.
Le renseignement économique et la protection de l’activité économique.
Pas grand chose si ce n’est le constat d’un retard considérable dans ce domaine et une absence inquiétante de protection de nos PMI et PME.
Tout semble à faire.
En guise de conclusion, je ne dirai qu’une chose – Le renseignement c’est le pouvoir – celui qui sait peu agir.
Les batailles pour ce pouvoir vont être rudes et je souhaite beaucoup de courage et de persévérance aux auteurs de cet essai pour se faire entendre et donner à un régime démocratique les services de renseignement qu’il mérite.
Jacky Mestries
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