Un président illégitime ?
On ne vous apprend rien, ça sent le roussi pour G.W. Bush et son équipe gouvernementale. Le récent départ de Karl Rove n’est rien de moins qu’opportun : l’individu était en ligne de mire pour pas mal de malversations, choses dont il a coutume depuis des lustres, la dernière en date étant la disparition bien venue pour lui d’échanges de mails au sein de l’équipe dirigeante, en particulier ceux évoquant l’implication directe du gouvernement dans le limogeage de juges fédéraux. Aujourd’hui, c’est pire encore, puisqu’on apprend par la bande la triste réalité : celle du vol manifeste des deux élections ayant menées Georges W. Bush à la victoire en 2000 et 2004.
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Et ce, via une annonce passée quasi inaperçue, il y a quelques jours à peine, ce 16 août dernier exactement. Celle du changement d’appellation de la firme Diebold, et de sa division machines à voter : son "Election Systems" est devenue par un coup de baguette magique "Premier Election Solutions", une façon comme une autre de tenter de redorer une image plus que ternie ces derniers mois, un nombre consistant d’Etats américains ayant refusé de prolonger l’usage des machines à voter signées Diebold, en invoquant clairement des malfonctions manifestes, quand ce ne sont pas des trous béants dans le programme gérant les machines, une sorte de feuille Excel sortant au bout du compte d’une machine aussi vérolée que peut l’être n’importe quel ordinateur tournant sous Windows (à bord c’est du 98 ou du NT 4.0, on en est pas encore à Vista - remarquez, et c’est tant mieux, car se serait pire encore !).
Dans l’indifférence générale, donc, Diebold, comme Rove, fuit ses responsabiltés, non sans avoir auparavant bel et bien tenté ses derrnières semaines de vendre sa division machines à voter... ce dont personne n’a voulu, en définitive, tant la base matérielle est défectueuse. La demande pressante des autorités fédérales d’ajouter une sortie papier à ses machines à fabriquer un président n’est pas non plus pour rien dans cette décision : les Américains viennent enfin de s’apercevoir qu’ils ont voté à deux reprises... les yeux fermés... sans même avoir à la sortie de ticket de caisse, ou au moins un récépissé papier indiquant qu’ils avaient au moins participé à un élection. Dit comme ça, ça a l’air anodin : or ça ne l’est pas : la suspicion l’a finalement emportée, le machines ayant massivement servies à élire W. Bush à deux reprises sont aujourd’hui mise à l’index, en raison de leur manipulation hasardeuse, et de leur possibilité évidente d’aboutir à une autre manipulation, bien plus grave, celle du résultat final. Changer de nom, à ce stade, c’est implicitement reconnaître que les machines étaient corrompues... au bénéfice de candidats du même nom.
Si le patron actuel entreprise, Thomas Swidarski, a bien en effet tenté de masquer les déboires de l’entreprise en affirmant que la division machines à voter deviendrait "indépendante" pour devenir "plus efficace" on n’en est pas encore à l’adoption directe d’un système Linux, voire Nexstep (devenu...OS X) sur ses futures machines. L’ancien dirigeant de Diebold, Wally O’Dell avait été bien plus clair avec le but final imposé aux progammeurs de sa société, en affirmant juste avant la seconde élection présidentielle américaine qu’il "apporterait les votes de l’Ohio à W. Bush". De deux façons, il est vrai : d’une part en devenant l’un des plus gros contributeurs financiers de la campagne Bushienne, et d’autre part... en faisant de cet Etat charnière dans l’élection celui où le maximum de plaintes pour mauvais fonctionnements et erreurs de comptage auraient lieu. Au final, en Ohio, Bush avait obtenu entre 118 000 et 119 000 voix de plus que Kerry, sur un total de plus de 5,6 millions de votes exprimés. Et pas moins de 350 000 votes discutables (erreurs, mauvais comptages, pannes, etc). Or c’est le gain de cet Etat crucial qui a certifié la victoire finale en représentants républicains. Au Nouveau Mexique, idem : un état gagné par 5 988 vois d’écart seulement, et l’annonce de 20 000 votes "mal enregistrés" et qui ne seront jamais comptabilisés !
Au sein même de l’entreprise responsable de ce gâchis, un cadre gardant l’anonymat avait depuis inondé la presse de documents prouvant ce dont on se doutait depuis le début, à savoir que les machines étaient "pondérables" à souhait, tant on pouvait facilement s’introduire dedans pour "tempérer" le résultat final. Un site efficace, BradBlog, n’a rien fait d’autre que de clamer la même chose depuis plus de sept ans maintenant. Retenons comme haut fait d’arme de cette firme où l’incompétence n’a d’égal que la duplicité, celle d’avoir fait paraître sur son propre site la photo d’une banale clé. Celle qui verrouillait l’accès à la carte PCMCIA censée recueillir les votes finaux. Cette clé "de protection" n’était autre que la même que l’on trouve dans tous les hôtels, pour ouvrir... les mini-bars. Un petit malin, qui avait simplement agrandi la photo et était allé le lendemain faire faire le double chez le serrurier-minute du coin... avait réussi en cinq secondes chrono à récupérer les résultats d’une machine, réputée "inviolable" par son constructeur. Il aurait pu faire de même avec une clé de mini-bar véritable, le serrurier lui ayant alors affirmé qu’on trouvait cette clé partout ! Et ne parlons pas de cryptographie : chez Diebold, on a pris quelques habitudes, en particulier celles de mettre tout le temps le même code de protection. Et pas n’importe lequel : 12 345 678, ça c’est de la protection !
Incompétents, mais pas totalement idiots : fort récemment, on a pu découvrir que parmi ceux qui cherchaient le plus à modifier les articles de Wikipedia les concernant, Diebold arrivait en tête, talonné en France par quelques bons amis de notre président actuel, dont Patrick Balkany (monsieur "les pauvres vivent très bien"). Remarquez, la firme a été assez idiote pour manipuler ces textes à partir de son siège, ce que révèle les adresses IP interceptées. Retour donc à la case "idiots".
Incompétence ou idiotie, certes, mais aussi dès le départ volonté manifeste de manipuler les résultats : en juillet de l’année dernière, après la mise en évidence d’une "porte dérobée" sur le système, un dirigeant de Diebold, David Bear, avait, je cite "admis avoir installé une porte dérobée afin que les personnes en charge des élections puissent facilement mettre leur système à jour". Et d’ajouter sans sourire : "Pour que ceci pose un problème, il faudrait que certains de ces officiels aient des intentions néfastes, et ça, je ne le crois pas". Depuis une année, on savait donc que les dés avaient été sciemment pipés. Or, à l’origine de ce calcul et de cette manipulation, on retrouve notre ami... Karl Rove.
Deux élections remportées avec une marge très faible, et des dizaines de milliers de votes perdus ou non comptabilisés en raison d’erreurs techniques, et pas un journaliste aujourd’hui pour rappeler à la lumière des annonces actuelles qu’une firme pourrait être jugée responsable d’avoir grugé à deux reprises les électeurs, que W. Bush n’a donc aucune légitimité électorale véritable...
En France, récemment, l’élection électronique a eu lieu dans quatre-vingts communes lors de l’élection présidentielle, avec pas mal de problèmes à la clé. Nul doute qu’il y en aura davantage, de machines, malgré tout, dans cinq ans. Dans cinq ans, en effet, le crédit de notre nouveau président sera suffisamment entamé, à voir son omniprésence actuelle à vouloir s’occuper de tous les malheurs du monde (à l’en rendre un tantinet ridicule), pour qu’on puisse craindre qu’à force de se présenter comme le nouvel ami d’un président illégitime, la tentation soit grande d’employer les mêmes méthodes en cas de chute de confiance prévisible dans les sondages. Car, pour conclure, qui a déclaré, il y a quatre ans, en France, qu’il était le plus chaud partisan des machines à voter, je vous le demande ? Aurait-on élu un Bush bis sans le savoir ?
Remarquez, ce n’est pas encore gagné : au sein même de son mouvement politique, tous ne s’accordent pas sur la généralisation des machines à voter : ce doit être la différence, en définitive, entre la France et les Etats-Unis. Autre différence : en France, Diebold, à un endroit, à déjà laissé sa place... à une entreprise de moteurs marins et moteurs de chars AMX. Diebold a en effet délaissé les hauteurs de Cassis... pour la Hongrie, et ça, ça ne s’invente pas ! Pour mémoire encore, chez Diebold le coût des salaires représente à peine 5 % de la valeur totale des automates que la société construit. En Hongrie, les choses (et les gens) n’ont donc pas la même valeur qu’en France, il suffisait de le savoir au départ, me direz-vous. Décidément, avec Diebold, tout se joue toujours à quelques pourcentages près...
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